[Tribune] Le potentiel de l'économie circulaire pour les acheteurs
Les directions achats sont encore peu nombreuses à tirer profit de l'économie circulaire, selon le dernier baromètre de l'ObsAr. Pourtant, pour certaines catégories d'achat, l'économie circulaire permet de réduire à la fois les coûts, la consommation de ressources et les émissions de GES.
Je m'abonneLes stratégies d'achat permettent aux organisations de réduire leurs coûts et de sécuriser leurs approvisionnements. Ces stratégies ont beaucoup contribué à améliorer la productivité du travail, par exemple en s'approvisionnant dans les pays à bas coût de main d'oeuvre. Par contre, elles ont souvent échoué à améliorer la productivité des matières. Ainsi, sur les 20 dernières années, la part du coût du travail dans le coût d'une entreprise industrielle allemande a diminué de 9% tandis que celle du coût des matières a augmenté de 7%. Aujourd'hui, les matières représentent la part la plus importante du coût d'une entreprise industrielle (43 % en Allemagne). Pendant longtemps, les acheteurs disposaient de peu de leviers pour améliorer la productivité des matières. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui grâce aux stratégies d'achat de l'économie circulaire.
Les stratégies d'achat de l'économie circulaire
L'achat de matériaux recyclés ou renouvelables (plutôt que l'achat de matériaux neufs) permet de réduire le coût des achats et de sécuriser les approvisionnements. Par exemple, l'usine du groupe pharmaceutique GSK, à Montrose, au Royaume-Uni, a réduit ses coûts annuels de 280 000 euros en substituant l'approvisionnement d'alcool méthylique vierge par de l'alcool recyclé.
L'achat d'équipements reconditionnés (plutôt que l'achat d'équipements neufs) permet également de réduire les coûts. De nombreux équipements, comme les compresseurs, les chariots élévateurs ou encore le mobilier de bureau, peuvent être reconditionnés. Un équipement reconditionné coûte généralement de 20 à 40% moins cher que le produit neuf, à performance et garantie égales.
L'achat de l'usage d'un produit (plutôt que l'achat du produit lui-même) permet de réduit le coût total de possession. L'usine de BASF, à Münster, en Allemagne, a réduit ses coûts annuels de 30 000 euros en préférant l'achat d'un service d'air comprimé à celui d'un compresseur. Renault a réduit le coût total de possession de l'huile de coupe de près de 20% en remplaçant l'achat d'huile par celui de son usage.
Enfin, le partage de l'utilisation d'un équipement existant (plutôt que l'achat d'un nouvel équipement) permet de réduire les coûts d'achat ou de générer un revenu complémentaire. Par exemple l'entreprise Floow2 aide les hôpitaux à partager les équipements dont le taux d'utilisation est faible (seulement 42% pour les équipements mobiles). La plateforme de partage Yard Club a permis à 2 500 professionnels du secteur de la construction de partager des engins de chantier.
Une approche en trois étapes
Pour mettre en oeuvre des stratégies d'achat circulaires, les acheteurs devront dans un premier temps identifier les catégories d'achat les plus appropriées. Par exemple, l'achat de produits reconditionnés est adapté aux équipements industriels, il ne l'est pas aux fournitures de bureau.
Dans un deuxième temps, les acheteurs pourront évaluer les bénéfices et les obstacles à la mise en oeuvre de ces stratégies d'achat. En particulier ils devront évaluer l'offre potentiellement disponible. En effet, si de nombreux fournisseurs commercialisent des équipements reconditionnés, ils ne les proposent pas sur tous leurs marchés.
Enfin les acheteurs pourront sélectionner et expérimenter les opportunités qui présentent les bénéfices les plus élevés afin de démontrer à leur organisation les bénéfices non seulement environnementaux mais aussi économiques de l'économie circulaire.
Par Rémy Le Moigne, fondateur de Gate C, société de conseil qui accompagne les entreprises dans leur transition vers l'économie circulaire, et auteur de L'économie circulaire - Stratégie pour un monde durable.