Le "Made in France" devient un vrai critère d'achats dans le BtoB
Dans le secteur privé, 54% des acheteurs interrogés dans le cadre de l'étude AgileBuyer sur les priorités des achats en 2019, considèrent le Made in France comme un critère d'achats à part entière. Dans le public, où l'on parlera plus de circuits courts, 41% des acheteurs en disent autant.
Je m'abonneC'est l'un des résultats marquants, pour ne pas dire une surprise, de l'édition 2019 de l'étude AgileBuyer sur les "Tendances et priorités des départements achats en 2019" : le "Made in France" (ou achat local) est considéré par une majorité d'acheteurs (53%) comme un critère d'attribution du business. Non seulement ce pourcentage passe pour la première fois au-dessus de la barre des 50% depuis qu'il est mesuré, mais il progresse également de manière constante : uniquement 31% en 2017 et 43% en 2018. "Même s'il convient de rester mesuré et de ne pas y voir un patriotisme économique exacerbé, ce résultat traduit tout de même un certain changement de mentalité parmi les acheteurs", commente Olivier Wajnsztok, directeur associé de AgileBuyer et grand chef d'orchestre de cette étude menée avec le CNA. "Totalement incongrue il y a peine quelques années, l'idée d'avoir des critères d'attribution du business en rapport avec le Made in France a fait son chemin. Cette tendance se retrouve dans le secteur privé, où 54% des acheteurs interrogés considèrent le Made in France comme un critère d'achats à part entière (en hausse de 8 points par rapport l'année dernière). C'est plus nuancé dans la sphère publique, où l'on parlera davantage de circuits courts, avec "seulement" 41% des acheteurs publics dans l'affirmative, un chiffre en baisse de 5 points."
Frédéric Thielen, directeur des achats Groupe de Brandt explique que "En ayant opté pour la labellisation "Origine France Garantie" de certains de nos produits, nous nous obligeons à garantir pour ceux-ci leur assemblage et la localisation de plus de 50% de leur valeur en France. Ce positionnement client voulu influence de facto notre politique d'achats."
Certains secteurs d'activité très pro "Made in France"
Par ailleurs, les résultats sont très variables d'une branche d'activité à l'autre. Dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration (78%), de la mode ou encore du luxe (64%), le Made in France est devenu une marque de fabrique. Par ailleurs, les marchés fournisseurs de certains secteurs restent très locaux : la communication et les médias (71%), l'aéronautique ou la défense avec leurs bassins d'emploi respectifs (59%), la banque, la finance et les assurances (58%). En revanche, dans d'autres branches dont la production est internationalisée et localisée à l'étranger, le Made in France n'est pas un critère d'attribution du business à l'image de l'automobile (32%).
Lire aussi : Les achats, fer de lance des politiques publiques ?
Le Made in France ne représente pas une contrainte pour une majorité d'acheteurs
Fort logiquement, une très large majorité d'acheteurs (68%) estime que le Made in France ne représentent pas une contrainte particulière en termes d'achats. Seuls 10% considèrent qu'il s'agit d'une contrainte car le Made in France reviendrait - selon eux - à acheter plus cher (ils étaient 2 points de plus en 2018), quand 15% rappellent que les produits ou les services achetés par leur entreprise ne se trouvent pas en France. "Plus de 75% de nos achats sont made in France et il s'agit clairement d'une opportunité et pas d'une contrainte", témoigne pour sa part Arnaud Choulet, directeur des achats Groupe chez Korian. "Compte tenu du maillage national de Korian, qui en fait un véritable acteur local, nous souhaitons aller plus loin et je veille à la cohérence de notre politique achat dans l'écosystème régional de nos établissements."
C'est notamment le cas dans l'industrie où les scores sont moins élevés que pour le reste du panel : 64% des acheteurs interrogés pour l'automobile, 63% pour l'aéronautique et la défense, ou encore 58% pour la métallurgie et la mécanique. Inversement, une large majorité d'acheteurs dans les entreprises de services ne voient aucune contrainte à acheter Made in France : 86% dans la banque, la finance et les assurances, 80% dans le tourisme, ou encore 76% dans le conseil et la formation.
Sur ce point, le contexte est donc très inégal selon les entreprises : par exemple, il est plus facile d'acheter en France pour une entreprise de services hexagonale que pour un groupe industriel français dont les achats de production et de matières premières se trouvent parfois à l'étranger. De même, certaines entreprises françaises qui se développent à l'international et qui s'implantent dans des pays étrangers peuvent se doter de nouvelles sources d'approvisionnements et/ou s'adresser plus facilement et logiquement à des fournisseurs locaux.
Lire la suite en page 2 : Achats dans les pays à bas coûts : la baisse se confirme depuis 5 ans
Achats dans les pays à bas coûts : la baisse se confirme depuis 5 ans
Comme l'an dernier, les achats dans les pays à bas coûts continuent perdre du terrain. En effet, pour 69% des répondants, il ne s'agit pas d'un axe de travail (en hausse de 2 points par rapport à 2018). A noter que ce pourcentage augmente de manière continue depuis 2015. Plus encore, le nombre d'entreprises souhaitant augmenter la part de leurs achats dans les pays à bas coûts continue de baisser parallèlement : 19% en 2019 contre 21% en 2018. Et, là aussi, ce résultat enregistre une baisse continue depuis 2015. Cette double tendance peut notamment s'expliquer par la hausse des coûts salariaux et de production observée dans les pays à bas coûts depuis plusieurs années. Dès lors, ces derniers apparaissent comme moins compétitifs si l'on raisonne en coûts complets et que l'on prend en compte l'ensemble des coûts de la supply chain.
"Le ministère des Armées applique un raisonnement en coûts complets", témoigne Jean Bouverot, alors responsable ministériel des achats au ministère des Armées. "Il est souvent pertinent d'intégrer les coûts de transport des fournitures ainsi que l'assistance en cas de difficulté sur les matériels. La réactivité est un facteur déterminant pour nos opérations."
Seuls les secteurs industriels vont continuer d'augmenter leurs parts d'achats dans les pays à bas coûts : 43% des répondants dans l'aéronautique et la défense, 36% dans la métallurgie et la mécanique, ou encore 34% dans l'automobile. Des résultats qui s'expliquent en partie et bien souvent par l'obligation pour ces entreprises d'acheter local dans leur business à l'étranger. En revanche, dans les services, les achats dans les pays à bas coûts ne sont pas du tout un axe de travail : c'est le cas des secteurs de la banque, finance et assurances (91% des répondants), mais aussi du conseil et de la formation (84%), du tourisme (84%), de la communication et des médias (79%).
Les relocalisations ne sont pas liées à l'environnement géopolitique
La volatilité de l'environnement géopolitique en 2019 va-t-elle néanmoins pousser les entreprises à relocaliser leur production et donc leurs achats le cas échéant ? "Non", pour 88% des personnes interrogées. "Le score, assez bas en réponse à cette question, dépend du niveau d'appréciation des risques d'évolution des accords douaniers et de la pression sur l'empreinte environnementale", commente Frédéric Thielen, directeur des achats Groupe de Brandt. "En tout état de cause, les acheteurs seront de plus en plus amenés à avoir une approche systémique de la question".
Les relocalisations se feront principalement en Europe... et un peu en France
Toutefois, il est intéressant de noter que parmi les 12% d'entreprises qui envisagent de relocaliser leur production, 73% des répondants pronostiquent un retour en Europe (hors France) mais aussi en France pour 54% des personnes interrogées. Des relocalisations en Amériques (16%) ou en Asie / Océanie (15%) restent très marginales. Parmi les 12% de répondants envisageant une relocalisation de leur production, une immense majorité (80%) estiment qu'un tel processus permettra de mieux sécuriser les processus d'approvisionnement. Parmi les autres bénéfices attendus d'une relocalisation, l'amélioration du "Time to market" (50% des personnes interrogées) devance la réduction des coûts d'achats (39%), l'amélioration de la qualité (31%) ou la limitation des impacts environnementaux (30%). Un meilleur respect de la propriété intellectuelle, qui s'est parfois révélé problématique en Asie, n'est évoqué que par 9% des répondants.
Lire tous les articles sur les résultats de cette étude:
- Les priorités des départements achats en 2019
- Gestion des fournisseurs : des relations qui se tendent "parfois"
- La montée en puissance des réductions de coûts intelligentes
- Positionnement des achats: la fonction progresse légèrement
- Les achats responsables ne sont pas un objectif prioritaire
- Les achats, une fonction qui doit permettre de faire carrière