Les entreprises face au défi des compétences
Les évolutions sociales et technologiques, les nouvelles formes d'organisation du travail bousculent le contenu et la structure des emplois. Autant de défis qui nécessitent de construire une nouvelle approche dans la gestion des emplois avec, au centre des attentions, la notion de compétence.
Je m'abonneL'emploi, nouveau serpent de mer des dirigeants ? L'actualité le montre, les entreprises sont nombreuses à éprouver des difficultés de recrutement. Un dirigeant d'entreprise sur deux témoigne de problèmes à trouver le bon candidat. Une situation d'autant plus paradoxale que le taux de chômage dépasse 9 % de la population active et que l'activité économique est en croissance.
Dès lors, la question de l'inadéquation de l'offre et de la demande pointe et traduit un problème bien plus large de compétences des candidats face aux exigences des recruteurs.
"Un million de jeunes sont sans activité, ni en emploi, ni en étude, ajoute Muriel Pénicaud ministre du Travail, invitée d'une conférence organisée par LHH Altedia et le Groupe Adecco mardi 23 octobre 2018. Il faut aller chercher toutes les personnes et s'ouvrir à de nouveaux profils".
La clé des compétences
Une urgence tant pour les pouvoirs publics que pour les entreprises et les demandeurs d'emploi qui s'ajoute à un défi de taille : la mutation des emplois dans les années à venir en raison de la transformation technologique et des nouvelles attentes des salariés. 30 % des emplois sont susceptibles de voir leur contenu évoluer dans les prochaines années, selon une étude COE de 2017 relative aux conséquences de l'automatisation et du numérique sur les emplois. Pour Glenda Quintini, économiste à l'OCDE, un emploi sur deux est amené à changer d'ici à 10 ans, "dont 16 % vont disparaître".
Les évolutions sociales et technologiques accentuent cette tendance en raison des transformations qu'elles engendrent, aussi bien sur l'organisation que sur le contenu des emplois. "La question des compétences de demain est un des enjeux auxquels nous faisons face, témoigne Delphine Dupuis, DRH de Danone. Nous avons besoin de compétences spécifiques en lien avec notre volonté d'agir sur l'environnement et de faire face aux mutations amenées par la transformation digitale".
La France fait face à un problème de qualification et d'adaptation des profils. "Deux tiers des pénuries concernent des métiers hautement qualifiés", précise Glenda Quintini (OCDE).
Plus qu'une simple adaptation, ce défi nécessite de changer le paradigme des process de recrutement des entreprises. La question de l'employabilité et du contrôle des compétences constitue une transformation majeure des ressources humaines. Pour Diane Rivière, DRH du groupe Adecco, "l'objectif est de dépasser cet état de la connaissance pour aller vers celle d'une maitrise des compétences. Il faut être capable demain d'avoir un système de visibilité des compétences pour coller au plus près des besoins des entreprises".
Changement d'approche
Des conséquences qui imposent également de repenser le management mis en place. "On a beaucoup misé sur le leadership parce que ça permet d'accompagner la transformation numérique. Mais on s'est aussi rendu compte que l'accessibilité des connaissances, facilitée par internet, ne suffit pas à maîtriser les problématiques pointues et la capacité à prendre de bonnes décisions", souligne Delphine Dupuis (Danone).
Une évolution des métiers qui impose une expertise plus précise qui, il n'empêche, ne peut se concevoir sans des compétences nouvelles à même de faciliter la mise en place des évolutions attendues.
Une dynamique qui fait dire à Diane Rivière (Adecco) que les recrutements à l'avenir ne se feront plus avec le traditionnel CV. "Le savoir-être, l'intelligence émotionnelle seront les nouveaux critères de recrutement car ils permettent de s'assurer que les candidats ont des capacités d'apprentissage et d'adaptation", fait-elle savoir.
Cette prépondérance des softs skills, de plus en plus plébiscitée par les dirigeants, s'illustre aussi comme un moyen pour les entreprises de s'assurer que leurs salariés s'adapteront aux évolutions à venir dans leurs métiers et seront à même de se former tout au long de leur parcours.
Aujourd'hui, seul "un tiers des Français suivent des formations dont la très grande majorité concerne des profils hautement qualifiés", note Glenda Quintini (OCDE). Un signe que la formation et la montée en compétences des collaborateurs restent un défi pour les entreprises.