(Tribune) Comment obtenir une vraie compétence en négociation
Parce que la renommée de l'entreprise et/ou le volume d'achat ne sont pas les seuls arguments clefs de la négociation, découvrez les techniques de négociation des acheteurs qui font face à un déficit d'image ou de volume important.
Je m'abonneBeaucoup d'acheteurs pensent que la renommée de leur entreprise et/ou le volume d'achat seront les arguments clefs de leur négociation. Or, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) obtiennent souvent de meilleures conditions commerciales que les grands groupes. Découvrez les techniques de négociation des acheteurs qui font face à un déficit d'image ou de volume important:
Briefer son équipe projet à la négociation
Les occasions de fuites d'informations ou de pertes de contrôle ne manquent pas durant la phase de négociation. Une équipe mal préparée peut anéantir plusieurs mois de négociation. Il faut donc briefez tous les membres du projet :
-les (ex) agents d'approvisionnement ;
-les ingénieurs développement ;
-le service qualité ;
-la direction générale et leurs réseaux d'influences (à ne pas sous estimer).
Votre propre équipe peut "lâcher" des informations sans avoir conscience de leur importance pour la négociation. Il est donc très important de les sensibiliser car ils peuvent potentiellement être une source d'informations pour les fournisseurs.
Explorer les intérêts du fournisseur... et du commercial
Le prix est rarement une finalité lors d'un appel d'offres. Pour percer l'armure de votre interlocuteur, il va vous falloir oublier vos propres limites "d'indiscrétion" pour partir à la découverte des limites de l'autre :
- identifier les omissions volontaires ;
- définir ses objectifs avoués ou non ;
- évaluer ses limites.
Il faut aussi et surtout s'interroger sur les intérêts du fournisseur:
-ne pas laisser entrer un concurrent ;
-prendre des volumes ;
-avoir une référence sur le marché ;
-rentabiliser un fort investissement R&D ;
Et se demander quels sont les intérêts du commercial ?
- évoluer vers un poste grands comptes; quitter son organisation ; obtenir votre recommandation pour un autre prospect ; se former sur votre secteur d'activité.
Ne jamais négocier le prix... directement
Les meilleurs négociateurs s'appuient sur sept domaines d'activité concessionnelle pour élaborer leur argumentation. La finalité est d'amener progressivement le commercial à réduire le prix par le simple jeu des concessions et des contreparties.
1. L'organisation de la négociation
Déstabiliser le fournisseur en le poussant à demander un changement d'organisation vous permet de négocier une contrepartie sans concession !
Soyez à l'initiative sur :
-Le nombre de tours de négociation ;
-La prime au fournisseur " historique " ;
-La fréquence des rencontres ;
-L'ordre du jour et le lieu des réunions.
Etudiez le moment opportun :
-Clôture des objectifs annuels ;
-Rachat probable (on habille la mariée) ;
-Campagne promotionnelle ;
-Perte d'un marché significatif.
2. Les informations
Une fois vos troupes en ordre de bataille, collectez toutes les informations "grises" sur le fournisseur et son marché auprès de vos collaborateurs et de votre réseau. Utilisez à bon escient vos atouts :
- déstabilisez la stratégie de vente du fournisseur ;
- échangez des informations sur le marché contre une baisse de prix ;
- rectifiez les arguments erronés et replacez le débat.
3. Le poids du contrat
Soyez à l'initiative du contrat et présentez une version "hard" pour tester l'appétit du fournisseur :
- soyez méfiant envers un fournisseur qui accepte vos conditions sans réagir ;
- profitez des rejets fournisseurs pour obtenir des contreparties sans réelles concessions.
Faites signer votre contrat avant la négociation tarifaire, vous aurez plus de poids sur les clauses litigieuses.
4. La structure par lots
Il s'agit de mener une stratégie globale de négociation en associant dans un même appel d'offres un marché très attrayant pour le fournisseur et un autre marché à faible enjeu. Vous gagnerez du temps et jouirez d'une force inespérée pour atteindre vos objectifs secondaires.
Exemple : Le budget marketing fournisseur est rarement lié aux objectifs de vente. Il s'agit d'obtenir une part de ce budget à l'attention de votre département marketing : places de foot, goodies, cadeaux de fin d'année etc.
5. Les niveaux
Il s'agit des enjeux quantifiables dans la relation commerciale :
-les conditions de paiement ;
-les délais ;
-les tolérances (en mm, en microns, en pourcentage etc.) ;
-les performances techniques.
Votre force sera de centrer la négociation sur les intérêts et non pas sur les positions fermes. Bon nombre d'acheteurs se focalisent sur les délais de paiement sans connaître le rendement du capital dans leur entreprise (généralement de 8 à 12%).
6. Les risques et les responsabilités
Votre objectif est de transférer les risques qui étaient auparavant partagés :
-stock obsolète ;
-rotation lente et les invendus ;
-gestion des dates de péremption ;
-certifications.
La tentation de court-circuiter un distributeur ne doit pas minimiser le transfert de risques vers votre entreprise.
7. La nature
Il s'agit ni plus ni moins de (re)négocier la nature même du produit/service. Le fournisseur prend activement part à la rédaction. Il est invité à apporter toute son expertise et sa technicité tout en apportant un tarif compétitif.
4. Les paroles s'envolent, Les écrits restent !
Prenez le temps de vérifier vos notes préparatoires : tous les sujets qui se présenteront après l'accord vous coûteront plus cher.
Le temps alloué à la négociation n'est pas infini, alors décrivez précisément les engagements des parties dans un contrat validé par votre service juridique.
Tous les fournisseurs ainsi que l'équipe projet ayant participé à l'appel d'offres ont droit à une communication à la fin de la négociation.
1 500 euros d'économies par heure
Vous vous concentrez sur les achats importants ou des activités stratégiques ? C'est effectivement indispensable. Néanmoins, ne négligez pas les opportunités de négociation " spot " sur les achats de faibles montants :
Cas pratique: Vous recevez une demande d'achat de 500 € HT. Prenez 2 minutes pour poser au fournisseur l'une de ces 3 questions :
- Jusqu'où vos prix sont-ils flexibles ?
- Ce n'est pas la première fois que nous passons commande chez vous. Quelles réductions/remises sont disponibles pour notre entreprise ?
- Quel est le prix le plus bas que vous êtes en mesure de proposer pour ce produit/service ?
Vous obtiendrez sans doute un rabais de 10%, soit 50 € sur la commande. Répétez cela à vos minutes perdues et vous obtenez un ratio de 1 500 € d'économies par heure ! Une solution alternative est de confier ces achats dits de classe C à un prestataire externe et de partager les gains.
Par Olivier Audino, président directeur général de Buy Made Easy
Avant de fonder Buy Made Easy, Olivier a travaillé sept ans à la direction des achats de General Electric, de United Technologies et du Groupe Seb. "C'est en partageant avec les opérationnels achats dans le monde entier qu'est née l'idée de refondre l'organisation des achats à travers une méthodologie et des outils de ruptures", raconte-t-il.
Olivier Audino a co-écrit l'ouvrage Les fiches outils des achats avec Maud Brochot, Bruno Broucke et Bertrand Debatte, publié aux éditions Eyrolles. Ce guide opérationnel présente 75 fiches, qui abordent de façon exhaustive la fonction de responsable achats : traduire les besoins et rédiger le cahier des charges. Acheter "responsable" et durable". Aligner la politique achats sur la stratégie. Réaliser une cartographie des achats généraux. Organiser les appels d'offres: les Rfx. Préparer, conduire et conclure une négociation. Optimiser son panel fournisseurs. Déployer la politique achats et piloter la performance. Le complément en ligne contient un questionnaire bilingue français-anglais de présélection des fournisseurs, une matrice pour évaluer la maturité des achats, plusieurs modèles de contrats et autres outils opérationnels adaptables à tous les secteurs d'activités.