Délais de paiement : les cultures et les process doivent encore évoluer!
Quelles évolutions dans les pratiques en matière de paiement fournisseur et surtout quelles actions mener pour progresser sur ce sujet sensible? Tel fut le thème des 4e Assises des délais de paiement qui se sont tenues lundi dernier à Bercy.
Je m'abonneLes retards de paiement se réduisent. "Au deuxième trimestre 2017 la France est passée sous la barre des 11 jours de retard contre 13.3 jours en 2015. L'évolution est donc lente mais réelle", a annoncé Thierry Million, directeur des études Altares lors de la 4e édition des Assises des délais de paiement qui se sont tenues lundi dernier au sein même du ministère de l'Économie et des Finances. Pourtant un tiers des défaillances d'entreprises est toujours causé par des défauts de paiement. Et si 43.4% des entreprises françaises paient leurs fournisseurs à l'heure ce qui est un chiffre plutôt positif, encore 15% les paient avec plus de 30 jours de retard. "Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, estime Jean-Hervé Lorenzi, président du pôle Finance et Innovation et du Cercle des Économistes. Il existe encore trop de mauvais payeurs et pour de mauvaises raisons, notamment au sein des grands groupes!"
Une priorité politique?
Il n'y aurait donc pas encore de prise de conscience des plus gros acteurs économiques quant à l'importance du respect des délais de paiement. "Il faut bien savoir que pour ces grandes entreprises internationales, le marché français ne représente que 10, 15 parfois 20% du volume facture", souligne Jeanne-Marie Prost, présidente de l'Observatoire des délais de paiement, qui prône l'intérêt d'avoir une norme internationale ISO sur les délais de paiement.
Pour Jean-Hervé Lorenzi les délais de paiement ne sont tout simplement pas encore suffisamment portés par les politiques économiques : "Il y a des initiatives positives. Dans les travaux menés on commence à intégrer les délais de paiement dans les réflexions macro économiques mais le sujet n'est pas encore sur le haut du panier. Tant que les délais de paiement ne seront pas une priorité absolue portée par le gouvernement au même titre que l'assurance maladie on n'y arrivera pas!" Et pourtant le crédit inter-entreprise français représente 635 milliards d'euros (source FIGEC) qui ne sont donc pas réinjectés dans l'économie. Un chiffre vertigineux. Un argument de poids.
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L'impact sur le BFR
Les retards de paiement ont un effet induit sur la notation financière des entreprises et cela impacte leur accès à la liquidité; "Une entreprise qui maîtrise mal ses délais aura recours au crédit court terme, elle portera un risque financier plus fort, aura à gérer un BFR plus lourd, sa note sera moins bonne et son crédit plus cher, résume Alain Gerbier, directeur des entreprises à la Banque de France. Les délais de paiement sont donc un enjeu majeur pour toutes les entreprises."
Les réactions en cascade au sein des filières sont également un point de vigilance particulier. "On constate de plus en plus un phénomène de transfert de charge (sur les stocks par exemple) sur des sous-traitant de rang 1, 2 ou 3. Il est impératif d'avoir une réflexion délais de paiement globale sur l'ensemble de la chaîne fournisseurs. Les entreprises, et particulièrement les PME puisque ce sont elles les plus impactées, au moment de choisir un client doivent s'assurer de leur capacité à payer, de même le fait de choisir un fournisseur doit être l'occasion d'un dialogue et de la mise en place de règles, notamment au titre des délais de paiements", insiste Frédéric Grivot, vice-président section industrie à la CMPE.
Le rapport de force omniprésent
Certes, mais pas si simple quand on est un petit face à un gros. Combien de fois un fournisseur s'est-il entendu dire lors de négociations pour un renouvellement de contrat, alors qu'il a encore une ou plusieurs factures en souffrance, : "Bon je vais vous débloquer la situation mais vous me faites 5% de remise annuelle supplémentaire". Le pot de terre contre le pot de fer, le rapport de taille, toujours lui, gangrène les relations client fournisseur. Pour le médiateur des entreprises il faut "sortir de cette économie de la peur qui détruit la valeur!" Un retard de paiement est presque ressenti comme une forme de mépris par un chef d'entreprise et cela créé de la défiance. "Dans ce contexte aucune PME ou strat-up ne confiera une innovation à son client. Ces comportements sont destructeurs de valeur. Il faut au contraire travailler le facteur confiance", estime Pierre Pelouzet qui reconnait que la taille fait une différence ne serait-ce qu'au niveau organisationnel.
"Par essence les process de facturation sont très complexes chez les grands donneurs d'ordres. Parfois même invraisemblables." C'est pourquoi la médiation des entreprises s'est attachée à analyser le chemin d'une facture PME chez un donneur d'ordre ETI ou grand compte. Les données analysée en collaboration avec Sidetrade ont permis d'établir un premier baromètre médiateur des entreprises dans lequel il ressort qu'une facture sur sept reste bloquée dans le SI client et qu'il faut en moyenne 51 jours pour résoudre l'anomalie, honorer ou requalifier la facture. "Les causes sont multiples et peuvent venir du client comme de la PME émettrice. Il peut manquer une information sur la facture, il peut s'agir d'une mauvaise réception système ou encore d'un oubli de validation", explique Pierre Pelouzet. Un travail de prévention et de rigueur côté PME et un meilleur partage des informations en amont côté ETI et grands comptes serait un levier important de réduction des retards de paiement.
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Les solutions prônées
Pour agir sur les comportements et faire évoluer les cultures en matière de paiement, le gouvernement avait instauré le Name & Shame qui vise à dénoncer et sanctionner les plus mauvais payeurs. Si ce dispositif a eu une action bénéfique il semble aujourd'hui avoir atteint ses limites. C'est pourquoi plusieurs participants aux Assises (dont Jean-Noël Barrot, député Modem des Yvelines et vice président de la commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée Nationale, et François Perret, directeur général de Pacte PME) ont suggéré la mise en place d'un dispositif complémentaire qui actionnerait des leviers positifs cette fois. Une sorte de Name & Fame qui mettrait en avant les payeurs les plus vertueux. "Et en allant plus loin pourquoi pas imaginer un système d'incitation fiscale pour ces bons payeurs", ajoute François Perret.
D'une manière générale tous s'accordent à dire que les contrôles et les sanctions doivent toutefois être maintenus pour que les efforts ne se relâchent pas. Beaucoup misent également sur la dématérialisation du flux facture afin d'éliminer les retards administratifs récurrents. Mais la digitalisation ne règlera pas tout. "Elle apportera une certaine régulation sur la gestion des factures et des recouvrements mais n'empêchera pas les rejets. Le dialogue et la définition de règles de fonctionnement doivent être instaurées dès le départ", estime Frédéric Grivot de la CPME.
Enfin, pour optimiser les process de règlement la question du financement du crédit est un point crucial. Sur ce point on constate une progression de l'affacturage depuis quelques années. "Cette technique répond en effet au besoin de financer les factures dès leur date d'émission et permet de donner de la visibilité", se réjouit Bozana Douriez, directrice générale et administratrice de BNP Paribas Factor acteur majeur dans ce domaine. L'an dernier, 268 milliards de factures ont été financées via l'affacturage soit 40% du crédit inter-entreprise. Mais d'autres solutions apparaissent. Ainsi American Express travaille depuis 3 ans pour proposer au marché français une solution complémentaire et propose désormais du reverse factoring ou affacturage inversé qui permet un paiement sous 24h. "On sent une recherche de solutions vertueuses sur ces problématiques, estime Laurent Playez, directeur B2B France d'American Express cartes et solutions corporate. Nous devons donc travailler à proposer tout un écosystème de solutions de financement qui contribueront à optimiser les process de règlement."
Les initiatives sont nombreuses, ne reste donc plus qu'à réussir à instaurer un réflexe "respect des délais de paiement" en responsabilisant les entreprises comme on a réussi à la faire avec la sécurité routière par exemple. "Les chefs d'entreprises ont mis du temps à comprendre que les développement durable était un levier positif de croissance, il faudrait le même mécanisme, la même prise de conscience sur les délais de paiement", conclut Dominique Leblanc, président de Information & Finance Agency.
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Prix des Délais de paiement : les bons élèves récompensés
Si la tableau n'est pas tout rose, il n'est pas tout noir non plus. C'est pourquoi les Assises des Délais de paiement mettent un point d'honneur chaque année à reconnaître les efforts accomplis et à mettre en lumière les pratiques les plus vertueuses en décernant les prix des Délais de paiement. Sont ainsi distingués cette année :
Dans la catégorie Organisme public, le ministère des Armées reçoit le premier prix pour avoir mené une démarche de longue haleine et réussi à réduire de 10 jours ses délais de paiement en 3 ans. Un prix coup de coeur a été décerné à l'Hôpital Intercommunal de Créteil qui après de longs mois de discussion avec ses tutelles dont Bercy pour leur faire accepter une solution d'affacturage inversé a pu réduire ses délais de paiement à 4 jours. Cette démarche ouvre la voie et promet de faire des émules au sein des hôpitaux.
Le prix PME revient à Ideal meeting & event qui a mis en place un progiciel afin d'anticiper l'émission de la facture et permettre un paiement à 3 jours.
Le prix Territoire a été décerné au département des Hauts de Seine qui a réorganisé sa fonction achats, mis en place un système de mesure des délais pratiqués et applique les intérêts moratoires en cas de retard afin d'aiguillonner chaque service. Un coup de coeur a été attribué à l'agglomération des Pays de l'Or (Méditerranée) pour son travail sur la réception et la numérisation des factures.
Le prix ETI revient à Gutemberg Networks signataire de la charte relation fournisseurs et labellisé fournisseur responsable, l'entreprise a intégré les délais de paiement dans sa démarche achats responsable.
Enfin le prix Grands Compte pour lequel étaient en lice EDF, Michelin et Bouygues Telecoms revient à Michelin qui a fait le choix d'un ERP unique à l'échelle monde pour faciliter la remontée d'information, mis en place des batchs spécifiques pour les délais courts et installé un portail de facturation au niveau européen. "Nous travaillons actuellement sur une nouvelle solution EDI qui devrait donner ses fruits d'ici fin 2018 et travaillons encore à sensibiliser tant les clients internes que les fournisseurs", précise Frédéric Joudrier, directeur des opérations & qualité achats chez Michelin. Sur 2017, le groupe devrait atteindre 85% des factures payées à l'heure et vise un taux de 92% en 2020.
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