Achats responsables et durables : les entreprises adhèrent au principe mais pratiquent peu
Qu'en est-il du développement des achats responsables au sein des entreprises? La tendance se confirme mais les sujets précis ont encore du mal à éclore. C'est en tout cas ce que révèle l'enquête menée par l'ACA auprès de ses membres.
Je m'abonnePoussées par les nouvelles obligations réglementaires comme la loi sur le devoir de vigilance, les entreprises prennent de plus en plus conscience de l'enjeu que représentent le développement de politiques Achats Responsables Durables (ARD) mais dans la pratique les projets concrets peinent encore à émerger. C'est ce qu'indiquent les résultats de l'enquête menée par l'ACA, l'association Cesa achats et supply chain, pour la 2e année consécutive.
Ainsi entre 2016 et 2017, la tendance se confirme et l'enjeu RSE a pris de l'ampleur au sein des entreprises. "Les fondamentaux se mettent en place, indique Jean-François Cognet, directeur achats Orange Business Service, membre de l'ACA. La charte RSE devient la norme. En 2017, 70% des répondants déclarent avoir une charte RSE dans leur entreprise soit un bond de 20 points par rapport à 2016." Pour Fabien Seguin, responsable du groupe de travail dédié aux achats responsables au sein de l'ACA il s'agit même du "premier pilier de la prise de conscience." La politique ARD est également plus largement diffusée aux parties prenantes (à 59% en 2017 soit +10 points vs 2016). De même, des indicateurs de performance et de suivi spécifiques sont désormais mis en place chez 55% des répondants (+10 points là aussi vs 2016). "On note également une montée en puissance de l'implication des parties prenantes avec de plus en plus d'exigences RSE dans les cahiers des charges, détaille Jean-François Cognet. Enfin, sur le panel seuls 25% des acheteurs ne sont, à ce jour, pas formés aux ARD contre 48% en 2016!" Des progrès nets et des points très positifs donc.
Malgré tout, la mise en pratique des ARD reste hésitante. Pour preuve : 63% des acheteurs ne sont toujours pas objectivés sur les ARD. Les modèles TCO commencent juste à intégrer des éléments hors bilan financier (chez 11% des répondants) et les plans de progrès ne sont pas systématiques. "Quant à la question : prenez-vous en compte les nouvelles obligations de responsabilité étendue du donneur d'ordre? Les réponses sont très disparates c'est un peu la recette du quatre-quart. Cela va de pas du tout à totalement en passant par plutôt oui ou plutôt non", souligne Jean-François Cognet. Cela montre donc bien que si la prise de conscience s'accélère les nouvelles obligations réglementaires ont des effets contrastés. "La loi sur le devoir de vigilance agit comme véritable stimulant sur les entreprises qui ne sont pas encore investies dans une démarche RSE mais a contrario peut freiner celles qui avaient amorcé une démarche et craignent désormais de ne pas être conformes", analyse Fabien Seguin.
3 exemples d'actions menées sur le devoir de vigilance
Pour bien appréhender le devoir de vigilance, la meilleure porte d'entrée semble être de passer par la gestion des risques. Les services achats des grandes entreprises ont déjà un process de surveillance pointu qui peut permettre de mettre un filtre RSE sur tous les métiers.
Chez Nexans la démarche RSE et le devoir de vigilance ont permis de réunir les services achats, juridique, compliance, environnement, santé au travail et RH pour remettre en question la cartographie des risques du responsable risques sous différents spectres. "Si les familles stratégiques sont codifiées, d'autres achats secondaires minimes passent sous le radar de la cartographie des risques. C'est pourquoi l'enjeu chez Nexans est désormais d'analyser et d'intégrer les signaux faibles. Les acheteurs doivent acquérir de nouveaux réflexes lorsqu'ils sont en négociation avec un fournisseur surtout s'ils savent que celui sous-traitera nécessairement" détaille Laurence Vandaele, directrice RSE groupe Nexans.
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Avec 96% de capital flottant, les attendus extra financiers sont très importants pour le groupe Legrand qui développe une démarche RSE depuis 2011. Le groupe va désormais plus loin dans le suivi fournisseur en déployant sa démarche 3P (purchasing performance program) qui intègre les critères RSE au plan de développement fournisseur. "Pour bien analyser la situation nous menons des audits documentaires et des audits sur sites. Pour cela on regroupe par pays les différents experts (santé, sécurité, environnement...) et les achats en la personne de notre responsable achats responsable", explique Karine Alquier-Caro, directrice achats groupe Legrand.
Dans le secteur de la cosmétique, particulièrement sensible aux sujets RSE, une alliance inédite entre 4 acteurs majeurs s'est créée. L'Oréal, Yves Rocher, Clarins et Coty ont convenu de partager leurs informations sur les pratiques environnementales et sociales de leurs fournisseurs via la plateforme EcoVadis pour gagner en visibilité et en responsabilité tout en limitant les risques.
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