Sport en entreprise : comment et pourquoi en encourager la pratique ?
Un esprit sain dans un corps sain. Si l'adage est connu des parangons de l'alimentation saine et de la pratique d'une activité sportive régulière, qu'en est-il en entreprise, lieu où salariés, cadres et dirigeants passent le plus clair de leur temps ?
Je m'abonneFaut-il consacrer de l'énergie, du temps et de l'argent à proposer à ces salariés une ou plusieurs activités sportives ? De l'énergie, très certainement, tandis que les TMS (troubles musculo-squelettiques) sont reconnus comme première maladie professionnelle en France et en Europe depuis plus de 20 ans (source: INRS, santé et sécurité au travail) et qu'ils représentaient 87% des maladies professionnelles en 2014. Ces troubles, engendrés par la sédentarité des collaborateurs, la pénibilité du travail, le port de charges lourdes et autres facteurs d'épuisement physique ont un impact économique fort sur l'entreprise. En découlent des risques d'absentéisme, d'arrêts maladie de plus ou moins longue durée et la chute de la productivité des salariés.
Le sport, un "truc de start-up" ?
Dans un esprit très "Silicon Valley" comme aux États-Unis où sont proposées des activités de "team building" et des ateliers sportifs pour motiver les troupes, les start-up françaises se sont mises à encourager l'activité sportive en mélangeant managers et équipes d'opérationnels. Chez Souscritoo, spécialiste de l'accompagnement des particuliers dans leurs démarches administratives au moment de déménager, le sport s'est inscrit pleinement dans la culture de l'entreprise.
Pour Philippe de la Chevasnerie, son p-dg adepte de running et de windsurf, c'est une manière de créer de la cohésion d'équipe : "Nous mettons en place des actions telles que des petits déjeuners, des soirées... Mais le sport est une activité qui nous permet d'apprendre à mieux nous connaître". Chez Souscritoo, des compétitions de football en salle entre start-up ont été organisées grâce à l'application Weedoit : "Nous avons eu l'occasion d'affronter Mondocteur et Hellocasa !" précise le dirigeant.
Souscritoo a également inscrit ses coureurs les plus assidus aux 10km de L'Équipe en 2018 et au Marathon de Paris. Ces initiatives sont organisées par le département RH de l'entreprise. Pour Philippe de la Chevasnerie, ces activités ont un impact puisque 30 % des salariés se sont pris au jeu dans l'entreprise. Elles ont aussi l'avantage d'aider à gérer le stress des pics d'activité : "Chez Souscritoo, nous n'avons pas de culture de l'horaire mais plutôt une culture du résultat. Cela peut donner un rythme de travail assez rapide alors on propose ces séances de sport pour aider à décompresser".
Pour décompresser d'ailleurs, les start-up ont une nouvelle "marotte" : le yoga, très pratiqué dans ces structures. Souscritoo et Assessfirst, professionnel du "recrutement prédictif", ont décidé de proposer des cours à l'heure de la pause déjeuner notamment. Pour David Bernard, p-dg d'Assessfirst, le yoga est un moyen de retrouver voire de développer "calme, concentration et patience". D'après lui, les effets sur les collaborateurs sont visibles : "Je vois qu'en réunion, les collaborateurs sont plus attentifs".
Encourager l'adoption
L'entreprise américaine Casper, spécialisée dans la vente de matelas, vient de faire parler d'elle en offrant des bonus à ses salariés qui enregistrent leur activité sportive et leur sommeil dans une application mobile. Une prime pour chaque heure de sport et nuit de sommeil complète leur est attribuée. Leurs parcours sportifs sont vérifiés en les géolocalisation. Ils sont crédités de 17 centimes d'euro par kilomètre de marche, 1,70 euro par kilomètre à vélo, 1,70 euro par nuit de sommeil complète. Leur cagnotte mensuelle est plafonnée à 190 dollars (environ 170 euros). L'opération trouve ses adeptes puisqu'au mois de mai, 69% des salariés de la start-up ont pu bénéficier d'une prime liée à leur activité physique.
Deux principes sont à respecter pour la mise en place d'une activité sportive en entreprise : les proposer sur la base du volontariat (toutes les personnes n'étant pas égales en terme de santé, de temps à consacrer à une activité ou tout simplement d'envie de faire cela avec ses collègues de travail) et faciliter leur pratique. Des douches peuvent être installées aux étages, les horaires de pause déjeuner aménagés en fonction... Certaines entreprises proposent des réductions forfaitaires sur l'inscription à une salle de sport.
C'est ce que propose l'entreprise d'origine brésilienne Gympass, implantée dans 570 villes dans le monde. Sur le même principe que la prise en charge d'une mutuelle, Gympass est payée en partie par le salarié, le reste du forfait est à la charge de l'employeur (à hauteur de 10 euros par personne au maximum). Les tarifs négociés par Gympass sont moins élevés que ceux du marché pour faciliter l'adoption. L'entreprise propose en complément de gérer de l'organisation événementielle autour des activités sportives, de développer des challenges afin de rendre cela plus ludique.
Le conseil du médecin
Pour Julien Glatre et Élodie Ortuno, du cabinet Cabsanté, conseil en hygiène de vie, ostéopathie et médecines douces à destination des entreprises, les TMS observés chez leurs patients sont différents en fonction des métiers et doivent donc être étudiés au cas par cas pour diagnostiquer les types de sports à pratiquer en entreprise.
Ainsi, un cadre sédentaire n'aura pas les mêmes besoins qu'un ouvrier qui porte des charges pénibles ou qu'un logisticien. Les deux ostéopathes voient notamment arriver dans leur cabinet une diversité de troubles liés à l'utilisation d'objets connectés (tablettes, smartphones, multi-écrans...). Un premier conseil de base : "Lorsque vous êtes assis toute la journée dans la même posture, il ne faut pas hésiter à se lever régulièrement, à bouger, relâcher les épaules qui sont souvent tendues et la mâchoire serrée. Il faut rester "tonique", adapter la position de son écran et la hauteur de sa chaise en fonction de sa morphologie, surélever sa tablette ou son ordinateur portable".
En revanche, Julien Glatre précise : "Il n'est pas nécessaire de pratiquer une activité sportive coûteuse ou très longue tous les jours pour éviter de développer des TMS, trente minutes d'activité douce par jour suffisent (marche, vélo, yoga, pilates...)". Pour l'ostéopathe, si l'entreprise souhaite réellement enclencher un dispositif qui apporte quelque chose à ses collaborateurs, mettre en place une routine à l'image des travailleurs en Chine qui pratiquent le qi gong le matin - une forme de gymnastique - avant de commencer leur journée peut suffire : "Il est recommandé de pratiquer des exercices d'échauffement le matin et des étirements (stretching) le midi". Pour le praticien, l'activité sportive n'est plus une option dans la mesure où la sédentarité a accru les besoins. "De plus, cela favorise une meilleure ambiance dans les services et c'est viable économiquement parlant", ajoute t-il. Pour suivre leurs patients, les ostéopathes proposent aux salariés d'utiliser des objets connectés grâce auxquels ils peuvent suivre leurs performances et leur faire des recommandations.
Chiffres
12% de gain de productivité pour le salarié pratiquant au moins 30 minutes d'activité physique par jour par rapport aux collègues sédentaires (étude Santé Canada).
7 à 9% d'économies réalisées par l'entreprise sur les frais de santés annuels d'un employé si celui-ci à une activité physique régulière (source : Goodwill).
3 ans d'espérance de vie gagnés en moyenne pour la pratique régulière d'une activité physique, repoussant ainsi de six ans l'âge où il devient dépendant (source: Goodwill).