Espace de travail : et si le bureau 2.0 ressemblait plus à notre monde ?
Un nouveau livre né d'un partenariat entre les acteurs de l'aménagement de bureau Haworth et Philips Lighting et le Royal College of Art de Londres s'attaque à la conception traditionnelle du bureau. Un travail de destruction nécessaire pour construire l'environnement de travail de demain...
Je m'abonneEt si le bureau idéal ressemblait au monde qui nous entoure ? Telle est l'idée qui donne sa trame - et son sous-titre - à Life of Work : What Office Design Can Learn From The World Around Us*. Fruit de quatre années de recherches, ce livre publié en janvier 2015 chez Black Dog Publishing grâce au soutien d'Haworth et de Philips Lighting part d'un constat articulé par Jeremy Myerson, qui l'a cosigné avec Imogen Privett, sa collègue du Royal College of Arts de Londres où tous deux sont chercheurs en design : "Le modèle idéologique prévalent pour l'aménagement du lieu de travail est l'usine ". Plus qu'une erreur ; un grossier anachronisme... De fait, et au risque de souligner une évidence manifeste à tous les niveaux de la société, les temps ont changé. A la révolution industrielle, vieille de plus d'un siècle, succède depuis le début des années 2000 la révolution numérique, laquelle bouscule jusqu'au business-model des entreprises tertiaires et remet complètement en question leur organisation spatiale.
Pourquoi se rendre au bureau ?
"Au 21ème siècle, il est de plus en plus possible de travailler de n'importe où. Alors, pourquoi se rendre au bureau ? " interroge Jeremy Myerson, qui s'avoue volontiers provocateur. Iconoclaste, aussi. Deux adjectifs qui éclairent le parti pris au coeur de Life of Works. Plutôt que de chercher l'inspiration pour dessiner le bureau moderne dans le passé - une tendance qui donne lieu au style " vintage " promu par certains fabricants de solutions d'aménagement d'espace tertiaire, les deux universitaires ont ainsi préféré élargir leur champ de vision pour inclure dans leur réflexion des environnements généralement considérés hors champ : les bibliothèques universitaires ; le théâtre ; l'espace urbain et les environnements de travail " extrêmes " de type salle des urgences, tour de contrôle aérienne ou même stand de formule 1.
Les auteurs de Life of Work se sont notamment intéressés à l'organisation de l'espace de travail modélisée par la bibliothèque centrale de New York.
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S'inspirer du monde extérieur
S'ils sont originaux, ces choix n'ont rien de hasardeux. Les bibliothèques universitaires font ainsi figure de "lieux ultimes de recherche intellectuelle," dixit Imogen Privett. Le théâtre, de son côté, repose sur l'inventivité conjuguée des scénographes et des metteurs en scène qui font apparaître, pour les besoins - temporaires - d'un spectacle, des décors aussi facilement montables que démontables. Il en va de même pour l'espace urbain, sorte de théâtre à ciel ouvert où se jouent de nombreux évènements tels que des marchés, des festivals etc. Les lieux de travail extrêmes, enfin, ont en commun d'être agencés pour concourir au bon déroulement d'opérations cruciales.
Temporaire et fluide : le bureau se réinvente
Longtemps étudié par l'un ou l'autre des deux auteurs, chacun de ces lieux a livré des enseignements qui ont ensuite été testés dans des ateliers de cocréation où ont été conviés designers, patrons d'entreprises mais aussi acteurs commerciaux de l'aménagement de bureau. En fin de parcours, le résultat de ce long travail collectif s'incarne dans le " Flex Model " : une solution d'aménagement de bureau théorisée comme l'antithèse de tout ce qui a jamais été entrepris en la matière. " Les projets d'urbanisme autour de l'environnement de travail sont traditionnellement colossaux et pensés sur le long terme ; ils devraient au contraire être envisagés de manière plus temporaire, plus fluide " explique Jeremy Myerson. Qui rajoute à l'efficacité, critère roi au coeur du bureau hérité de l'age industriel et ses processus empreints de Taylorisme, une autre finalité d'égale importance : le confort des collaborateurs, tant physique que psychologique.
Plus concrètement, le Flex Model fait notamment la part belle aux matériaux légers, aux structures amovibles et aux luminaires qui permettent de jouer sur - et de démultiplier - l'atmosphère d'un lieu. Les bibliothèques universitaires ont ainsi permis de modéliser un environnement de travail où le collaborateur peut s'isoler et se concentrer. En verre transparent ou en tissu, isolante et souvent personnalisable, la tendance est à la "bulle d'isolement" qui réconcilie la concentration avec l'open space. Partenaire commercial du livre, le fabricant Haworth décline ce concept sur toute une gamme de produits visibles notamment dans son showroom. Les lumières LED, produits phare de Philips Lighting, permettent pour leur part de dessiner, par des jeux de luminosité, des espaces de travail changeants, en fonction des besoins des collaborateurs. Autre innovation née des expérimentations des deux auteurs : un espace d'isolement aux cloisons en papier.
"Le bureau ne va pas disparaître !"
Si elles montrent la voie, ces idées d'aménagement de bureau dont le livre se fait l'écho ne doivent pas affoler les plus retors au changement; au contraire. "Nous ne proposons pas de faire du bureau un lieu de changement perpétuel semblable à un cirque rassure Jeremy Myerson. Mais force est de constater que les solutions d'aménagement trop neutres n'ont rien de motivant pour les collaborateurs. La bonne mesure se situe sur le fil entre ces deux extrêmes". Pour l'orienter, une certitude habite le chercheur : "Le bureau ne va pas disparaître affirme-t-il ainsi. Il doit devenir un forum d'échanges, pas juste un endroit d'où accéder à ses dossiers de travail".
Pour poursuivre la réflexion et se procurer Life of Work, ce dernier est disponible (en anglais uniquement) sur Amazon au prix de 27,41 euros.
* Traduction : Ce que le design de bureau peut apprendre du monde qui nous entoure.