Le bureau connecté et après ?
Le bureau connecté est-il l'avenir ? L'IoT, la data et les nouvelles technologies envahissent les espaces de travail dans le but d'améliorer la qualité de vie au bureau. Mais derrière cette profusion de nouvelles technologies se profile la question du RGPD et celle du management. Explications.
Je m'abonne" L'aménagement des espaces de travail est en pleine mutation. [...] Les espaces sont de plus en plus connectés et donc flexibles ", explique Laurent Botton, directeur du salon Workspace Expo, salon dédié à l'aménagement des espaces de travail qui s'est déroulé du 10 au 12 avril 2018.
" Le développement des espaces de travail connectés se poursuit donc et traduit bien une tendance de fond, celle de l'hyperconnexion au travail. Mais dorénavant, on parle de "shy technology" (ou technologie timide), soit une technologie invisible, qu'on ne veut pas voir dans le quotidien. Cela doit être fluide ", explique Flore Pradère, responsable recherche entreprises chez JLL France. C'est pourquoi dorénavant, le mobilier de bureau intègre des prises cachées et propose des rangements toujours plus astucieux pour la connectique.
Dans les innovations en environnement de travail présentées, les bureaux connectés sont légion. Citons la " TableAir " de chez Moore, un bureau qui, grâce à son Smart Button permet de régler par un simple mouvement de la main la hauteur du plateau pour un poste de travail assis-debout. Et en élevant doucement la main sur le Smart Button, la table s'illumine. La TableAir se connecte au smartphone via une application qui porte le même nom. Toutes ses fonctionnalités peuvent ainsi être contrôlées à distance, comme par exemple la couleur des leds. Lorsqu'une personne travaille sur un bureau, cette dernière a tendance à oublier de changer de position régulièrement dans la journée. L'application TableAir disponible sur Apple et Android Store envoie une notification à son utilisateur quand il devient plus confortable pour lui de travailler debout ou assis. " On peut imaginer aussi un code couleur au niveau du plateau pour dire "je suis occupé", "en pause" ou tout type de message ", explique une responsable de la marque.
De son côté, Kinnarps propose également une table connectée avec " Hal " , une table ronde de réunion qui se règle en hauteur simplement en passant la main au-dessus d'un capteur. Ceci est permis grâce à ses pieds rétractables.
Enfin, le cabinet de designers français Leet Design a fait sensation au dernier salon Vivatech avec son fauteuil E-Bulle qui se présente comme un bureau nomade et connecté. Ce fauteuil en forme d'oeuf permet de s'isoler du bruit ambiant tout en intégrant un écran tactile, un système son, un ordinateur, etc. Une quinzaine de clients utilisent déjà la E-bulle comme BNP Paribas, le Crédit Agricole, ArianeGroup, Louis Vuitton ou Groupe ADP. Le petit mobilier n'est pas en reste, avec notamment Durable, une entreprise allemande, qui propose le luminaire " Luctra " , un élément qui s'adapte au rythme biologique de chacun. Concrètement, Luctra ajuste automatiquement la température de couleur, simulant le cours naturel de la lumière du jour grâce à son application Vitacore. L'utilisateur répond à cinq questions sur son rythme de travail afin que la lampe puisse personnaliser son profil. Celle-ci est équipée de quatre leds, deux en lumière chaude et deux en lumière froide. À côté du mobilier de bureau, les objets connectés envahissent les espaces de travail pour fournir des informations sur les habitudes des salariés et pour permettre si besoin d'améliorer leur façon de travailler.
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L 'IoT pour améliorer la qualité de vie au travail
Désormais, le digital, l'intelligence artificielle et l'IoT font leur entrée dans l'environnement de travail. Les capteurs intelligents se multiplient et les données remontées par ces derniers promettent une amélioration du bien-être au travail. Ainsi, le RubiX Pod, développé par la société Rubix senses and instrumentation, est un boîtier connecté qui mesure huit paramètres (comme la température, le taux d'humidité, le bruit ou la lumière...) liés à la santé, à la pénibilité et au confort du poste de travail. Cela inclut les COV (Composées Organo-Volatiles), les toxiques, les odeurs et les allergènes. Le boîtier peut s'installer sur le bureau des collaborateurs, s'accrocher à un mur ou se trouver dans n'importe quel environnement de travail. Les salariés peuvent aussi reporter, par l'utilisation d'un QR Code, leur perception de l'environnement via un simple questionnaire.Le RubiX Pod permet ainsi de collecter en temps réel des données permettant une identification des sources de nuisances dans le but d'améliorer la performance énergétique des bâtiments et d'établir une cartographie du confort des collaborateurs. Cet appareil promet une diminution de 125 % du risque de " burn-out " .
Chez Human Scale, la technologie se met au service du bien-être des employés. Son boîtier " OfficeIQ " permet de mesurer le temps passé assis ou debout par chaque collaborateur, et grâce à des alertes via une application, de l'avertir quand changer de position. Il peut même comptabiliser les calories dépensées et se connecter à une appli plus généraliste de remise en forme. " La technologie est intéressante pour aller vers plus de personnalisation au quotidien. On peut par exemple imaginer un badge géolocalisé qui contrôlerait l'éclairage, la ventilation et les éléments de confort pour chaque salarié. Un badge qui dirait "bonjour monsieur Dupont" dès l'entrée dans l'ascenseur, ou encore une machine à café qui vous servirait directement votre boisson favorite. Ce sont déjà des choses que l'on retrouve dans la grande consommation ", s'enthousiasme Flore Pradère de chez JLL France .
Des données " anonymisées "
Recueillir des données en vue d'améliorer la qualité de vie au travail, c'est bien. Mais avec l'arrivée du Règlement général pour la protection des données, dite loi RGPD, il faut être prudent sur le traitement de ces données personnelles. " Dans le fond, l'intérêt n'est pas de savoir qui utilise quoi ? C'est pourquoi, nous utilisons de la donnée anonymisée. Ainsi, il faut regarder le département et non la personne. Et comme un gardien du temple, rassurer les partenaires sociaux et la direction ", souligne David Hudowski, Director, Smart + Connected business development EMEA chez Steelcase.
Pour ce faire, Steelcase propose " Workplace advisor study " , une étude qui peut être réalisée au sein de tout espace de travail, grâce à un système de capteurs sous les tables permettant d'estimer le taux d'utilisation d'un espace donné. Il s'agit par exemple de mieux comprendre quels sont les espaces les plus utilisés et ceux qui le sont le moins, et de répondre à des questions comme : la lumière du jour apporte-t-elle plus de trafic ? Quels sont les attributs qui permettent de remplir plus efficacement une salle de réunion ? " L'ensemble de ces données permettant ensuite de faire remonter les besoins en fonction de l'existant. Et d'aider les décideurs à prendre des décisions immobilières pertinentes " , conclut David Hudowski, Director (Steelcase).
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Vers une révolution managériale
" Avec la technologie, les gens sont plus mobiles, donc cela change le management ", détaille David Hudowski. " La technologie permet aujourd'hui aux salariés de travailler où ils veulent quand ils veulent, sans pour autant être physiquement présents dans leurs bureaux. Cette nouvelle donne encourage les dirigeants à faire évoluer leur politique de management pour être davantage des "coachs" que des managers traditionnels : un vrai challenge culturel en France, pays où le management hiérarchique est encore très pyramidal et basé sur un cadre horaire rigide ".
Une révolution managériale qu'accompagnent des entreprises comme JLL en proposant des projets de formation dédiés pour aider les managers à s'approprier ces nouveaux espaces de travail, car ce n'est pas intuitif. " C'est désormais un management par la confiance et non par objectifs. Car les managers sont souvent déstabilisés et peuvent se demander à quoi ils servent quand ils n'ont pas leur équipe autour d'eux. Ils doivent lâcher du lest et repenser leur rôle. Ils deviennent alors des " managers jardiniers " et apprennent à développer des talents ", résume Flore Pradère (JLL France). Autre conséquence de ce changement de mode de travail : le besoin d'espaces de régénération. " Il existe un besoin de regénération et de déconnection pour créer une rupture, comme des salles de sieste. On doit ainsi se laisser le droit de ne pas juger les gens. C'est là aussi une révolution culturelle ", souligne Flore Pradère.
Des partenariats avec des éditeurs IT : l'exemple de Steelcase et Microsoft
Pour rendre le mobilier plus connecté, des entreprises d'aménagement d'espaces tertiaires et de mobilier se lancent dans des partenariats innovants avec des éditeurs de logiciels. C'est le cas de Steelcase et Microsoft qui ont signé en mars 2017 un accord afin de "développer des espaces de travail technologiques conçus pour le travail créatif". Ces espaces intègrent les solutions de Microsoft comme le Surface Hub, dans l'architecture et le mobilier de Steelcase. Les deux entreprises ont conçu à cet effet "5 nouveaux espaces créatifs". "La plupart des employés travaillent encore avec une technologie dépassée et dans des bureaux hors d'âge, ce qui limite les possibilités de travailler de façon nouvelle et créative ", déclare Bob O'Donell, président fondateur et analyste en chef chez TECHnalysis Research. "Les espaces ont été clairement conçus pour combler le fossé actuel entre l'espace et la technologie, afin que le travail créatif se développe plus naturellement ". Ainsi, le "Ideation Hub" se définit comme un des cinq espaces créatifs de travail avec de la "haute technologie intégrée dans un espace physique qui permet à chacun de participer activement de façon identique à co-créer, partager et affiner ses idées avec d'autres collaborateurs présents physiquement, ou bien virtuellement grâce au Microsoft Surface Hub. Mais ce partenariat est aussi l'occasion pour Steelcase et Microsoft de travailler ensemble au développement de solutions permettant une meilleure utilisation des espaces de travail pour les utilisateurs et les décideurs, basées sur la technologie Microsoft Azure IoT.