(Tribune) e-Gouvernement à la française : une réussite exemplaire
C'est en collaborant avec des PME et des cabinets indépendants, spécialisés dans des expertises de niche, ou dans l'accompagnement du changement, que l'État français a pu devenir l'un des meilleurs services numériques d'état en direction des usagers au monde.
Je m'abonneAvec service-public.fr, la France occupe la première place du classement mondial ONU 2014 des meilleurs services numériques d'état en direction des usagers, devant Singapour et la République de Corée. Cette réussite est liée à la conjonction de trois facteurs : un fort engagement de l'État en matière de dématérialisation depuis deux décennies, l'expertise multimétiers et multisectorielle inégalée du tissu français des PME et cabinets indépendants et, enfin, la compétence de maîtres d'oeuvre capables de coordonner les centaines de projets réalisés par ces multi-experts. Cette configuration trois-en-un unique fait la force de la dématérialisation à la française.
Dématérialisation des processus : une multitude d'expertises requises
L'objectif de la dématérialisation est double : offrir un meilleur service aux citoyens et optimiser la productivité et l'efficacité des processus internes, une nécessité au regard des 19 milliards d'euros de réduction budgétaires imposés par la Loi de Finance 2012-2017. Il s'agit d'automatiser les processus pour faciliter l'accès des interlocuteurs autorisés aux informations : comptabilité, finances, gestion des achats ou ressources humaines.
Néanmoins, avant d'automatiser ces processus, il est nécessaire de les repenser pour plus d'efficacité. C'est là où on entre de plain-pied dans la complexité de l'administration. Car qu'y a t-il de commun entre les attributions, le cadre réglementaire et les procédures au sein d'un conseil général qui à la responsabilité des personnes âgées et une DDT qui gère les permis de construire? Et quelle similitude entre les processus RH et les processus comptables ? Ceci explique pourquoi la dématérialisation, si ardue, est un domaine de spécialisation à part entière. 90% des compétences nécessaires à la réussite des projets sont des compétences métiers. Les métiers sont les interlocuteurs projets et il convient de parler leur langage.
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Des PME et des indépendants spécialisés : une chance pour la France
Aucune grande entreprise de conseil numérique (ex-SSII) ne possède aujourd'hui l'ensemble de ces compétences pointues. C'est donc en collaborant avec des PME et des cabinets indépendants, spécialisés dans des expertises de niche, telle que la gestion du cycle de vie des documents, ayant une forte spécialisation juridique, financière et archivistique, mais aussi avec d'autres, spécialisés en accompagnement du changement, que l'État français a pu réussir sa transformation.
Ces entreprises, pure players, possèdent la capacité de traiter avec une expertise pointue chaque domaine, tout en maîtrisant l'ensemble des normes et des réglementations. Elles développent des applications pour des portails, des applis mobiles, les outils collaboratifs, de gestion électronique de documents, d'archivage.... Cette multitude d'experts fait la force de l'industrie française du service numérique.
Coordonner les multi-experts, condition sine qua non de succès
Enfin, troisième facteur de réussite, la coordination. La multiplicité des intervenants et la complexité des chantiers rendent indispensable l'intervention d'un acteur, expert lui aussi, pour coordonner l'ensemble des prestations. Il est vital d'assurer une cohérence dans la qualité des différentes prestations, sachant qu'il faut coordonner parfois jusqu'à cinq sociétés ou plus, qui travaillent en parallèle sur un même projet. Il faut alors lisser la qualité de la prestation sur tous les aspects contractuels et financiers car chaque cabinet fait sa propre proposition. L'État a ainsi un seul interlocuteur, tout en s'assurant d'une homogénéité et d'un déroulement fluide des projets en cours.
Cette excellence française en matière de e-Gouvernement est emblématique. Elle perdurera tant que l'État continuera à faciliter l'accès de ses e-projets à ce tissu de PME et de cabinets indépendants du numérique, vital pour l'avenir de notre pays, mais fragilisé par la conjoncture économique actuelle.
Par Guenael Talvas, directeur des opérations Inop's
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