Les assurances : un levier de performance à suivre de plus près
Jusqu'alors peu décortiqués par les directions achats, les budgets assurantiels s'immiscent de plus en plus parmi les familles d'achats stratégiques, donc lourdes de sens et d'impacts. Surtout depuis la Covid-19 et la montée en puissance des nouveaux modes de travail.
Je m'abonneAvec la pandémie de Covid-19, les assureurs ont été clairement mis sur le devant de la scène. Certains ont été accusés de ne pas participer à l'effort de guerre, d'autres ont été salués pour la solidarité et la résilience dont ils ont fait preuve pour accompagner leurs clients. "Nous avons enregistré des comportements très différents des assureurs, avec parfois des prises en charge exceptionnelles de sinistre excédant largement la crise sanitaire. Cet épisode a démontré l'importance d'être bien accompagné sur le plan assurantiel" , souligne Philippe Delerive, associé responsable du pôle assurances chez Exponens. À l'heure actuelle, les compagnies d'assurances doivent encore faire preuve d'agilité, notamment pour évoluer et s'adapter aux attentes du marché. De leur côté, les grands groupes voient leur organisation du travail chamboulée sur le long terme.
Le télétravail s'est révélé durant le premier confinement, le flex office apparaît comme un moyen hybride de satisfaire aux nouvelles méthodes de travail, tout en abaissant la superficie des locaux professionnels. Ils peuvent aussi avoir opéré un glissement de leurs modes de vente et/ou un changement, voire un élargissement, de leurs activités des suites du coronavirus. Tout cela les conduit à repenser durablement leur stratégie et à calibrer en conséquence, et selon l'état des finances, leurs polices d'assurance. "C'est le moment de réfléchir à la sortie de crise et à une gestion optimisée des risques", consent Philippe Delerive. Pour Sylvie Noël, directrice de la performance et de la stratégie achats du groupe Covea, plus que le bon timing, "il faut surtout changer la manière de travailler avec son assureur, en s'inscrivant dans une dynamique de partenariat. Il doit être assorti d'un plan d'action s'échelonnant sur trois à cinq ans pour prévenir des risques et pouvant contribuer à la réduction de la prime ou de la franchise prévue au contrat".
Les assurances s'imposent dans le scope des acheteurs
Les achats assurantiels ne font pas toujours l'objet de négociation par les services concernés. Lorsqu'ils ne sont pas adressés par un acheteur spécialiste du domaine, ce sont les directions des assurances, financières ou juridiques qui s'en occupent. "Cela étant, le sujet tend à devenir un champ d'intervention pour la fonction achats à partir d'une analyse du marché et d'une approche fondée sur le coût du risque versus la couverture associée", résume Raphaël Belliere-Lottier, directeur général adjoint chargé des achats, de l'innovation et du digital chez Meotec. Idéalement, ces décisions doivent être prises de concert avec les départements gestion de risque/audit. "Cela a particulièrement du sens d'oeuvrer avec le risk manager", souligne Raphaël Belliere-Lottier.
À défaut, il peut être opportun de se référer à un courtier en assurances qui peut apporter un éclairage sur ce secteur complexe. Dans tous les cas, il est nécessaire de revoir en amont la cartographie des risques de l'entreprise pour les gérer au mieux. Elle a pu être largement altérée ou modifiée par la Covid-19. "Les employeurs doivent vérifier que la responsabilité civile de l'entreprise n'est pas fragilisée par le fait que les collaborateurs puissent travailler à leur domicile plus de deux jours par semaine", illustre Philippe Delerive. La généralisation du télétravail amène également à border la cybersécurité ; l'éclatement des tiers lieux alourdissant les risques de cyberattaques. En moyenne, une entreprise française fait face à 29 cyberattaques par an, quels que soient sa taille et le nombre des salariés. Menace continuelle, donc, "la cyberattaque d'aujourd'hui n'est pas celle de demain, encore moins d'après-demain", met en garde Sylvie Noël.
Il n'est pas aisé de contrer la créativité sans limites des hackers. Ils peuvent s'introduire au moyen de phishing, de ramsomware, de drive-by-download... Si, au sein de la DSI, les directions sécurité tendent à mettre en place et à démultiplier les actions préventives comme curatives, il apparaît également nécessaire de se couvrir au moyen d'une cyberassurance (lire en page 2: La cyberassurance : une priorité post-pandémie ?). Pour chaque risque identifié, il appartient ainsi au directeur des achats de placer le curseur au bon endroit, en arbitrant sur la probabilité qu'il se produise par rapport à son coût réel. "Il est également possible de s'autoassurer, d'une certaine manière, en provisionnant sur le compte de l'entreprise un préjudice potentiel, mais c'est aussi un choix financier et cela ne peut être envisageable que pour certains risques", émet comme hypothèse Raphaël Belliere-Lottier.
Des budgets à la hausse
Du point de vue du prix, le secteur assurantiel suit plutôt une tendance haussière depuis la crise sanitaire, après quinze années de baisse. "Le budget assurance est voué à augmenter avec la prise en compte de risques additionnels", ajoute Raphaël Belliere-Lottier. Il est certain aussi que les compagnies vont se montrer plus regardantes quant à la santé financière et au secteur d'activité sur lequel évoluent leurs cotisants. De fait, " les entreprises fortement impactées par la crise de la Covid-19 risquent de voir leur police d'assurance augmenter à niveau de couverture équivalent", met en avant Raphaël Belliere-Lottier.
Face aux risques additionnels identifiés, les assureurs vont sans doute être amenés à concevoir de nouvelles formules pour répondre aux besoins latents et/ou à ajouter des motifs d'exclusions contractuels. Ils vont vouloir clarifier les conditions d'applications des différentes couvertures, et notamment pour "s'affranchir des garanties silencieuses et ne plus donner lieu à des interprétations parfois équivoques, comme il y a pu en avoir durant la Covid-19 ", commente Sylvie Noël. Il est possible qu'ils réclament à leurs clients la signature d'un avenant précisant les conditions de prises en charge financières lors d'éventuelles pandémies sanitaires à venir. Bref, d'un côté comme de l'autre, réflexion et réorganisation sont de mises.
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