[Billet d'humour] Jambier, 45 rue Poliveau : je veux 3000 euros !
Firmin nous revient cette année avec un nouveau projet : nous offrir chaque mois son oeil acéré sur l'actualité qui impacte les achats. Pour ce premier billet nouvelle formule, il se penche sur le sujet très chahuté de... l'énergie. Et le cas EDF l'a bien évidémment inspiré...
Je m'abonneCoucou les amis, me revoilà avec une petite rétrospective des achats pour le mois de janvier : encore un grand cru pour l'année 2022 qui s'annonce !
Avec mes copains acheteurs, ce mois de janvier 2022 nous a plutôt évoqué par paronymie (NB : association de mots)... le personnage de Jambier dans La Traversée de Paris. Film culte, où Bourvil doit convoyer un cochon dans une valise dans tout Paris pendant l'occupation... Et bien sûr, au début, il faut tuer le cochon : le boucher Jambier (joué par Louis de Funès) tue le cochon pendant que Bourvil joue de l'accordéon pour couvrir le bruit. C'est que ça en fait du bruit, un cochon qu'on égorge ! Alors, quels sont les cochons qui ont été égorgés dans les achats en janvier, pendant que l'on jouait de l'accordéon pour couvrir le bruit ?
Le grand gagnant est de loin... l'énergie
D'abord l'électricité. Pour nous autres acheteurs, c'est une bonne nouvelle: l'Etat a obligeamment demandé en janvier à EDF d'augmenter l'assiette de l'ARENH, pour revendre à ses concurrents 46€/MWh une électricité qui en vaut 300. Après tout, ça ne fera jamais qu'un trou de 8 milliards dans les caisses d'EDF, qui a immédiatement dévissé en bourse de 20%. Pour la capacité d'investissement, on verra plus tard.
Lire aussi : Les achats, fer de lance des politiques publiques ?
Et pendant qu'EDF fait le bruit d'un cochon qu'on égorge, ses achats mettent en appel d'offres un méga-contrat de 250 M€ sur 5 ans pour son conseil en stratégie... et pourquoi pas aussi pour l'attribuer à des conseillers qui ont sans doute contribué (à leur mesure) à cette débandade généralisée ? Devançant le Code des Marchés publics qui imposait un renouvellement tous les 8 ans, cela permettra au moins de se caler sur les échéances électorales. Le charme des marchés publics ! Alexandre Guérini, sorti de prison en ce beau jour du 11 janvier, pourrait aussi conseiller EDF sur les marchés publics tant qu'à faire, qui sait ?
Le gaz ensuite : grâce à Nordstream 2, les gazoducs vont enfin pouvoir contourner l'Ukraine pour approvisionner l'Europe, une aubaine ! Pendant que le prix du gaz monte, la Russie peut enfin installer des dizaines de milliers de soldats aux frontières de l'Ukraine. Là, il va falloir apprendre à jouer le refrain de l'hymne russe à l'accordéon pour couvrir le bruit : "Sois glorieuse, notre libre Patrie, Alliance éternelle de peuples frères !". Et pour les acheteurs qui l'auraient oublié, le gaz, ça sert aussi à faire des engrais pour les matières premières agricoles, ce n'est pas que pour le chauffage.
Le pétrole n'est pas en reste : après plus de 1500 civils tués en Birmanie, notre champion national a enfin décidé le 21 janvier de mettre fin (pour l'instant) à son feuilleton Birman, et ce sans même demander (pour une fois) un rapport à Bernard Kouchner, c'est dire ! Heureusement que pendant ce temps-là, le rallye Paris-Dakar nous a fait redécouvrir à l'écran début janvier tous les délices de l'Arabie Saoudite et des droits de la femme. A titre d'exception, les canons mobiles Caesar fournis par un de nos industriels de la défense ont été exemptés du rallye, étant déjà groupés à la frontière du Yémen. Ave Caesar, morituri te salutant !
Mais janvier, c'est aussi le mois des grandes enquêtes d'opinion sur les achats... Et là, ça fait mal. Telle enquête nous affirme mordicus que la relocalisation devient un des enjeux essentiels des acheteurs. Telle autre enquête nous affirme non moins mordicus que plus de 80% des décideurs n'en ont à faire que "pouic" de la relocalisation. Alors, qui croire dans ce brouhaha ? Heureusement, la réponse est venue d'Intel : pour sa nouvelle fabrique de semi-conducteurs, Intel a choisi l'Allemagne. Tout s'explique: on parle bien de relocalisation, mais de relocalisation en Allemagne. Bourvil pourra toujours aller jouer de l'accordéon là-bas. Papi fait de la résistance !
Et nos amis Chinois, qu'est-ce qu'ils font de leur côté, en attendant tranquillement l'année du Tigre de l'Eau ? Eh bien, c'est tout simple: depuis le 1er janvier, ils ont créé la plus grande zone de libre-échange du monde en Asie-Pacifique. Après tout, à quoi bon aller vendre des produits en Europe avec plein de taxes et de délais de transports, quand on peut les écouler dans un marché qui représente un tiers de l'humanité et du PIB mondial ? Je ne sais pas pourquoi, mais ça va sans doute se révéler prochainement un peu moins attractif d'aller faire ses courses là-bas...
Heureusement, nos PME n'ont rien à craindre de tout cela, même si le leader autoproclamé du Made in France, du miel et des abeilles a jeté l'éponge le 19 janvier. D'autres vont pouvoir s'y consacrer encore plus, maintenant que la campagne de candidature à la direction de Sciences Po est passée. On attend de voir !
Et ça, ce n'était que janvier... On attend février avec impatience, même s'il n'y aura que 28 jours. Et comme disait Gabin dans la Traversée de Paris : "salauds d'pauvres !"
Par Firmin de Montalembert.... un directeur achats Groupe anonyme, qui dissimule généralement son espièglerie sous un masque de grand sérieux
Lire d'autres chroniques de Firmin (mais ce ne sont que des exemples, il y en a plein d'autres sur notre site !):
Matières premières : le retour de Pif le Chien
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