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DossierAchats publics responsables : les best practices

Si les achats responsables sont réglementés, les acteurs publics sont de plus en plus nombreux à dépasser leurs obligations et à engager une démarche plus volontariste. Tour d'horizon des bonnes pratiques.

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Achats publics responsables : les best practices

1 Un processus achats rigoureux et très encadré

Après avoir travaillé 17 ans dans le privé puis 6 ans dans le public, quelles différences constatez-vous en matière d'achats responsables ?

Sur les trois dimensions communes aux deux secteurs - le contenu des produits et services achetés, les fournisseurs et les méthodes de décision -, seule cette dernière possède des particularités fortes propres au public. En raison, notamment, des critères que doivent suivre les commandes publiques. Alors qu'un acheteur privé peut établir son panel de fournisseurs comme il l'entend, nous sommes tenus à un libre accès de la commande publique, à une égalité de traitement et à une traçabilité des procédures (autrement dit, la transparence dans les choix, à toutes les étapes). Il n'est pas question de blacklister certains fournisseurs, comme c'est parfois le cas dans le privé.

2 Comment cet encadrement dans le choix des fournisseurs se traduit-il ?

Par davantage de rigueur à chaque étape du processus, puisque nous devons prouver qu'il n'y a pas eu de préférence vis-à-vis d'un fournisseur. Tous nos achats sont tracés, contrairement au privé. Un acheteur du public qui négocie une prestation de nettoyage ne pourra pas, faute d'habilitation, acheter des fournitures de bureau. Cet encadrement contribue à davantage de critères RSE dans le cahier des charges, mais sans excès. Lorsqu'un marché s'ouvre avec des critères de type norme ISO 14001, nous pouvons préciser que l'équivalent de la norme peut être admis, afin d'élargir le marché. Par ailleurs, les appels d'offres se font avec un règlement de consultation et une grille de notation, ce qui évite les évaluations subjectives parfois relevées dans le privé.

Fort de son expérience dans le privé, Olivier Menuet, directeur délégué achats responsables de la SNCF, revient sur les critères spécifiques liés à la commande publique. Parmi lesquels l'égalité de traitement des fournisseurs et la traçabilité des procédures.

3 Mesurer l'impact environnemental des fournisseurs

4 Bruno Bourrec, service commande publique du Département de la Gironde : "Nos analyses nous permettent de choisir les fournisseurs qui polluent le moins"

Afin de vérifier le respect des marchés sur les critères du développement durable, le Département de la Gironde a mis en place des circuits lors des processus achats de validation comme, par exemple, la réalisation d'un référentiel pour tous les bâtiments durables qui s'applique aux constructions sur le département. Côté voirie, une convention a été signée avec la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) afin de déployer toutes les solutions pour réduire l'émission de gaz à effet de serre. Par ailleurs, une analyse des offres est effectuée via l'outil Seve, un éco-comparateur mis à disposition par la FNTP, qui permet d'étudier les variantes environnementales. " Une analyse qui nous permet de choisir les fournisseurs qui polluent le moins, précise Bruno Bourrec, acheteur chargé du développement durable. Tout ce qui est pris en compte par le prestataire pour protéger les rejets et les déchets est aussi examiné pendant l'exécution du chantier, etc. Dans le domaine des fournitures, le matériel sélectionné doit répondre à des exigences strictes en matière de normes et labels. Par ailleurs, les critères environnementaux étant déjà présents dans les spécifications techniques, ils ne sont plus demandés de façon expresse. " Pour les produits d'entretien, la toxicité est scrutée de près et les produits affichant un risque (via un pictogramme par exemple) sont interdits. " Des journées thématiques réunissant les fournisseurs sont organisées avec le réseau d'acheteurs d'Aquitaine afin de mettre sur la table toutes les problématiques ", conclut Bruno Bourrec.

5 Florent Solier, ville de Nantes : "Les marchés de voirie passent désormais au vert"

Du développement durable dans les marchés de travaux : tel est le nouveau défi relevé par Nantes Métropole - la communauté urbaine de Nantes - dans la poursuite de son ambitieuse démarche d'achats responsables. Une personne en interne est chargée d'étudier l'impact environnemental et le rejet de CO2 des marchés de travaux de voirie.

À titre d'expérimentation, les entreprises répondant aux marchés doivent fournir l'ensemble des données carbone lors des conditions d'exécution. De plus, dans le secteur des travaux publics, Nantes Métropole travaille avec le logiciel Seve (Système d'évaluation des variantes environnementales). Cette politique d'achats responsables passe par la prise en compte de la qualité des matériaux et de l'origine des produits. " Si le Code des marchés publics ne permet pas de mentionner un lieu de fabrication, il est néanmoins possible d'intégrer des paramètres liés à la qualité de lieu des filières ", souligne Florent Solier, directeur de la commande publique de la ville de Nantes. Le dossier de consultation des entreprises (DCE) d'un marché de travaux à Nantes Métropole comprend généralement trois lots : voiries / terrassement, éclairage public et paysages. Pour chacun, des cibles ont été identifiées en matière de développement durable.

Pour mettre du vert dans la commande publique et choisir les fournisseurs qui polluent le moins, certains se servent de l'éco-comparateur Seve. Témoignages.

6 Quand achats responsables riment avec économies

Guillaume Laffineur, Reims Métropole : " Nous économisons 9 tonnes de papier par an "

7 millions de feuilles à l'année, 14 000 ramettes... La généralisation du papier recyclé pour l'usage interne est une opération rentable : 52 centimes d'économies par ramette de papier recyclé. " Dans l'imaginaire de nombreuses personnes, le papier recyclé est plus cher en raison de son traitement. Nous sommes en train de prouver le contraire ", annonce Guillaume Laffineur, le directeur performance achats de Reims Métropole. Le deuxième gain est, quant à lui, purement responsable " puisque l'usage d'un papier recyclé constitue un geste fort en faveur de l'environnement ", complète l'acheteuse du domaine, Marie-Aude Carré. Il faut noter ici le risque pris par la direction des achats, qui va à l'encontre des habitudes d'impressions ancrées depuis de longues années. Il s'agit là d'un signal fort donné par le service public en direction du privé. Pour réussir ce pari, il a fallu s'assurer, en outre, de la parfaite compatibilité du nouveau papier avec les copieurs, afin d'éviter les "bourrages".

Reims Métropole a également revu la performance globale de son journal municipal. L'objectif fixé par la direction était de diminuer les coûts de fabrication et de limiter autant que possible la hausse de ceux de diffusion, avec des économies estimées à 45 %. " Nous devions impérativement y parvenir, souligne Guillaume Laffineur. Pour ce faire, nous avons pu compter sur la direction de la communication, qui a joué un rôle moteur et accepté le "redesign to cost", ou "reconception à coût objectif" ". Ainsi, les postes de surcoût (flyers, encartage, pagination, format...) ont été supprimés ou redéfinis.

Côté achats responsables, 9 tonnes de papier par an sont désormais économisées. Dans ce type de projet, le service public n'étant pas tenu de s'engager sur la profitabilité, " une opération blanche peut être considérée comme pleinement satisfaisante ", conclut Guillaume Laffineur.

7 Pierre Le Goff, ville de Lannion : " Passer par un groupement bio a permis de générer 20% d'économies "

La ville de Lannion a été récom­pensée aux Trophées de la commande publique 2013, lors du dernier Salon des maires et des collectivités, pour son groupement d'achats de produits alimentaires issus de l'agriculture biologique, notamment profitant aux cantines scolaires. Près de 1 600 élèves sont concernés. Le groupement bio est organisé dans le contexte de la Communauté d'agglomération de Lannion-Trégor(1). " La caisse des écoles et le lycée en sont les principaux bénéficiaires ", explique Pierre Le Goff, directeur des marchés de la ville de Lannion. Considéré de prime abord comme une "usine à gaz", ce groupement a été réformé en 2010. " En poussant l'analyse, nous nous sommes rendu compte que les prix facturés ne correspondaient pas aux quantités consommées ", explique-t-il. Cette démarche du bio est arrivée en même temps que le Plan national nutrition-santé (PNNS), qui préconise moins de viande et de charcuterie dans l'alimentation. Biocoop, réseau de magasins bio, fournit près de 50 % des produits laitiers et du pain biologique. " Les produits nous arrivent à maturité et peuvent donc être consommés au fil de l'eau, ce qui engendre des économies en termes de stockage ", précise Pierre Le Goff.

Au final, le recours au groupement aurait engendré près de 20 % d'économies, celui-ci préconisant les circuits courts qui privilégient les producteurs locaux dans les appels d'offres. " L'intégration de ces circuits compte pour 25 à 30 % dans l'appel d'offres. Ainsi, aux critères environnementaux, le groupement favorise les critères de performance des fournisseurs de proximité ", résume le directeur des marchés.

(1) Le groupement bio de Lannion est constitué de la ville de Lannion, de sa caisse des écoles et de la caisse centrale d'activités sociales, des villes de Pleumeur-Bodou, Ploulec'h, Ploumiliau, du lycée Félix Le Dantec à Lannion, du collège Paul Le Flem à Pleumeur-Bodou et du centre hospitalier Lannion-Trestel.

Acheter vert tout en réalisant des économies. C'est possible ! La preuve avec ces deux témoignages.

8 Favoriser les PME dans la commande publique

9 Éric Luzet, ville de Nice : " Nous intégrons des PME grâce à des accords-cadres "

Les PME sont trop souvent écartées des appels d'offres publics, mais des solutions existent pour changer la donne. " La façon la plus simple est l'allotissement des marchés, sans forcément entrer dans l'excès, affirme Éric Luzet, chef de service­ ­principal 1re classe, responsable de la commande publique pour la police municipale de la ville de Nice. Allotir à l'excès rend, en effet, la vérification de la pérennité des candidats très complexe car trop d'entreprises peuvent soumissionner, surtout sur les marchés pluriannuels. "

Grâce à la connaissance du ­marché, via des enquêtes préalables et des volumes de consommation, la ville de Nice arrive à définir le nombre approprié de lots. Par ailleurs, l'intégration des PME peut s'effectuer grâce aux accords-cadres. Autrement dit, un premier choix est effectué en amont pour déterminer les entreprises capables de répondre aux appels d'offres. Puis, en fonction des besoins, les PME sont sollicitées, ce qui évite de n'avoir qu'un seul prestataire par marché.

À la question "Comment l'innovation est-elle favorisée auprès des PME ?" Éric Luzet répond que la ville de Nice l'intègre dans les marchés publics, dans la mesure où l'offre proposée est concurrentielle et qu'elle apporte une réponse pertinente au besoin. " Les uniformes qui nous sont proposés dans des matières nouvelles, innovantes et plus résistantes, sont examinés et intégrés au fur et à mesure des renouvellements des marchés. Compte tenu des volumes, le prix reste un critère non négligeable ", concède-t-il, avant de rajouter : " Il n'y a que sur des produits sur mesure où la qualité et la technicité deviennent ­prépondérantes sur le coût. " Enfin, sur les groupements de PME, il est souvent délicat, pour une seule entreprise, de se positionner sur un marché trop généraliste. " Or, un groupement d'entreprises, par la somme des compétences individuelles de chacun de ses membres, va permettre de se positionner sur des marchés qui, justement, ne sont pas suffisamment allotis. "

10 Rémi Feredj, RATP : " La précision de l'allotissement nous a permis de retenir deux TPE "

" En fonction de certains seuils, nous sommes obligés de procéder à des appels à concurrence larges, ce qui nous rend très attentifs à la diversité des fournisseurs sous contrat et à celle des nouveaux soumissionnaires ", souligne Rémi Feredj, directeur des achats. En outre, la RATP doit assurer une continuité de service, et donc diversifier ses sources d'approvisionnement. " L'élargissement de notre marché fournisseurs se justifie par une nécessité de sécurité et de maîtrise des risques. " Dans le projet éclairage mis en place depuis l'été 2013, il s'agissait de remplacer l'éclairage actuel par une technologie LED dans toutes les stations de métro et les gares des RER A et B, soit 250 000 points lumineux. La précision de l'allotissement a permis de retenir Philips, Soitec (création de 7 emplois) et Step, une TPE (création de 3 emplois). Au sein de la note technique, un coefficient de 10 % sur le développement durable avait été imposé. " Notre stratégie d'allotissement très en pointe est un excellent moyen pour susciter l'intérêt des petites entreprises très réactives. " Gains attendus : 50 % sur la consommation énergétique, et des ampoules plus durables et recyclables.

La mise en place d'une politique d'achats RSE signfie aussi favoriser les petits acteurs. Cela passe notamment par la mise en place d'accords-cadres, la précision de l'allotissement ou l'incitation aux groupements.

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