Bio: le défi de la restauration scolaire
Si la défense de l'achat du bio et du local, notamment dans la restauration scolaire, s'invite dans le débat présidentiel, qu'en est-il sur le terrain? Comment les acteurs publics peuvent-ils instaurer une alimentation saine et équilibrée auprès d'un public jeune? Éclairage.
Je m'abonneLes Français se disent "favorables au vote d'une loi imposant l'introduction d'aliments issus de l'agriculture biologique, locaux et de saison dans la restauration collective publique" à 76%. C'est ce qui ressort d'un sondage Ifop réalisé pour l'association Agir pour l'environnement en janvier 2016 à l'occasion de l'examen et du vote d'une loi relative à l'introduction d'aliments issus de l'agriculture biologique en restauration collective publique présentée par la députée EELV Brigitte Allain. Un projet de loi finalement retoqué par le Conseil constitutionnel.
"Manger bio et local": l'amendement retoqué au Conseil constitutionnel
L'introduction obligatoire du bio dans la restauration collective semblait devenir réalité. Or, le 26 janvier 2017, les parlementaires Les Républicains ont déposé un recours au Conseil constitutionnel contre l'article de la loi "Égalité et citoyenneté" visant à introduire, d'ici 2020, 20% de produits bio et 40% de produits locaux dans les cantines des écoliers et de la restauration collective en général (maisons de retraite, hôpitaux,..). Un article qu'ils jugent "contraire à la Constitution au motif du non-respect de la procédure parlementaire".
C'est un coup dur pour l'amendement déposé par la députée du Périgord Europe-Écologie les Verts Brigitte Allain et adoptée à l'unanimité en novembre 2016 à l'Assemblée nationale sur le "manger local" dans le cadre de la loi "Égalité et citoyenneté". Un amendement qui consiste à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation et prévoit "l'introduction dans la restauration collective publique de 40% de produits issus de l'alimentation durable (de saison, de qualité et, surtout, issus de circuits courts) dès 2020, dont 20 % de produits bios". Ce projet de loi a notamment été porté par l'association Agir pour l'environnement, qui a lancé une campagne sur le sujet intitulée "Manger bio et local dans les cantines, c'est possible" en incitant les Français à envoyer un courriel à leur député. Pour Agir pour l'environnement, cette proposition de loi était "une nécessité au regard de l'échec des lois Grenelle. En effet, huit ans après le Grenelle de l'Environnement et malgré les promesses électorales, la part de la bio en restauration collective ne représente que 2,7% des achats alimentaires".
Des promesses électorales
Le sujet du bio dans les collectivités et particulièrement dans la restauration scolaire s'est également invité dans la campagne présidentielle. Car le poids de la restauration collective en France n'est pas négligeable. Celle-ci représente environ trois milliards de repas par an et un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros. Dans son programme, Benoît Hamon proposait d'instaurer 50% de bio dans les cantines scolaires d'ici 2025. De même, le candidat du mouvement En Marche, Emmanuel Macron, voulait aussi imposer 50% de bio dans les cantines, quand Jean-Luc Mélenchon allait jusqu'à 100% de bio dans les cantines d'ici 2022. Ces promesses ne sont pas récentes, puisque dans une circulaire datée du 2 mai 2008 relative à l'exemplarité de l'État en matière d'utilisation de produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective, il était déjà stipulé : "L'objectif, pour l'année 2010, est d'introduire 15% de denrées issues de l'agriculture biologique dans les menus et d'atteindre 20 % en 2012".
Lire la suite en page 2: Moins de 5% de bio dans les assiettes des écoliers
Moins de 5% de bio dans les assiettes des écoliers
Aujourd'hui, selon plusieurs études, le bio constituerait moins de 5% des assiettes des écoliers mais ce chiffre varie énormément en fonction des collectivités. Ainsi, dans les grandes villes françaises, par exemple comme Lyon, Grenoble ou Bordeaux, le bio pèse presque 30% dans les assiettes des écoliers. Et même dans une ville comme Paris, la part de produits issus de l'agriculture biologique et durable servis dans les écoles varie selon les arrondissements. Un arrondissement peut servir 6% d'alimentation bio et avec labels, tandis qu'un autre atteint plus de 75% !
Malgré tout, la ville de Paris, exemplaire, est engagée dans un "plan alimentation durable 2015-2020". L'objectif est d'atteindre en 2020 un approvisionnement à hauteur de 50% de produits issus de l'alimentation durable. La restauration scolaire est gérée par un système ancien de caisses des écoles autonomes. D'après Alexandra Cordebard, adjointe à la maire de Paris chargée des questions relatives aux affaires scolaires, à la réussite éducative et aux rythmes scolaires, cet objectif rencontre trois difficultés: le problème de compétence juridique et de ressources humaines pour les petits établissements, le problème de l'offre d'approvisionnement parfois inexistante sur certains produits, et le problème de la fabrication qui se fait sur des lieux très différents (cuisines centrales ou satellites). Il est indispensable d'avoir une bonne connaissance de l'offre locale. Ainsi, la mairie de Paris a étendu le critère de proximité aux régions limitrophes de l'Île-de-France.
D'après l'Agence bio, "l'introduction des produits biologiques en restauration collective résulte d'impulsions données par la direction (54% des cas), les élus (42%), l'équipe en cuisine (41%), les parents d'élèves (35%) et les convives (30%)". Mais avoir recours au bio peut entraîner un surcoût pour les collectivités. Car, on estime que ces produits sont en effet entre 30 et 40% plus chers que les autres. Mais des solutions existent.
Un surcoût pour les collectivités ?
"Avoir recours à un approvisionnement en alimentation durable peut avoir un surcoût que la restauration collective doit pouvoir surmonter en formant ses cuisiniers à la lutte contre le gaspillage alimentaire. La chaîne logistique doit être organisée en conséquence. Le poste de dépenses alimentaires (les denrées) ne représente pourtant en moyenne que 26% du coût total d'un repas en restauration collective. 45% concernent les ressources humaines, 8% le fonctionnement et 21% les investissements. Les cuisines ont largement disparu des écoles, collèges, lycées et hôpitaux. Les cuisiniers y reçoivent des produits prêts à consommer, ce qui en augmente le coût. Pour ne prendre que deux exemples très simples: les carottes râpées coûtent trois fois plus cher que les carottes biologiques en vrac et la salade en sachet coûte deux fois et demie plus cher, en moyenne, que la salade biologique vendue entière", explique la députée du Périgord EELV Brigitte Allain, dans un rapport parlementaire (Rapport n° 3355 fait à l'Assemblée nationale le 16 décembre 2015 au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation).
Lire la suite en page 3: Une juste définition des besoins
Une juste définition des besoins
Un guide du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Pêche intitulé "Favoriser l'approvisionnement local et de qualité en restauration collective" donne les clés aux décideurs pour y parvenir. Pour mettre en place un approvisionnement local, il faut connaître l'offre locale: produits agricoles et agroalimentaires mais aussi entreprises qui les fournissent. Cette offre doit être identifiée en fonction de la saisonnalité, de la qualité et des quantités disponibles.
Prenons l'exemple de l'article 5 du code des marchés publics qui traite de la juste définition des besoins. Lors de cette phase de préparation du marché, l'acheteur public peut ainsi s'attacher à identifier les attentes des usagers du service de restauration collective, au regard notamment de la saisonnalité ou de la fraîcheur des produits. Il peut également définir ses besoins de telle sorte qu'ils permettent le recours à des critères environnementaux ayant trait à la qualité, au goût et à la saisonnalité des produits ou à des délais de livraison courts. À titre d'exemple, on peut définir ainsi l'objet d'un marché : "La fourniture de denrées alimentaires issues d'un mode de production respectueux de l'environnement et destinées à réduire les impacts environnementaux de la consommation alimentaire". L'acheteur public se doit également d'identifier ses besoins au regard de son environnement économique. Il peut être ainsi tout à fait utile, pour l'acheteur public, de connaître les types de production et les opérateurs de son environnement proche de façon à s'assurer, dès la définition de ses besoins, que ceux-ci seront également satisfaits par des fournisseurs locaux, explique ce guide.
À noter que la mise en place du bio dans la restauration scolaire semble toujours être un combat, comme en témoigne l'intitulé de l'événement "Les victoires des cantines rebelles 2016", qui a tenu sa première édition le 10 novembre dernier à l'Hôtel de Ville de Paris. Une opération organisée notamment par "Un plus bio", réseau national associatif des cantines bios né en 2002 et qui visait à récompenser les initiatives sur le sujet.
Zoom sur: Des réseaux d'approvisionnement actifs
Il existe de nombreuses plateformes d'approvisionnement pour les acheteurs. Citons le cas de l'association Agrilocal, créée en 2013 par la Drôme et le Puy-de-Dôme, qui offre, avec agrilocal.fr, une plateforme d'achat en ligne. Celle-ci, "respectueuse du code des marchés publics", favorise les échanges entre les acheteurs de la restauration collective et les fournisseurs de produits agricoles. Elle offre aux acheteurs publics un outil simple pour la recherche de fournisseurs afin de réaliser leurs achats de denrées dans le cadre de la réglementation (code des marchés publics, traçabilité). Grâce à un module de géolocalisation, les acheteurs obtiennent une photographie instantanée de l'offre agricole et artisanale de proximité. Elle comptabilise aujourd'hui 31 départements adhérents (Orne, Seine-Maritime, Vosges, Charente, Bouches-du-Rhône...), près de 1 171 acheteurs utilisateurs (dont 54 % de collèges, 14 % de communes, 10 % de lycées) et environ 2 300 fournisseurs.
De même, "Manger bio ici et maintenant" (Mbim), fondé en 2010, se définit comme un réseau national d'approvisionnement bio local pour la restauration collective et regroupe des acteurs de la restauration collective bio locale mais aussi des plateformes de distribution de produits bio locaux qui travaillent au plus près des lieux de production et de consommation.
Enfin, un autre acteur incontournable est le réseau de la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB), qui comprend les groupements régionaux d'agrobiologistes et développe également des plateformes d'approvisionnement pour la restauration collective.
A lire aussi:
Le département des Yvelines intègre du bio dans sa restauration scolaire