Achats/Sécurité: "Travailler main dans la main pour sécuriser les déplacements de nos collaborateurs"
Pour assurer la sécurité des collaborateurs de Schneider Electric en déplacement, la direction sécurité et le travel management travaillent main dans la main. Maurice Dhooge, directeur sécurité et Lukrecya Payen, travel manager, reviennent sur leur collaboration.
Je m'abonnePourquoi la sécurité des voyageurs d'affaires en déplacement constitue une priorité stratégique pour Schneider Electric ?
Lukrecya Payen, travel manager : Tout simplement parce que notre groupe, d'envergure mondiale, est aujourd'hui présent dans près de 160 pays ! Avec 25 % de notre effectif oeuvrant en Asie et 25 % en Amérique du nord. Cette internationalisation de notre activité s'est vraiment accélérée dans les années 2000 suite à de nombreuses opérations de croissance externe. Depuis, nous recensons près de 9 000 voyageurs à travers le monde, sur un effectif de 170 000 collaborateurs. La plupart d'entre eux, des techniciens, se déplacent presque quotidiennement, et notamment dans des zones à risque, que ce soit au Moyen Orient ou en Afrique, par exemple au Nigeria, où nous avons une usine.
Maurice Dhooge, directeur sécurité: Plus qu'une priorité stratégique, la sécurité de nos personnels, voyageurs d'affaires en
tête, s'impose d'abord comme une obligation légale. La jurisprudence Karachi (janvier 2004) est le point de départ de cette prise de conscience du devoir de protection ("duty of care") de nos collaborateurs en déplacement à l'étranger, mettant ainsi fin à un certain flou juridique qui prévalait jusqu'alors, au regard des différentes législations existantes par pays. Car en effet, cet arrêt stipule que toute entreprise n'ayant pas pris les mesures suffisantes pour préserver la sécurité de ses salariés, même en mission à l'étranger, engage sa responsabilité *. C'est dire la nécessité d'employer les grands moyens, avec le travel management, pour protéger nos voyageurs ! Et ce, pour réduire, in fine, leur forte exposition aux risques : attentats terroristes, aléas climatiques (tsunami, séisme...), agressions physiques (kidnapping, vol...) ou de simples accidents. Une gestion du risque d'ailleurs renforcée depuis quelques années face à la dégradation du climat sécuritaire mondial.
Quelles actions communes ont été déployées par vos deux directions ?
LP : La genèse de notre collaboration a démarré peu ou prou en 2008 avec l'instauration d'une politique voyage unique pour l'ensemble du groupe. Une telle homogénéisation avait pour objectif d'aligner les pratiques voyages d'un pays à l'autre pour faciliter, entre autres, le déploiement en interne de règles de sécurité cohérentes et similaires. Pour préparer un tel chantier, un groupe de travail a été mis en place, réunissant notamment nos deux fonctions. Un déploiement loin d'être aisé puisque nous partions d'une feuille blanche ! Mais au final, nous avons pu aboutir à la définition d'une politique voyage équilibrée instaurant de nouvelles règles achats et de réservation. Par exemple, en encadrant l'anticipation du booking, avec un délai de deux semaines pour un voyage en France, et de trois semaines pour l'étranger. Un levier essentiel permettant à nos équipes d'intervenir aisément, en amont, en cas de besoin.
MD : De nouveaux processus de sécurité ont aussi été implémentés pour les collaborateurs allant spécifiquement dans les pays à risque. Des procédures diffusées in fine à l'échelle mondiale ! Parmi lesquelles, la nécessité pour les voyageurs de se renseigner du niveau de risque de leur destination. Pour se faire, nous avons mis au point un outil spécial propre à évaluer un tel risque, et ce, via un code couleurs classifiant les différents pays du monde (bleu : risque faible, orange : risque moyen, rouge : risque important). Huit pays sont aujourd'hui classés "noir", avec une interdiction de s'y rendre jusqu'à nouvel ordre. Via ce système, nous avons pu établir des processus de worflow différents selon le niveau de risque : pour un déplacement dans un pays orange, une validation du country manager prévaut. Mais pour les pays rouge - 700 voyageurs s'y rendent chaque année - une seconde approbation s'impose, la mienne ! A ma charge, alors, de valider précisément les modalités du séjour (contacts sur place, hébergement...). En cas de doute, je peux déployer une organisation ad hoc, avec l'appui de notre partenaire sûreté, International SOS. Sans oublier le département achats globaux travel, avec lequel une collaboration rapprochée s'impose ! Tant la gageure est de coordonner au mieux nos actions respectives afin de favoriser la bonne mise en oeuvre de la politique sécurité.
Lire la suite en page 2 : l'adoption du SBT en interne - un pré-requis essentiel
En quoi consiste cette coordination ?
LP : Déjà par la nécessité de mettre à jour la politique voyage en fonction des nouvelles mesures adoptées par le département sécurité. Ce qui suppose, en effet, une communication presque quotidienne entre nos deux directions. Car rappelons que ces consignes évoluent constamment au regard du climat sécuritaire ! Par exemple, dans les pays orange et rouge, nous actualisons régulièrement la liste des hôtels dits "sécurité", à savoir les établissements - référencés par la direction sécurité - où les voyageurs ont obligation de se rendre. C'est dire si nous, équipes travel, affichons en permanence ce réflexe sureté ! D'autant que notre rôle est aussi de sensibiliser sur le terrain les voyageurs au respect des procédures. Qu'il s'agisse des délais d'anticipation - un challenge pas toujours aisé - ou encore des accords négociés auprès de nos partenaires référencés. Aussi, l'adoption en interne de notre SBT, qui atteint déjà 75 % en France, s'impose comme un pré-requis essentiel ! Car pour favoriser la sécurité de nos voyageurs - comme le booking dans des hébergements 100 % "safe" - encore faut-il qu'ils recourent aux canaux officiels (agence ou SBT). Sans quoi, leur suivi a posteriori n'est pas toujours garanti ! Outre le nécessaire encadrement du process de réservation - pour éviter l'open booking - l'outil de réservation en ligne sert ainsi de support clé de communication pour relayer des flash infos, alertes sécurité, fiches pays, etc.
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MD : L'autre canal de communication est notre intranet qui comporte un espace sûreté, dont une base de données où les voyageurs doivent enregistrer leurs déplacements afin de bénéficier des informations sécuritaires adéquates, comme le fameux niveau de risque pays identifié par code couleur (orange, rouge...). Or comme peu de collaborateurs prenaient le soin de se connecter à la plateforme (à peine 15 %), nous ne pouvions mener un tel travail de prévention sur l'ensemble des déplacements. Pour résoudre un tel écueil, nous avons donc employé les grands moyens en automatisant ce processus. Et ce, via le recours à un outil ultra performant de suivi des voyageurs - "travel tracker" - délivré par International SOS. Sa vocation : récupérer automatiquement tous les PNR (Passenger Name Record). De quoi nous permettre d'avoir une réelle visibilité sur les déplacements à venir des collaborateurs pour ainsi leur fournir un accompagnement automatisé et personnalisé. Car une fois le booking effectué, ils reçoivent désormais illico le kit de prévention nécessaire sans effectuer aucune démarche. Un moyen d'intégrer définitivement le volet sécurité dans nos circuits de worflow.
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La collaboration avec International SOS s'avère donc très bénéfique...
MD : Plus que jamais ! Car depuis janvier 2011, date de début de notre collaboration, nous avons véritablement révolutionné notre politique sécurité. Déjà en nous dotant, pour la première fois, d'un programme d'assistance et sécuritaire 100 % homogène au niveau mondial ! International SOS est ainsi la cheville ouvrière d'un tel programme intégrant un service hotline 24h s/24h et 7j/7, la prise en charge des frais médicaux sur place, le rapatriement, etc. Dès la signature du contrat, le partenaire a d'ailleurs été mis à l'ouvrage suite au déclenchement des révolutions arabes. Ainsi, il a su se distinguer en montant de A à Z des cellules de crise dans les pays concernés (Egypte, Tunisie...) afin de procéder en urgence au réacheminement des voyageurs en difficulté.
LP : Pour implémenter un tel programme, les achats globaux travel ont également joué un rôle non négligeable. Déjà dans le choix du prestataire (préparation de la consultation, mise en place du contrat...) mais aussi dans l'interfaçage nécessaire d'International SOS avec nos différentes agences et SBT afin de favoriser la remontée automatique des données de réservation. Ainsi, nous avons été le point de passage clé de cette mise en connexion, essentielle pour déployer "travel tracker" et ainsi mieux accompagner nos voyageurs partout dans le monde. Alors certes, en cas de réservation en open booking, le risque de perdre leur trace prévaut toujours. Cela étant, le climat sécuritaire actuel, toujours très instable, contribue naturellement à discipliner nos voyageurs, notamment ceux allant dans des zones sensibles. Désormais conscients des risques éventuels qu'ils encourent, ils tendent toujours plus à respecter les directives mises en place.
* La jurisprudence Karachi renforce les dispositions du code du travail en matière de responsabilité de l'employeur en matière de devoir de protection de ses salariés en mission. En cas de manquement de sa part, celui ci "peut être amené à prendre en charge les frais médicaux ou de rapatriement des collaborateurs, sans pouvoir en obtenir le remboursement, voire être poursuivi au pénal"