Business travel : place au low cost et au commerce collaboratif
Exit les déplacements en première classe et dans les hôtels haut de gamme : à l'heure de la crise et d'Internet, les voyages d'affaires riment avec low cost et commerce collaboratif d'après une analyse du cabinet Xerfi. Ryan Air et Airbnb, nouvelles figures du business travel ? Réponses.
Je m'abonneL'optimisation des coûts, véritable obsession des travel managers ? C'est du moins le constat dressé par le dernier rapport sur le marché du business travel réalisé fin 2014 par Xerfi, cabinet indépendant, en rappelant que les voyages d'affaires et la première classe ne font plus si bon ménage aujourd'hui. La preuve : les compagnies low cost capteraient désormais pas moins de 26 % des dépenses aériennes propres aux voyages d'affaires en Europe, contre moins de 10 % avant 2008, d'après l'étude.
Low cost " premium "
Pour Serge Bacchus, travel manager d'Unisys, spécialiste en informatique et cofondateur de l'AFTM, Association française des travel manager, "cette tendance s'explique surtout par les initiatives toujours plus nombreuses des compagnies low cost pour s'adapter aux besoins des voyageurs d'affaires". Avec le lancement d'offres de services dédiées à la clientèle business (passage prioritaire aux contrôles de sécurité, modification des billets sans frais supplémentaires, possibilité de choisir son siège,...), une plus grande fréquence des vols, l'ouverture de nouvelles lignes et enfin la généralisation des liaisons à partir des aéroports principaux.
Pionnière sur ce créneau, easyJet a d'ailleurs été élue fin 2014, meilleure compagnie low cost pour les voyages d'affaires lors des Business Traveller Awards. De quoi pousser son concurrent, Ryanair, à se mettre au diapason en lançant en 2014 des billets premium à partir de 69,99€ (fast checking, bagage en soute, sièges confortables...). Plus encore, la compagnie planche déjà sur la desserte de ses vols à partir de Roissy. Enfin, les compagnies low-cost ont, pour la plupart, étendu leur canal de distribution aux GDS (Global Distribution Systems), les fameux outils de réservations des agences de voyage, ainsi qu'aux SBT, Self Booking Tool.
Résultat : les agences, comme leurs clients, n'ont plus besoin de consulter les sites des compagnies pour réserver les billets. Et surtout, elles peuvent comparer, à partir d'une même interface, les offres low-cost et celles des compagnies traditionnelles.
Offres business dédiées
"Hyper-connectés, ces derniers consultent les avis sur Internet et réservent sur les mêmes sites et avec les mêmes appareils qu'ils le font à titre personnel, smartphone, tablette... ", poursuit Serge Bacchus. De quoi inciter les grands comptes à s'ouvrir, à terme, à ces ,nouveaux modes de réservation. D'autant que les acteurs de l'économie collaborative jouent, eux aussi, la carte de l'adaptation.
A l'instar, encore, d'Airbnb qui a développé un panel de services associés : système de facturation pour faciliter le remboursement, garanties en terme d'assurance, etc. Plus encore, la plateforme planche sur l'élaboration d'une offre business à partir de produits 100 % adaptés aux exigences des voyageurs d'affaires en terme de confort, localisation, etc. "A terme, les agences pourraient intégrer une telle offre dans leur SBT et gérer elles-mêmes la facturation, pour conférer à leurs clients une meilleure visibilité sur de telles dépenses", anticipe Serge Bacchus.
Les agences se réinventent
C'est dire l'impact de ces nouvelles technologies sur le rôle des agences de voyages ! En effet, d'après l'étude Xerfi, ces dernières n'ont donc pas d'autre choix que de faire évoluer leur métier en se digitalisant de plus en plus : applications mobiles, outils de reporting... Pour accélérer ces transformations technologiques, la plupart des opérateurs nouent des partenariats avec des fournisseurs de solutions (KDS, Citrix ou Concur, etc.) ou avec des GDS tels que Sabre ou Amadeus. C'est le cas d'American Express qui a officialisé un partenariat avec Sabre en 2014 pour offrir la solution TripCase à ses clients. Celle-ci permet notamment aux voyageurs d'affaires d'accéder depuis leur mobile aux données du voyage (coordonnées de l'hôtel, numéro de vol...) et de disposer d'itinéraires à parcourir en temps réel.
Contraction relative du marché
Mais ces différentes mutations ne se font pas sans heurts, note l'étude Xerfi. Le online a fait disparaître les commissions des agences et, plus globalement, a renforcé la concurrence et tiré les prix vers le bas sur certains segments. Dans l'hôtellerie par exemple, des plateformes de réservations BtoB comme HCorpo peuvent faire baisser la facture jusqu'à 30%. Dans ces conditions, rien d'étonnant à ce que les agences se restructurent massivement. Les leaders mondiaux ne sont d'ailleurs pas épargnés : à titre d'exemple, Carlson Wagonlit Travel (CWT) a supprimé plus de 1.000 postes en France en 5 ans.
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Une contraction du marché d'autant plus patente qu'elle est renforcée par la crise économique, rappellent les experts de Xerfi. Ainsi, les pressions exercées par les entreprises mais aussi celles sur les tarifs brideront à moyen terme la croissance du marché du voyage d'affaires d'après l'étude. Cela étant, celle-ci progressera encore de 2% en valeur en 2015 à 27,9 milliards d'euros puis de 1% par an jusqu'en 2017 où sa taille atteindra 28,5 milliards d'euros, notent les experts. De quoi susciter un certain optimisme...
Témoignage
Xavier Quesnel, Travel manager de Quicksilver
"Airbnb capte 20 % de nos dépenses hôtelières"
Le recours au low cost ? Voilà une question qui ne se pose plus pour Quicksilver, enseigne de vêtements de sport. "Depuis mon arrivée, il y a trois ans, dans l'entreprise, les compagnies low cost sont intégrées dans le GDS de notre agence, ainsi que dans notre SBT. Résultat : les collaborateurs privilégient de tels acteurs si à service égal -bagage en soute, choix du siège, etc.- ils sont moins chers que les compagnies régulières", détaille Xavier Quesnel, travel manager de l'entreprise. Basé à St Jean De Luz (64), Quicksilver réserve ses vols Biarritz-Londres uniquement sur Ryan Air, seule compagnie à opérer une telle liaison. Pour le trajet Biarritz-Paris (pas moins de 800 vols effectués dans l'année), les promos de dernière minute d'Air France, ultra compétitives, sont toutefois privilégiées.
Au niveau de la réservation hôtelière, l'entreprise laisse une plus grande marge de manoeuvre à ses salariés, issus de la génération Y. "Lorsqu'ils m'ont demandé d'intégrer Airbnb parmi nos prestataires, j'ai accepté les services d'un tel acteur, plus pour le côté pratique qu'économique". Car en effet, pour des longs déplacements en Europe ou aux Etats-Unis, "quoi de plus convivial qu'un hébergement comme à la maison en plein centre ville, plutôt qu'une chaîne pas super sexy en périphérie ?", rappelle l'intéressé.
Si le travel manager reconnaît cibler les produits d'un certain standing (niveau de confort, wifi, etc.), pour mieux coller aux attentes des voyageurs, c'est l'agence de l'entreprise qui gère, in fine, la réservation et le prépaiement. "Sur notre demande, elle intègre désormais les offres Airbnb dans son périmètre, ce qui lui permet de piloter chaque transaction de A à Z. Résultat : j'ai directement accès au reporting de telles dépenses dans notre SBT". De quoi doper le recours à une telle plateforme qui capte, depuis un an et demi, pas moins de 20 % des dépenses hôtelières de la société.
Haro sur les dépenses d'hôtellerie
"En dix ans à peine, la montée en puissance du modèle low cost a permis de réduire drastiquement les budgets aérien des entreprises", confirme Serge Bacchus. C'est pourquoi les efforts d'optimisation de la part des travel managers, se concentrent, désormais, sur un autre poste et pas des moindres : les dépenses d'hôtellerie.
"En effet, l'hébergement s'impose aujourd'hui comme le poids lourd d'un déplacement pro", rappelle Serge Bacchus. Et pour favoriser l'optimisation de tels budgets, place au commerce collaboratif, une tendance majeure d'après l'étude Xerfi. Avec l'essor de plateformes de mise en relation qui s'ouvrent désormais aux professionnels. C'est le cas d'HomeAway, HouseTrip et surtout Airbnb qui a lancé une page dédiée aux entreprises à l'été 2014 puis a passé un partenariat avec Concur, l'un des principaux fournisseurs mondiaux de logiciels de gestions de notes de frais. D'autres plateformes exclusivement tournées vers la clientèle professionnelle voient le jour, comme MagicEvent (créée en janvier 2014) par exemple.
"L'économie collaborative connaît finalement une évolution business similaire à celle du low cost, en ciblant d'abord le tourisme de loisirs, puis en s'attaquant progressivement aux déplacements pros quitte à redessiner totalement le modèle traditionnel des voyages d'affaires", constate Serge Bacchus, tout en nuançant : "à la différence du low cost aujourd'hui prisé par les entreprises de toute taille, le commerce collaboratif reste surtout plébiscité par les PME, plus ouvertes à ces modes de réservation alternatifs". La raison ? "Les petites entreprises n'ont pas la même lourdeur administrative que les grands comptes, dotés de politiques voyages bien plus formelles", répond ce dernier. Un plus grand souci de contrôle et de suivi des dépenses qui complexifie tout recours à de telles plateformes collaboratives. Si Airbnb n'a donc pas encore la cote parmi tous les poids lourds du CAC 40, pas moins de 20 % de ses clients voyagent à titre professionnel, parmi lesquels un profil se dégage : ceux issus de la génération Y.