Métier x RSE : pourquoi la fonction achats doit être la première à se transformer ?
Les entreprises manquent de compétences RSE, mais tardent à former ses ouailles. Double compétence, soft skills, formation ciblée... comment s'y retrouver ? Décryptage via les enseignements de la 5e édition du Baromètre 2025 d'Ecolearn.
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Des ambitions freinées par le réalité du terrain
La cinquième édition du Baromètre 2025 des compétences durables, menée par Ecolearn dévoile un paradoxe. 69 % des entreprises interrogées affirment manquer de compétences pour mener leur stratégie de durabilité. Pourtant seulement 44 % prévoient de lancer un programme de formation dans les 18 mois, un chiffre en baisse par rapport à 2024 (51 %), traduisant un essoufflement des intentions malgré l'urgence croissante. Les causes sont connues : surcharge de travail, manque de temps, difficultés à identifier des formations pertinentes et coût perçu comme un frein majeur.
Ce décalage entre l'ambition affichée et les moyens réellement mobilisés reflète une contradiction, où les priorités court terme (rentabilité, réorganisation) prennent souvent le pas sur les enjeux structurels, pourtant fondamentaux à moyen terme. Pour les directions achats, qui se trouvent à la croisée de ces pressions, un risque pèse, celui de ne pas être suffisamment préparées lorsque les réglementations se durciront encore.

Les achats en première ligne encore en 2025
S'il y a une fonction qui cristallise les attentes en matière de durabilité, ce sont bien les achats. Les directions achats sont à nouveau citées comme la fonction n° 1 où développer la double compétence (métier x durabilité). En 2025, cette tendance s'accentue encore. Pourquoi cette pression ? Parce que c'est via les fournisseurs que transite l'essentiel des impacts environnementaux et sociaux. Parmi les compétences techniques jugées les plus prioritaires, on retrouve la gestion "durable" des fournisseurs, la mise en oeuvre du devoir de vigilance ou encore la conception de stratégies climat dans les achats.
Les obligations réglementaires, comme la CSRD ou le devoir de vigilance, n'y sont pas pour rien, les enjeux ESG deviennent des critères incontournables de pilotage dans les politiques d'achats. Concrètement, cela signifie que les acheteurs doivent être capables de piloter des stratégies d'achats responsables, d'évaluer les risques ESG dans leurs chaînes d'approvisionnement, de négocier sur la base de critères extra-financiers, voire de renoncer à certains fournisseurs non alignés. Un changement de paradigme qui exige une montée en compétences structurée.

Le profil rêvé ? Privilégier le métier à la RSE
2025 consacre une tendance nette : les entreprises ne cherchent plus un expert RSE, mais un expert métier qui connaît la durabilité. Dans 68 % des cas, ce sont les profils ayant une expertise métier doublée d'une culture durabilité, et ce, dans toutes les fonctions stratégiques. Les achats ne font pas exception.
Les généralistes RSE ne recueillent que 38 % d'opinions favorables, signe qu'ils ne suffisent plus. Les entreprises veulent des talents capables d'opérationnaliser la transition dans leur coeur de métier. Et lorsqu'il faut trancher, elles préfèrent former un expert métier à la durabilité, plutôt que l'inverse, seul un petit quart dit rechercher un profil déjà doublement compétent. Mais les talents sont rares, et les candidats formés en sortie d'école insuffisants. Le déficit de compétences est palpable, et le marché commence à en ressentir les effets.

Former, oui... mais qui s'en charge ?
Si les entreprises reconnaissent la nécessité d'agir, elles peinent encore à organiser leur réponse. Le Baromètre 2025 met en lumière un désordre interne inquiétant : dans 66 % des cas, ce sont les directions générales qui devraient impulser la formation, mais sur le terrain, la coordination reste floue..
La question "Qui pilote ?" reçoit des réponses dispersées : direction RSE, RH, métiers... sans réel leadership. Résultat : le plan de formation durable est rarement structuré, souvent marginal. Et ce malgré l'identification très claire des freins à lever : manque de temps, coût, faible mobilisation RH, absence de reconnaissance interne
Le baromètre alerte sur un point : la montée en compétences n'est pas planifiée à grande échelle. Elle est souvent réactive, ponctuelle, voire opportuniste. Un paradoxe quand on sait que les compétences durables sont jugées critiques à la survie même du modèle d'affaires. Si la direction achats veut jouer un rôle moteur, elle devra aussi prendre sa part dans cette gouvernance.

Soft skills et leadership : les nouveaux avantages concurrentiels de l'acheteur durable
Les compétences techniques sont indispensables, mais ne suffisent plus. En 2025, les entreprises placent les soft skills durables en deuxième position parmi les compétences les plus prioritaires, juste après la vision stratégique.
Ce que cela signifie concrètement ? Pour un acheteur, cela veut dire : leadership éthique, capacité à embarquer les parties prenantes, aptitude à réinterroger les pratiques à l'aune des enjeux sociaux et environnementaux. Ces dimensions comportementales, souvent sous-estimées, sont désormais vues comme des catalyseurs essentiels de la transformation.
Le baromètre va plus loin : il identifie comme clés des qualités telles que la collaboration, l'influence positive, l'adaptabilité, voire la capacité à dire non à un fournisseur non conforme, même s'il est compétitif.

Quels leviers concrets à activer ?
Face au manque criant de compétences durables, les entreprises ne peuvent plus se permettre d'attendre "le bon profil", elles doivent le construire. Et vite. La dernière édition du baromètre est formelle : la formation interne arrive en tête des solutions envisagées, loin devant le recrutement externe. Une stratégie logique dans un contexte de tensions budgétaires et de rareté des talents. Quel résultat ? Beaucoup misent sur leurs équipes en place... à condition de pouvoir les libérer.
Ombre au tableau, près de 8 entreprises sur 10 ne prévoient de former que 50 personnes ou moins en 2025. Un bond par rapport à 2024 (+24 points), qui révèle surtout une réalité : la transition se joue en petit comité. Une façon de cibler les fonctions stratégiques ou le signe d'un désengagement progressif ?
Autre tendance forte, le recours aux experts externes monte en puissance, notamment via des missions ponctuelles de consultants ou freelances. Une manière d'apporter rapidement un coup de main opérationnel sur un sujet brûlant, climat, CSRD, biodiversité, sans refonte d'équipe. Et ce sont justement ces expertises techniques ciblées, bien plus que les approches globales ou stratégiques, que recherchent les entreprises.
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