Les conditions inflationnistes actuelles, une opportunité pour reconstruire les marges des PME
En contexte de crise, le plus important est d'oser. Avec l'augmentation des prix des matières premières, les entreprises françaises ont de vraies cartes à jouer pour revoir à la hausse leurs grilles tarifaires, repenser leurs offres et gagner de nouveaux marchés.
Je m'abonneDe nombreux dirigeants français sont désarçonnés par la hausse continue des matières premières observée depuis fin 2020. La faiblesse de la demande les rend hésitants quant à une révision des prix à la hausse. Surtout, contrairement aux entrepreneurs qui interagissent régulièrement avec les pays émergents, les dirigeants de beaucoup de PME, voire d'ETI, sont peu rodés à une gestion des affaires dans des contextes inflationnistes. Une récente enquête du Crédit Mutuel Nord Europe le confirme : elle indique que la hausse du prix des matières premières impacte 59 % des entreprises françaises, mais que la moitié de ces entreprises n'a pas la possibilité de répercuter cette hausse sur ses prix de vente.
Une question de contexte
En France, pour améliorer sa productivité et ses marges, les négociations portent en général sur une révision des prix à la baisse et non à la hausse. Chacun essaie de réduire ses coûts de production par une baisse des montants d'achats.
Toutefois, ce raisonnement n'est plus applicable en cas d'inflation : si une entreprise n'augmente pas ses tarifs, elle risque de vendre à perte et au bout du compte, de ne plus pouvoir supporter ses propres coûts de production qui, eux, augmentent au gré des prix des approvisionnements.
Et cela n'est pas réservé aux entreprises de production avec de lourdes dépenses en termes de matières premières. Les activités intensives en main d'oeuvre comme les services, sont elles aussi impactées, ne serait-ce que par le poids croissant des achats non stratégiques (fournitures de bureau, équipements informatiques et de télécommunication, facture d'électricité-gaz, flottes automobiles, etc.). Il est important qu'elles tiennent compte des nouvelles règles imposées par le contexte car leurs charges fixes et le coût de production des services seront alourdis.
C'est une fois accepté ce changement des règles du jeu que le chef d'entreprise peut réfléchir aux options ouvertes pour reconstituer ses marges. Et sur ce point, la situation offre de réelles opportunités.
Oser augmenter ses prix
Beaucoup de PME considèrent que leurs prix sont fixes, sinon condamnés à baisser. Cela peut en effet être le cas sur un marché sans inflation. En revanche, un marché inflationniste libère les prix et donne davantage de latitude pour augmenter les tarifs des offres. En dépassant le seuil dit d'équilibre (i.e. celui qui permet de ne pas perdre d'argent), il est tout à fait possible de reconstruire sa marge.
Le jeu de l'offre et de la demande conduit en effet les partenaires économiques à accepter davantage le fait de négocier. On observe d'ailleurs que les grands groupes internationaux n'ont pas attendu pour pratiquer des hausses de prix de l'ordre de +15% à +20%.
Le point de vigilance est au niveau de l'explication de la hausse de prix. Si la légitimité de la hausse est indiscutable et si elle est alignée avec les autres augmentations observées, par exemple dans le cas de matières premières dont les volumes disponibles sont limités, alors elle est admise sans encombre. Il faut donc que les dirigeants français dépassent l'appréhension de départ, évaluent le plus justement possible la hausse à appliquer aux tarifs et travaillent leur argumentaire.
La conquête de nouveaux clients
La dynamique inflationniste offre aussi des opportunités pour se positionner sur de nouveaux marchés. Face aux variations de prix, les grands donneurs d'ordres lancent des appels d'offres, pour optimiser le coût et la sécurité de leurs approvisionnements tout en explorant et en ouvrant de nouveaux pans de marché. Il y a donc des places à prendre.
Repenser son offre et/ou ses approvisionnements
Enfin, l'inflation, notamment sur les matières premières, entraine une augmentation du poids de la matière dans le coût de production final. De ce fait, un dirigeant gagne à revoir sa structure de coût " main d'oeuvre vs matière ". Cela peut avoir des incidences au niveau de son offre (adoption de nouveaux matériaux ou d'alliages, évolution de la quantité de chaque composant, etc.), sur ses procédés de fabrication (ajout d'opérateurs pour des procédés plus économes en matière), ou ses circuits d'approvisionnement (recherche d'autres fournisseurs, étude de nouvelles routes et moyens d'acheminement, etc.). Dans certaines grandes puissances économiques, Chine en tête, les entreprises adoptent des démarches très offensives sur ce sujet. Les Français doivent donc tenter à leur tour d'avancer leurs pions et ne plus hésiter à revoir leurs équilibres main d'oeuvre / matière.
A chaque période de tension économique, force est de constater que ceux qui s'en sortent le mieux sont ceux qui osent et privilégient le changement. L'état d'esprit est déterminant. Quand l'opportunité est là, il faut la saisir. Et cela vaut pour l'augmentation des tarifs comme pour l'ouverture de nouvelles activités ou le rachat d'entreprises. Plus que jamais, un dirigeant doit faire sienne la citation de Raymond Vincent : que " l'avenir appartient aux audacieux, à ceux qui cherchent, qui prennent des risques ".
Pour en savoir plus
Jacques Schaffnit, a plus de trente ans d'expérience à la tête d'entreprises industrielles internationales. Hutchison, filiale du groupe Total, puis Valeo reprend METALOR Technologies en 2010 puis 2013 CEO d'ASCOMETAL. Enfin RFS, Adova, Von Roll. Il rejoint en 2021 I&S Adviser.