Changements climatiques et défis logistiques : quel avenir pour le marché du café ?
Le marché du café subit de plein fouet les effets du changement climatique. Entre gelées intempestives au Brésil, menaces sur les plantations d'Arabica et enjeux d'emballage durable, la filière doit constamment s'adapter pour survivre. Des projets européens aux nouvelles pratiques agricoles, chaque acteur cherche des solutions pour préserver la qualité et la disponibilité du café, tout en répondant aux exigences environnementales et logistiques. Face à ces défis, l'avenir du café reste incertain, poussant certains à envisager des alternatives.
Le marché du café est impacté par les dérèglements climatiques comme l'explique Yann Simon, CEO chez Atelier Brâam : "En 2021, une vague de gel au Brésil a provoqué une augmentation du cours du café. Nous avons dû recréer des chaînes logistiques avec d'autres pays afin d'importer la quantité nécessaire. Cela représente un événement ponctuel qui se répète tous les trois à quatre ans. Nous achetons notre café à terme afin de nous prémunir de ces fluctuations. Par exemple, cette année, nous allons acheter 40 tonnes de café en avance et nous allons fixer le prix au démarrage, ce qui nous permet de faire face aux bouleversements climatiques à court terme."
Le café fait également face à des perturbations à long terme. En effet, le caféier, notamment l'Arabica, peut vivre à une altitude précise entre 800 mètres et 2 000 mètres. Cependant, en raison du réchauffement climatique, la plante ne sera plus adaptée à son altitude naturelle d'ici 2050. De nombreux projets, par exemple Breefcafs, financé à hauteur de six millions d'euros par l'Union européenne, ont rassemblé des chercheurs et agriculteurs afin de sélectionner des variétés de café résistantes aux risques sanitaires et climatiques, mais également respectant les valeurs gustatives afin de préserver les revenus des exploitations. "La première alternative se portera sur le Robusta, comme son nom l'indique celui-ci est plus robuste et réussit à vivre à 500 mètres d'altitude. Cependant, ce ne sera pas suffisant. Nous devons créer toute une nouvelle génération de cafés dans le cas contraire, nous n'aurons plus de cafés en 2050", précise Yann Simon.
Se pose également la question des emballages utilisés pour le café. En effet, la loi anti-gaspillage (loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire) prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d'ici 2040. Selon une étude publiée dans Science Direct, la consommation de certains aliments, dont le café, augmente la concentration de PFAS, aussi appelés polluants éternels, dans l'organisme, notamment dû aux emballages. "Chez Brâam, nous avons particulièrement travaillé sur l'emballage de notre café. Aujourd'hui, 99 % des emballages des marques possèdent de l'aluminium alors que nous avons voulu le retirer pour avoir des poches entièrement recyclables tout en gardant l'aspect imperméable du paquet", souligne Yann Simon.
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Qualité et quantité : l'importation du café vers la France
La fiabilité et la qualité gustative sont deux aspects essentiels dans le choix des zones et des producteurs, comme l'indique Yann Simon : "La certification permet d'indiquer la rétribution juste du prix du café. Cela permet d'assurer que l'agriculteur est dans un cercle vertueux et que l'on finance l'amélioration de sa production. Nous allons également regarder la qualité du produit et la capacité de l'agriculteur à délivrer et assurer une qualité constante."
Grâce aux grilles de contrôle internationales, les entreprises peuvent sélectionner les régions ou les producteurs avec qui ceux-ci souhaitent collaborer sans avoir à se déplacer. "Nous travaillons avec sept ou huit pays actuellement, mais également avec des régions particulières au sein de ces pays. Dans les grilles internationales, l'origine exacte du café est mentionnée, donc nous pouvons remonter jusqu'à la parcelle sur laquelle le café a poussé. Plus le score est élevé, mieux nous pouvons mesurer l'origine du café. Ce score est négativement impacté si la seule mention sur l'origine du café est le pays. Avoir des informations précises sur l'origine exacte du café permet également de planifier la chaîne d'approvisionnement en prévoyant quels moyens de transport seront en charge de la livraison à des points clés. Toute la partie importation et le calcul de l'impact carbone sont faits conjointement avec l'importateur qui est dans l'obligation de nous fournir les données nécessaires. Le niveau de transparence est également un élément dans la décision de ne pas travailler avec certains fournisseurs. Nous avons mis en place une grille de sélection pour nos fournisseurs. En revanche, nous ne faisons pas signer de documentation à nos fournisseurs pour l'instant, même si nous allons le mettre en place sur le long terme", précise Yann Simon.
La sécurisation avant les certifications ?
Les acheteurs ont également une préférence pour les fournisseurs certifiés avec un label de durabilité, par exemple Fairtrade ou Rainforest Alliance. Cela permet de mettre en place plus facilement un partenariat avec une collectivité. "La chaîne d'approvisionnement du café est organisée sous forme de coopératives de petits agriculteurs. L'objectif est de trouver des coopératives déjà bien implantées et fiables avec une régularité dans la qualité des produits. Nous privilégions les fournisseurs certifiés avec un label de durabilité tels que Fairtrade ou Rainforest Alliance. Au début de la collaboration, nous faisons des essais de qualité du produit du côté du pays producteur. Concernant ce sujet, le défi est logistique, en effet, l'enjeu demeurant la traçabilité de l'acheminement des grains de café jusqu'à l'usine de torréfaction, indique Yann Simon. L'ensemble de la chaîne doit être sécurisée. Tous les acteurs du café passent donc par un importateur. En France, il y a deux importateurs principaux : Belco et Maison Jobin & Cie. Les entreprises doivent s'assurer que leur fournisseur soit capable de monitorer la qualité de leur achats. L'importateur va vérifier plusieurs aspects du grain afin que celui-ci corresponde à une grille précise de qualité mais également un score gustatif du Qgrading." Pour rappel, le Qgrading est une méthode d'évaluation des grains de café qui permet aux importateurs d'effectuer leurs achats auprès des collectivités selon les critères prédéfinis avec les entreprises. Reste ensuite la question du conditionnement du café qui dépend de ses différentes ruptures de charges et modes de transports.
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Une production plus respectueuse de l'environnement
Actuellement, deux modèles de production sont utilisés concernant le café. D'abord, la production industrielle qui consiste à défricher les forêts. Cette méthode provoque la majorité de l'impact carbone de la filière du café. En effet, les forêts primaires sont rasées et mises sous la forme de champs afin d'aligner des plantes de café, ce qui s'appelle le picking automatique. Une nouvelle forme de production émerge donc : l'agroforesterie. Cette méthode consiste en le mélange des caféiers avec d'autres espèces d'arbres afin d'apporter de l'ombre au café, ce qui lui permet de mieux se développer. Le café qui pousse dans les champs se développe plus rapidement grâce au soleil, mais l'agroforesterie permet un développement plus important de l'arôme grâce à l'humidité générée par la forêt, tout en permettant la diversification de la flore dans une zone géographique donnée. "L'objectif est de pouvoir à terme proposer une récolte complète aux producteurs sur des territoires bien identifiés. En effet, faire le choix de l'agroforesterie est déjà un choix contraignant pour le producteur. Cela permet également de leur apporter un revenu continu sur une variété précise. Notre objectif à terme est de travailler sur le cahier des charges directement avec les producteurs", fait savoir Yann Simon. Pour rappel, d'ici la fin de l'année 2024, les produits issus de la déforestation tels que le café et le cacao devraient être interdits à la vente en Europe.
Le marché du café d'entreprise s'élève à 1,8 milliard d'euros et ne cesse d'augmenter. Cette croissance continue dans un contexte de dérèglement climatique pose la question du futur de la filière du café, comme le souligne Yann Simon : "Le café est la boisson la plus consommée par les Français et dans le monde. Dans le cas où la filière n'arrive pas à s'adapter aux défis climatiques, nous allons devoir trouver des substituts avec d'autres plantes. Par exemple, la chicorée fait son retour, mais il y a également des boissons à base de champignons ou encore le matcha qui sont des alternatives à considérer en cas de raréfaction de la plante de café."
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