Facturation électronique : vers une chaîne fournisseurs transformée ?
Après un premier report annoncé dans l'urgence en 2023, la réforme de la facturation électronique se remet en ordre de marche. Portée par la loi de finances 2024, elle s'imposera progressivement à partir de 2026. Un virage numérique avec à la clé une réécriture en profondeur du circuit de la TVA.

Le compte à rebours est lancé. C'est une réforme de fond qui se déploie presque en silence, mais dont les effets promettent d'être systémiques. La généralisation de la facturation électronique entre entreprises assujetties à la TVA, dite B2B, s'apprête à redessiner en profondeur les relations entre entreprises et administration fiscale.
Initialement prévue pour 2024, puis reportée à 2026, l'entrée en vigueur progressive du dispositif commence à se préciser. Dès le second semestre 2024, une phase pilote a été lancée, afin de préparer le terrain avant le coup d'envoi officiel : le 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises, puis en janvier 2027 pour les PME et TPE. Pilotée par la DGFIP, la reforme vise à renforcer la lutte contre la fraude à la TVA, mais elle va surtout bouleverser l'organisation de la facturation du côté des fournisseurs.
Florent Rogeon et Albéric Gautier, respectivement Sales Account Manager et Regional Sales Manager chez DocuWare, ont décrypté les impacts concrets de cette réforme. Objectif ? Faire émerger les enjeux cachés derrière la technique. Et ils sont nombreux.
Une chaîne fournisseurs transformée par les nouveaux formats et le reporting obligatoire
Florent Rogeon résume : " On ne pourra plus envoyer une facture en PDF à son client. Ce sera terminé ", À la place ? Des formats normalisés, Factur-X, UBL, CII, qui combinent lisibilité humaine et structuration des données. Ce changement technique, en apparence, implique une remise à plat complète des process internes. Un exemple très concret donné par les experts : " Il faudra pouvoir indiquer, dans un fichier structuré, des informations précises comme le numéro de commande, l'adresse de livraison, le code TVA... et tout cela doit être normé selon son secteur d'activité ", détaille Florent Rogeon. Autrement dit, ce n'est pas juste une question d'informatique, c'est un vrai sujet d'organisation.
Et les enjeux ne s'arrêtent pas à l'émission des factures. Le reporting obligatoire à la DGFIP, y compris pour les opérations internationales, impose de faire remonter toute une série d'informations en temps réel. Cela suppose, côté fournisseurs, de pouvoir suivre l'ensemble du cycle de vie de la facture : émission, réception, acceptation, paiement... voire litige. Albéric Gautier l'assure : " Il va falloir mettre en place une organisation interne capable de remonter ces statuts de facture dans les délais. C'est obligatoire." Et cela veut dire interconnecter des équipes qui, jusqu'ici, travaillaient parfois en silo : comptabilité fournisseurs, ADV, commerce, DAF...
Vers un pilotage plus fin... et des gains de trésorerie pour les fournisseurs ?
Le gouvernement mise sur une montée en puissance progressive. La période pilote doit permettre aux entreprises volontaires de tester le dispositif et aux éditeurs de solutions de finaliser leurs outils. Mais dans un contexte où toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, devront s'y conformer à brève échéance, l'inquiétude monte quant à l'état de préparation réel du tissu économique.
Pour certains acteurs, c'est aussi l'opportunité de repenser toute la chaîne de facturation et de gestion. Si la réforme est contraignante, elle peut aussi générer des gains d'efficacité significatifs. " En anticipant, vous allez gagner en visibilité sur vos paiements à venir. Vous pourrez suivre plus facilement les encaissements, les litiges, les retards ", souligne Albéric Gautier. Cette transparence, rendue possible par l'architecture même des plateformes partenaires (PDP), doit permettre un meilleur pilotage de la trésorerie.
Albéric Gautier précise : " Si une facture est rejetée, aujourd'hui on le découvre parfois tardivement. Avec le nouveau système, on pourra immédiatement réagir, renvoyer une facture corrigée ou enclencher une négociation." Ce que l'expert résume ainsi : " Si nous améliorons les délais de paiement de 5, 10 ou 15 jours, c'est un impact direct sur la trésorerie. "
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