Négociation : les clés d'une soutenance réussie
"Une soutenance doit bannir toutes manigances et coups bas, pour favoriser au maximum le bien commun." C'est dire l'importance du volet relationnel! "Déjà, pour éviter que les vendeurs ne se retrouvent dans une position défensive face à un jury qui est là pour chercher la petite bête", souligne Éric Gandy: "Personne ne gagne à affaiblir outrageusement l'autre, sinon à humilier ses fournisseurs; pas plus que ces derniers ne gagnent à tromper leurs prospects. La soutenance doit être un lieu de communication ouverte, de transparence et de respect." Plus le dialogue sera interactif et de qualité, plus vous offrirez aux candidats toutes les chances d'être efficaces lors de l'oral. De quoi largement optimiser votre choix final. D'ailleurs, parmi les critères de sélection plébiscités par le jury, s'imposent, outre la capacité d'engagement et de décision de l'équipe vendeurs lors de la soutenance (citée par 7 répondants sur 10), la force de proposition et la capacité d'argumentation contradictoire du sell-side (6,75 sur 10) ou encore l'aptitude à fournir des réponses satisfaisantes lors de la session des questions-réponses (6,61 sur 10). Un dernier critère difficile à satisfaire, tant il mélange le fond de la réponse et sa forme : l'agilité mentale, la qualité d'écoute, le respect et l'expression.
Enfin, il faut bien être conscient que les bonnes pratiques et le savoir-faire en matière de soutenance commerciale ne s'enrichissent que si on les partage dans l'entreprise acheteuse.
Levier de progrès
Vous l'aurez compris, durant les deux heures de soutenance (durée prévue par 42% des répondants), tous les moyens doivent être employés pour encourager, mieux encore, faciliter, cette rencontre humaine! À commencer par un aménagement de l'espace autre que celui d'un tribunal, ou encore le choix, si possible, d'un créneau horaire "favorable" (de 10 à 12 heures ou de 14 à 16 heures). Autant de détails qui peuvent renforcer la confiance mutuelle. Et ainsi faire que chacun se sente libre d'échanger, expliquer, convaincre, solutionner, déroger, partager, questionner, s'engager... mais sans pour autant négocier le prix! Sur ce dernier point, tous les experts sont formels: pour ne pas polluer les échanges, la négociation pure et dure (au-delà du volet financier au sens large) ne doit pas être abordée durant la soutenance mais a posteriori, lors d'un deuxième rendez-vous.
C'est pourquoi une soutenance en cache souvent une autre: pour un soumissionnaire donné, 65% des entreprises se fixent la possibilité d'une seconde rencontre, avant de procéder au choix final. D'ailleurs, au vainqueur comme aux perdants, le responsable de la soutenance se contente, la plupart du temps, d'annoncer le résultat par mail ou par téléphone, d'après l'enquête. Pire, encore, l'envoi d'un courrier détaillé explicitant les raisons du choix du jury ne prévaut que dans un cas sur cinq (une fois sur trois pour les perdants)! Un manque flagrant de transparence largement regrettable, d'après les experts. "Les clients auraient tout à gagner à informer davantage les candidats des notes obtenues, de leur classement par rapport aux concurrents, de leurs points forts et points d'amélioration, etc. Car c'est dans ces conditions, seulement, que la soutenance peut constituer un levier de progrès continu", conclut Éric Gandy. Pour les vendeurs, mais aussi pour les acheteurs, qui pourraient profiter d'un tel exercice pour affiner davantage leur stratégie achats...
Témoignage
Fabien Krawczyk, directeur des achats tête de groupe, La Poste: "La soutenance s'impose comme un moment de vérité"
"Les soutenances commerciales sont de véritables moments de vérité, aussi elles ne doivent pas être organisées à la légère!", lance Fabien Krawczyk, directeur des achats tête de groupe, au sein de La Poste, qui privilégie, notamment, ces rencontres physiques pour des achats à fort enjeu. "À l'instar des prestations intellectuelles, des dossiers souvent complexes nécessitant l'organisation d'un face-à-face". Un parti adopté par l'intéressé au printemps 2014, pour une catégorie d'achats des plus stratégiques: les commissaires aux comptes ! Ce qui a suscité, en interne, le concours d'un panel d'acteurs, au-delà des achats: les prescripteurs, dont les directeurs financiers, les actionnaires de l'entreprise, autrement dit des représentants de l'État, des représentants des entités de gouvernance, etc. "Ce fut un moment d'extrême intégration du groupe où tous les services ont collaboré main dans la main pour aboutir à un véritable consensus." Au final, trois commissaires aux comptes, sélectionnés en short list, ont été auditionnés. "Pour les aider à se préparer, nous avons veillé à leur préciser toutes les consignes nécessaires quant au format de ce grand oral: composition des 22 membres du jury, modalités de présentation, points sur lesquels insister, durée des questions-réponses, etc.", détaille Fabien Krawczyk, en rappelant que la gestion du relationnel s'impose comme un critère clé de succès, " et ce, en adoptant, à chaque instant, une attitude mêlant assertivité et empathie ".
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