Négociation : les clés d'une soutenance réussie
Gare aux fournisseurs "leurres" !
Un enjeu d'autant plus essentiel que, côté vente, la préparation à la soutenance se fait bien souvent selon les habitudes individuelles des personnes concernées, "sans méthode, ni bonnes pratiques, ni réflexion sur l'événement lui-même et, surtout, au dernier moment, quand ce n'est pas trop tard", constate Éric Gandy. Pour éviter un tel scénario, l'acheteur doit faire preuve de rigueur et de transparence en communiquant aux candidats toutes les consignes nécessaires: l'ordre du jour, la durée et les conditions précises de la soutenance (partagés dans 85% des cas), le format / déroulé de l'événement - slides, démonstration, questions-réponses, négociation du prix ou pas, etc. (70% des cas), les noms et qualités des membres du jury (65%)...
Reste que bien des informations pourtant utiles à l'équipe de vente ne sont quasiment jamais communiquées, d'après l'enquête: le nom des autres fournisseurs en short list, l'ordre de passage, la grille de notation... Sans doute un moyen, pour le jury, de garder la main sur des infos stratégiques et, ainsi, ne pas trop avantager les candidats. Mais gare, toutefois, à ne pas vous mettre vos fournisseurs à dos en changeant au dernier moment les modalités d'organisation de l'événement ou le format de leur intervention! "Plus le fournisseur sera briefé correctement, plus il aura envie de se battre pour remporter la soutenance", résume Natacha Tréhan, en rappelant que le degré de motivation du candidat constitue un critère essentiel pour distinguer les fournisseurs "leurres" - certes compétents, mais pas réellement impliqués -, des fournisseurs "coeur", remplissant les deux critères.
Plusieurs indices permettent de s'assurer de la motivation de son vis-à-vis, comme, par exemple, la composition de son équipe le jour J: "En effet, la présence du directeur commercial dénotera un engagement plus bien fort de l'entreprise, que si de simples commerciaux sont dépêchés. Ce qui doit faire réfléchir les fournisseurs, en amont, quant aux personnes désignées pour aller en soutenance", analyse Patrick Chabannes, tout en rappelant la nécessité que l'équipe vendeurs soit moins nombreuse que l'équipe achats "pour éviter que le malaise s'installe en exerçant une pression sur le client". Ainsi, du point de vue des acheteurs interrogés, l'équipe soutenance "idéale" doit comporter trois à quatre personnes (pour 52% des répondants) ou même une à deux personnes (38%). A minima, elle doit être constituée du chargé du compte client et d'un représentant de la direction commerciale et, dans le meilleur des cas, du chef de projet en charge de la prestation et d'un directeur "métier" (production, R&D, qualité...).
Lever toutes les zones d'ombre
Bétonner l'organisation d'une soutenance, oui, mais encore faut-il savoir animer les échanges le jour J! "La pire des soutenances démarre par un "Monsieur, on vous écoute"", avertit Hicham Abbad Andaloussi, associé au sein de KLB, spécialiste en implémentation de projets, en rappelant que l'acheteur est loin d'avoir un strict rôle de spectateur. "Il est là pour challenger les vendeurs, en leur posant des questions-clés, plutôt qu'en s'égarant, par exemple, dans les détails de présentation de l'entreprise", renchérit Patrick Chabannes, "c'est pourquoi les soutenances réussies sont celles ayant prévu un temps assez long aux questions-réponses pour lever toutes les zones d'ombre". Quitte à confondre les fournisseurs avec des questions pièges? "Loin de là", répond Natacha Tréhan.
Témoignage
Cyril Pourrat, vice-président procurement de Saudi Telecom Company: "Nous misons sur le "one voice to supplier""
Mettre en place un processus de soutenance commerciale ultraformalisé, telle est l'une des actions phares menées en 2014 par Cyril Pourrat, vice-président procurement de Saudi Telecom Company, le leader des télécommunications en Arabie saoudite. "Lorsque j'ai intégré l'entreprise, en octobre 2013, j'ai rapidement mis en place les meilleures pratiques pour les négociations avec les fournisseurs. Jusqu'alors, nos relations avec ceux-ci étaient basées sur un rapport de force, nous étions plus dans le "marchandage"". rappelle Cyril Pourrat. Il a, par exemple, introduit des réunions régulières entre acheteurs et prescripteurs, essentielles pour optimiser la préparation des auditions achats. "Cela permet de fixer l'agenda de la réunion et, surtout, de convenir d'une tactique commune dans une logique "one voice to supplier"", indique-t-il, en rappelant que l'acheteur est souvent amené à prendre en charge le pilotage et l'animation de la soutenance. "Le déroulé de l'échange doit être très structuré, avec une répartition claire des rôles pour s'assurer d'emmener le fournisseur là où on le souhaite." Et pour bien cadrer l'intervention de chaque candidat, Cyril Pourrat a élaboré un script de négociation destiné à chaque membre du jury.
"Celui-ci met en évidence une "zone d'accord potentiel" définissant le prix, les services, les garanties et les conditions contractuelles. Bien sûr, nous y avons aussi défini, au préalable, notre objectif cible, mais également les alternatives en cas de désaccord profond avec le fournisseur."
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