Négociation : les clés d'une soutenance réussie
Parler d'une même voix
Si, côté vente, une seule équipe commerciale animée par un même objectif s'impose, côté achats, "le jury est bien plus hétérogène, étant composé d'acteurs différents de l'entreprise - acheteurs, clients internes, financiers - aux approches et sensibilités très diverses", poursuit ce dernier. Mais comment aider l'équipe cliente à parler "d'une même voix" le jour J? "Il revient à l'acheteur, responsable de l'organisation d'une telle opération, d'accorder les violons entre les parties prenantes, puisque le principe même de l'audition est d'ouvrir d'abord le débat aux différentes entités métiers de l'entreprise", indique Natacha Tréhan, responsable du master Desma (management stratégique des achats), à l'IAE de Grenoble.
Un travail d'autant plus complexe, que les acteurs conviés à la soutenance n'ont pas toujours le même niveau hiérarchique en interne, ni le même degré d'implication dans ledit projet.
Pour ce faire, une répartition des rôles entre les membres du jury - effective que dans une entreprise sur deux, seulement, d'après l'enquête - se révèle donc essentielle. "En particulier, en faisant de la fonction achats le point d'entrée numéro un via lequel transitent tous les éléments produits et partagés entre les membres du jury", commente Philippe Demangeot, directeur achats chez CNP Assurances.
À savoir, les informations sur le cahier des charges, les enjeux, les bénéfices (partagés 8 fois sur 10, selon l'étude), les informations sur le format, les conditions et règles du jeu de la soutenance (7,5 sur 10) et, enfin, la communication de l'intégralité de la réponse à l'appel d'offres faite par chaque fournisseur convoqué en soutenance (7 fois sur 10).
Document canevas
"Plus, encore, l'idéal est de disposer d'un document "canevas" pour préparer et conduire au mieux la soutenance. On le retrouve, notamment, dans les directions de la commande publique, qui systématisent cet exercice", indique Arnaud Salomon. Généralement, il s'agit d'une grille de notation commune précisant les principaux critères d'évaluation. Ce support très formalisé - élaboré par sept entreprises sur dix, d'après l'étude - doit donc prendre en compte le point de vue de chaque membre du jury. "Car, en définissant des critères partagés par tous, on aligne les attentes et objectifs des uns et des autres, favorisant ainsi la cohésion du jury et la cohérence de son discours. De quoi éviter l'apparition de désaccords lors de la soutenance, un écueil à bannir à tout prix!", alerte Natacha Tréhan.
Et pour cause: "Si des dissensions émergent le jour J, le fournisseur peut, alors, s'y engouffrer, pour déstabiliser, pire encore, affaiblir l'équipe adverse", prévient cette dernière. Un avis partagé par Philippe Demangeot : "Pour éviter des échanges déséquilibrés, le processus de soutenance doit être réglé en amont comme du papier à musique, surtout pour les appels d'offres complexes à fort enjeu. D'où la nécessité que la fonction achats joue le rôle de régulateur des communications internes et externes." En encadrant, également, au maximum les fournisseurs afin de leur offrir les meilleures conditions pour être 100% efficaces le jour de l'oral.
Témoignage
Franck Barrailler, chef du service achats de l'Inpi : "Nous organisons les soutenances en nous inspirant des méthodes éprouvées dans le privé"
La soutenance commerciale, un exercice bien connu des acheteurs de l'Inpi, Institut national de la propriété industrielle. "La structuration de telles auditions s'inscrit dans un chantier global de professionnalisation de l'acte de négociation, depuis la création, début 2014, d'un service achats au sein de notre structure", rappelle Franck Barrailler, chef du service achats de l'Inpi. Soumis au code des marchés publics, l'institut organise donc ces face-à-face au regard de la réglementation en vigueur. "Autrement dit, quand la négociation est autorisée: en cas de Mapa, marchés à procédure adaptée, ou encore de marchés de travaux, de fournitures et de services en deçà de certains seuils", développe le responsable. Côté jury, le binôme acheteur/prescripteur est toujours de rigueur "pour mieux préparer le rendez-vous en conjuguant les expertises de chacun, d'un point de vue technique comme financier". Si un ordre du jour est communiqué aux candidats afin de structurer les échanges par point fort du dossier, le responsable regrette que certains fournisseurs n'accordent pas une importance assez stratégique à ces rendez-vous. "On le voit dans leur niveau de préparation, pas toujours à la hauteur, par rapport à leur première offre écrite. Ou encore dans la composition de leurs équipes, parfois dépourvues de responsables forts d'un véritable pouvoir de décision. Dans le secteur public, les fournisseurs sont encore peu habitués à gérer des négociations ultrastructurées...", conclut Franck Barrailler.
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