Les directions achats à l'assaut du digital
Intelligence artificielle, robotisation, ... comment le digital va-t-il révolutionner les achats? Décryptage en 5 tendances avec l'étude "Procurement 4.0" du cabinet Pwc.
Je m'abonne"La roadmap digitale de demain est la digitalisation du processus stratégique des achats. La vision du purchase to pay est passée. Aujourd'hui la digitalisation est au service du métier et non pas que des approvisionneurs", souligne Isabelle Carradine, directeur en charge des activités de conseil en achats chez Pwc France et Afrique francophoneà l'occasion de la sortie de l'étude Procurement 4.0* menée par le cabinet de conseil, d'audit et d'expertise comptable Pwc. "Mais la vraie question est : comment trouve-t-on des usages métiers grâce aux nouvelles technologies?"
Seules 16% des directions achats ont une feuille de route digitale précise
Si 60% des directeurs achats déclarent vouloir mener un programme de digitalisation complet de leur fonction à horizon 5 ans, seuls 16% des directeurs interrogés déclarent avoir une vision claire et une feuille de route de cette digitalisation.
Si on s'attache à la différence de maturité digitale des directions achats en fonction des zones géographiques traitées par l'étude, on note que "les compétences achats jugées meilleures en Europe ont une mise en oeuvre du digital et des usages à plus forte valeur ajoutée qu'en Asie et aux USA. Cependant, l'Europe dépense moins que les USA en matière de grands projets de digitalisation. En revanche, les grands projets de transformation sont surtout mis en oeuvre aux USA et en Asie", détaille Isabelle Carradine, directeur en charge des activités de conseil en achats chez Pwc France.
C'est un fait, la fonction achats est entrée dans l'ère digitale. Désormais, l'intelligence artificielle, la robotisation ou l'automatisation font partie du vocabulaire et des décisions stratégiques des directions achats. Selon Pwc, les bénéfices pour la fonction achats sont nombreux : "une possibilité de rupture dans les stratégies achats, de prise de décision plus fine et de repositionnement au sein de l'entreprise". L'étude révèle 5 grandes tendances liées à cette révolution digitale au sein des directions achats.
5 grandes tendances de la révolution digitale dans les achats selon Pwc
- Le digital au service de la qualité de la donnée achat
- L'automatisation des transactions : sourcing et purchase to pay
- La robotisation pour automatiser les tâches à faible valeur ajoutée
- L'intelligence artificielle, partenaire de l'acheteur
- Le digital au service de l'analyse des processus achats
Pour une meilleure qualité de la donnée achats
Parmi les premiers objectifs identifiés comme un des avantages de la digitalisation figure celui d'une meilleure qualité de la donnée achats. Or, la mauvaise qualité des informations demeure le premier obstacle à une bonne utilisation des données d'après 43% des sondés. La fonction achats étant le pivot entre fournisseurs, prescripteurs et clients, elle détient un patrimoine de données qu'il est désormais couru de valoriser en interne mais aussi auprès de son écosystème industriel. L'objectif à long terme de la digitalisation étant l'intégration en temps réel des données de l'ensemble de la chaîne de valeur depuis le fournisseur, le distributeur jusqu'aux clients, estime Pwc.
Le digital doit être également au service de l'analyse des processus achat. Plus souvent à destination des directions de l'audit ou du contrôle interne, le process intelligence permet d'augmenter la qualité du processus achats et de mieux maîtriser les risques. Il permet d'analyser et de comprendre la cause des écarts entre les processus induits par l'usage des outils et recouvre de nombreux cas d'usage notamment pour analyser les commandes de régularisation, les modifications de prix, les causes de retard de paiement.
*L'étude Procurement 4.0 menée par PwC auprès de 500 directeurs achats dans plus de 20 pays d'Europe et d'Amérique du Nord.
Vers la digitalisation du processus stratégique des achats
"Sur les processus transactionnels (purchase to pay), les directions achats se sentent matures et veulent donc investir sur le processus plus stratégique du métier", estime Isabelle Carradine de Pwc. Mais d'une façon générale l'étude révèle une plus grande automatisation des transactions : sourcing et purchase to pay. Dans le détail, 35% des directeurs achats interrogées ont digitalisé leurs processus transactionnels et 19% ont transformé leurs processus stratégiques.
Ces solutions traditionnelles d'automatisation des processus amont et aval ont un impact très positif sur l'efficacité des transactions. Et les fonctions achats les considèrent comme la première étape à franchir avant de mettre en oeuvre des leviers digitaux plus sophistiqués et à plus forte valeur ajoutée, selon Pwc.
Enfin, la robotisation (ou Robotic Process Automation) permet d'automatiser les tâches redondantes comme la création d'un fournisseur, d'une demande d'achat, d'un appel d'offres, de l'envoi d'invitations aux fournisseurs ou d'une saisie de facture. C'est ce qu'a fait notamment un grand groupe du secteur de la construction qui utilise un robot pour sa comptabilité fournisseurs afin de réduire ses écarts de facturation après avoir remarqué des différences qui pouvaient dépasser les 90% avec des prestataires comme Loxam ou Kiloutou.
L'intelligence artificielle : l'avenir de l'acheteur digital
L'intelligence artificielle devient un véritable partenaire de l'acheteur. Une vision que partage Isabelle Carradine de Pwc qui voit en l'IA le principal levier digital du futur de l'acheteur : "l'IA est la canne de l'acheteur. L'Intelligence artificielle permet de produire des rapports écrits en langage naturel."
Les usages peuvent être nombreux mais finalement assez spécifiques à chaque secteur d'activité, voire spécifiques à des familles d'achats. On peut citer quelques usages : l'analyse de marché fournisseurs, la gestion dynamique des risques contrats, risques fournisseurs et risques RSE. Elle permet aussi d'automatiser de manière intelligente et par apprentissage des tâches de nettoyage des données fournisseurs ou articles.
Citons le cas d'un géant de l'aéronautique qui analyse ses contrats grâce à l'IA. "L'outil d'IA va vérifier dans les contrats et les systèmes d'informations que les risques ne soient pas liés à des clauses contractuelles (ex : sur les délais de paiement)", explique Isabelle Carradine de Pwc. Autre secteur, autre exemple : dans la construction, les risques liés à la sous-traitance sont nombreux. " Comment un outil d'intelligence artificielle peut scanner sur internet et dans les systèmes d'informations où sont les risques fournisseurs et quels sont les points de vigilance?", s'interroge Isabelle Carradine. De même, dans le secteur de l'énergie, un groupe qui possède beaucoup de sites industriels en Afrique a identifié un problème de gestion des stocks avec des pièces plusieurs fois répertoriées mais pas de la même façon. Ce qui a pour conséquence une multiplication des stocks inutiles. "Grâce à l'IA, le groupe a réussi à avoir une vision de ces stocks à 360° et un chiffrement de ses pièces détachées avec un objectif à terme : celui de réduire ses stocks", explique le directeur en charge des activités de conseil en achats chez Pwc France et Afrique francophone.
Et celle-ci de conclure : "Il y a une vraie réflexion sur la pré-facturation, les délais de paiement, le statut de suivi de sa facture. La pré-facture est le sujet du moment". Parmi les autres sujets en cours, certaines directions achats réfléchissent déjà à la création de chatbots dans leurs relations fournisseurs.