L'immobilier: un achat de production au service de la performance
Et si l'immobilier était un outil de production comme un autre, qui contribue à la performance de l'entreprise ? Permettant d'attirer les salariés les plus performants et de les garder. C'est en ce sens que les achats immobiliers devraient être envisagés
Je m'abonneAprès les économies, le bien-être des salariés: les priorités régissant les achats immobiliers sont en train d'évoluer. Alors que, suite à la crise des 2008, les entreprises cherchaient à faire des économies et se tournaient vers des locaux avant tout bon marché, elles sont désormais plus attentives à la qualité des produits immobiliers qu'elles achètent ou qu'elles louent. La raison : les difficultés de recrutement et le fort turnover auxquelles elles sont soumises. "Dans l'immobilier, on pensait assez peu à l'occupant. C'était avant tout les prestations les moins chères possibles qui étaient recherchées. Jusqu'à ce qu'on se rende compte que dans l'équation d'attractivité, la dimension bien-être était importante : nous sommes passés d'une industrie B to B à une industrie B to C", approuve Laurent Dequéant, directeur associé du cabinet Oresys.
En effet, les profils qualifiés, notamment dans l'informatique, sont de plus en plus difficiles à trouver... et à garder ! D'après une étude de Pôle Emploi et du Credoc, 44,4 % des recrutements sont jugés "difficiles" par les entreprises et ceci principalement en raison d'une pénurie de candidats (83 %). Quant au turnover, 48 % des salariés français seraient prêts à changer d'entreprise : 15 % recherchent activement un nouveau poste et 33 % considèreraient favorablement une proposition (étude Evolution of Work 2.0 2018, publiée par ADP Research Institute). Du côté de la jeune génération, cette envie d'ailleurs est encore plus présente : 48 % des Millenials seraient prêts à quitter leur job (Cegos - 2017).
Dans ces conditions, tout doit être mis en oeuvre pour séduire les candidats à l'embauche et faire en sorte que les salariés restent le plus longtemps possible dans l'entreprise. Or, les locaux font partie des éléments qui permettent de faire progresser la "marque employeur" : une étude de la plateforme d'emploi Meteojob (mai 2018) révèle que 64 % des candidats postulent en raison de la localisation (deuxième raison, après le contenu du poste) et que 53 % attachent de l'importance à la découverte des locaux lors du processus de recrutement (troisième attente derrière le contenu de la mission et l'ambiance).
Et les salariés contents de leurs locaux seraient plus engagés : une étude de JLL (octobre 2017) révèle que 38 % des collaborateurs satisfaits de l'outil de travail mis à leur disposition se disent "très engagés". Ingrid Nappi-Choulet, professeure-titulaire de la chaire Immobilier et Développement Durable de l'ESSEC rapporte par ailleurs que plusieurs études ont démontré que des employés satisfaits de leurs espaces de travail sont plus productifs. Il ne s'agit donc plus de parquer ses employés dans une tour sans âme à plus de 45 minutes de chez eux, mais de leur offrir des locaux agréables, situés à proximité des moyens de transport et dans un quartier vivant. C'est en partant de ces critères, ceux des employés, que les achats immobiliers doivent se décider.
"Le poste de travail n'est plus seulement un poste de dépense des entreprises, mais devient a contrario une partie importante de leurs stratégies. De plus en plus, les entreprises vont investir pour créer des espaces de travail dans lesquels leurs employés aiment travailler", résume Ingrid Nappi-Choulet.
Matières nobles et services de qualité
Quelles qualités un bâtiment doit-il réunir pour assurer le bien-être de ses salariés ? Premier élément essentiel : la localisation. Comme le souligne Ludovic Delaisse, directeur de l'agence immobilière France de Cushman & Wakefield, "le premier élément à prendre en compte en termes d'achat immobilier est l'emplacement, le deuxième élément est l'emplacement et le troisième élément est l'emplacement". Un immeuble bien situé est avant tout proche des transports, mais aussi des commodités. "Les salariés apprécient de pouvoir sortir de leur bureau pour faire une course, boire un café et ensuite revenir travailler", constate Magali Marton, qui dirige la recherche chez Cushman & Wakefield. Les entreprises reviennent donc dans les centres-villes : l'exemple le plus parlant est celui de Nestlé France qui va quitter Noisiel (77) pour la Porte de Versailles. "La proportion de transactions dans Paris intra-muros est importante, de l'ordre de 45 %", rapporte Ludovic Delaisse. Pour répondre à cette forte demande, de nouveaux quartiers s'ouvrent à l'immobilier d'entreprise, comme le XVIIIe , le XIXe et le XXe arrondissement.
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Le "flex-office": oui, mais...
Pour apporter bien-être aux salariés, l'aménagement est également primordial. Après la mode de l'open-space, c'est aujourd'hui le "flex-office" qui est tendance. Cette nouvelle forme d'aménagement propose des espaces individuels et collaboratifs que les salariés occupent en fonction de leurs besoins. Plus de bureau attitré, mais des casiers où ranger ses affaires, de grandes tables où s'installer pour travailler seul ou à plusieurs et des espaces de réunions pour échanger de manière formelle ou informelle. Une tendance qui répondrait aux attentes de la génération Y. "Les nouvelles générations viennent au bureau pour travailler avec d'autres personnes. Les locaux doivent donc être des espaces de partage. Sinon, l'employé est tout aussi bien chez lui ou dans un espace de co-working pas loin de sa maison", pointe Laurent Dequéant. Le flex-office proposerait donc avant tout des espaces collaboratifs et offrirait en contrepartie aux employés de rester à la maison lorsqu'ils ont besoin d'être seuls. De quoi permettre de répondre à de nouveaux besoins, de favoriser les échanges, mais aussi de gagner des mètres carrés.
Faut-il pour autant céder aux sirènes de cette nouvelle mode ? "Il faut éviter de tomber dans des recettes toute faites et adapter l'outil immobilier à l'évolution des modes de travail dans son entreprise", avertit Roman Coste. Olivier Neuman, associé Parella, invite lui aussi à la plus grande prudence : "Il faut prendre en compte les différents métiers et leurs modes de fonctionnement pour en obtenir les effets escomptés". Surtout, il faut se demander si ces nouveaux aménagements améliorent le bien-être des salariés. Et ce n'est pas toujours le cas : le fait de ne pas posséder leur propre bureau frustre un grand nombre d'employés. "Le flex-office consiste souvent uniquement à étudier le taux d'occupation des postes de travail afin de réduire leur nombre et de les faire partager. Mais rien de plus n'est proposé. Cela aboutit à la situation suivante : les gens arrivent plus tôt pour avoir la meilleure place et ne plus la quitter de la journée. Ce n'est pas flexible du tout", observe Han Paemen, directrice workplace de Colliers International France.
Plutôt que le flex-office, elle milite pour le NWoW (New Ways of Working). "C'est plus qu'un nouvel aménagement. Il s'agit d'une nouvelle culture d'entreprise qui offre davantage d'autonomie aux salariés : ils gèrent eux-mêmes leur temps et leur espace. D'où l'aménagement de l'environnement par activités, afin de permettre aux personnes de réaliser leurs tâches dans des espaces adaptés : espaces ouverts et collaboratifs, mais aussi espaces fermés et silencieux", décrit-elle. Ces nouveaux aménagements doivent donc s'accompagner d'une nouvelle façon de manager, plus bienveillante. Et ne doivent pas être uniquement vus comme une façon de réduire les coûts immobiliers, au risque d'un échec. "Avec le NWoW, on ne recherche pas en point d'entrée à faire des économies sur l'immobilier en réduisant le nombre de postes, comme c'est souvent le cas pour le flex-office. On fait au contraire des investissements dans l'immobilier pour améliorer le rendement des salaires : en améliorant l'engagement des salariés et en ayant moins de turnover, on améliore la performance", pointe Han Paemen.
Donc à moins d'être prêt à un véritable changement de culture, les aménagements "flex" doivent être mis de côté. "Le flex-office répondait à un objectif d'économie qui n'a plus cours aujourd'hui. Les entreprises cherchent plutôt à instaurer un sentiment de bien-être pour développer les compétences des salariés en créant des espaces agréables qui favorisent les échanges", observe Ludovic Delaisse.
Travailler main dans la main avec les ressources humaines
Il ne faut en effet pas pour autant laisser de côté la bonne idée de créer davantage d'espaces de rencontre, les salles de réunions étant souvent insuffisantes et mal adaptées aux usages. Mais ne pas pour autant renoncer aux postes de travail individuels auxquels les collaborateurs sont attachés. "La configuration de l'espace de travail en flex-office est supposée favoriser l'interaction et la collaboration entre les employés. Mais le fait d'arriver au travail et ne pas avoir un bureau attitré peut inciter une partie significative des employés à faire de plus en plus de télétravail. Ce qui pourrait réduire les interactions face-à-face entre les employés", avertit Ingrid Nappi-Choulet.
C'est donc en écoutant et observant ses salariés que les bâtiments les plus performants peuvent être construits. "Il faut réfléchir à un parcours collaborateurs, comme on réfléchit à un parcours client dans les magasins", estime Patrick Pelloquin. Ce qui veut dire que la direction des achats et la direction immobilier ne doivent plus travailler seules dans leur coin, mais s'adjoindre l'aide des ressources humaines, et aussi de la direction générale et du management."Il est parfois difficile pour les directeurs immobilier de ne plus être les seuls maîtres à bord. Mais leur rôle est plus important : ils contribuent plus fortement à la stratégie de l'entreprise", relève Han Paemen.
La contribution des ressources humaines est d'autant plus importante que l'outil immobilier devient un outil de recrutement et de motivation.
"La direction des ressources humaines est de plus en plus impliquée dans les achats immobiliers car l'immobilier est au service des employés", observe Roman Coste. Et l'avènement des nouvelles technologies dans les bâtiments doit aussi pousser les achats à faire contribuer la DSI. Pour choisir des outils appropriés, sécurisés et non pas suivre la dernière mode. Finalement, l'immobilier devient un sujet stratégique qui implique l'ensemble des acteurs de l'entreprise.
Lire la suite en page 4 : Témoignage - Capgemini mise sur un nouveau site - Vers le building as a service
Au-delà de l'emplacement, comment assurer le bien-être de ses salariés ? "Les couleurs, les matériaux et les aménagements choisis doivent être agréables afin que les salariés se sentent comme à la maison", indique Loïc Daniel, directeur général délégué Grand Paris Nexity Immobilier d'entreprise. Stop, donc, au baby-foot trônant au milieu de la cafétéria pour se donner un air de start-up. Finis les canapés rouges bon marché qui font soi-disant modernes. Et place aux miroirs, tapis et mobiliers en bois brut et en cuir. Patrick Pelloquin, associé Parella, encourage à adopter plusieurs lignes de mobilier, pour convenir à des goûts variés. Loïc Daniel invite quant à lui à ne pas investir trop lourdement dans les aménagements afin de pouvoir changer plus souvent. "La diversité et le renouvellement des aménagements contribuent au bien-être", note-t-il. Et au lieu du simple baby-foot qui donne un fausse sensation de convivialité, pourquoi ne pas offrir de véritables moments de détente comme des cours de gym ou de yoga ? Car les salariés sont en attente de services de qualité. Conciergerie, pressing, crèches mais aussi restauration de qualité, salles de sport, etc. Tout doit être fait pour que les employés aient envie de venir au bureau et d'y rester.
Bien sûr, l'aspect nouvelles technologies ne doit pas être mis de côté : le réseau de l'immeuble doit être irréprochable et les connectiques bien présentes dans les meubles pour travailler facilement depuis n'importe quel endroit de l'entreprise. Surtout, si de nouveaux outils sont adoptés, ils doivent être utiles. "Les nouvelles technologies peuvent offrir de nouveaux services aux employés comme la commande de repas ou des renseignements sur le temps d'attente au restaurant d'entreprise", renseigne Roman Coste, directeur associé de Kardham. On peut également imaginer pouvoir réserver une salle grâce à son smartphone. "Le bâtiment va devenir une plateforme de services comme le smartphone avec les applis", imagine Patrick Nossent, président de Certivéa.
Ingrid Nappi-Choulet donne l'exemple de la tour The Edge à Amsterdam : "À travers ses 28 000 capteurs, le bâtiment reconnaît les plaques d'immatriculation de ses occupants pour leur allouer une place de stationnement à leur arrivée au parking. Grâce à une application, en arrivant au bureau, les employés ont un espace de travail attribué en fonction de leurs emplois du temps et leurs activités prévues dans la journée", décrit-elle. Cependant, Frédéric Miquel, directeur associé Kardham, appelle à la plus grande prudence en termes de nouvelles technologies :
"Faut-il investir des sommes importantes dans des équipements terminaux tonitruants qui deviendront rapidement obsolètes ? L'enjeu se situe sans doute plutôt dans la qualité de l'infrastructure technique et de l'operating system du bâtiment."
La RSE, pour apporter bien-être et valeurs
Pour assurer le bien-être des salariés, les entreprises peuvent également se tourner du côté de la RSE. "Le sujet RSE est souvent pris à l'envers. En effet, les certifications ne s'intéressent qu'à la construction et non à des sujets comme la biodiversité ou la qualité de l'air qui pourraient intéresser les utilisateurs", déplore Magali Marton. Effectivement, la biodiversité pourrait apporter de la fraîcheur aux bâtiments (toits végétalisés), la qualité de l'air permet d'avoir des salariés en meilleure santé. À cela s'ajoutent des sujets comme la luminosité, la qualité auditive. L'achat immobilier ne doit pas passer à côté de ces considérations. "Le bien-être des salariés devient un argument important de la politique RSE des entreprises", pense Frédéric Miquel. Il rapporte l'existence de labels, notamment anglo-saxons, qui s'intéressent non pas uniquement à la construction, comme le HQE, mais également au bien-être des salariés. En France, Certivéa a lancé le label Osmoz qui s'intéresse à la qualité de vie des collaborateurs et aux performances des organisations. "Il repose sur trois leviers : le bâti, l'aménagement intérieur et l'animation des lieux", précise Patrick Nossent. Sans aller jusqu'à obtenir le label, s'y intéresser permet de découvrir des pistes pour accéder à une meilleure qualité de vie au travail. D'autant plus qu'un diagnostic gratuit est disponible en ligne.
Un bâtiment plus durable permet aussi de rendre les salariés fiers de travailler pour leur entreprise. Selon une étude menée par Deloitte et Viadeo (novembre 2017), un salarié sur deux a choisi son métier pour répondre à une quête de sens. Or, pour 33 % des salariés, une politique sociale et environnementale forte de leur entreprise permet de donner du sens à leur travail (étude Monster - 2017).
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Témoignage
Capgemini mise sur un nouveau site
En avril 2019, Capgemini France réunira ses six sites parisiens dans un seul et même bâtiment, à Issy-les-Moulineaux (92).
"Ce n'est pas qu'une opération immobilière, insiste Jean-Baptiste Billy, directeur de programmes immobiliers chez Capgemini. L'objectif est avant tout de réunir les équipes pour les faire travailler ensemble, mais aussi de proposer à l'ensemble de nos collaborateurs une offre immobilière plus homogène afin qu'ils disposent d'un outil de travail au même niveau de modernité et d'innovation". Une innovation qui s'est focalisée sur l'aménagement des espaces. "Nous avons opté pour une gestion dynamique des espaces : les dirigeants n'ont plus de bureau individuel, de grandes tables occupent les bureaux pour travailler seul ou à plusieurs, il existe de nombreux espaces de détente, des salles de réunion confortables pour 3/4 personnes, des salles de réunion "business" pour 20 personnes, un espace de réunion accessible dès l'accueil, des cabines de téléphone, une terrasse de 800 m² avec une vue magnifique..., énumère Jean-Baptiste Billy. Nous allons chercher très bas dans la granularité de l'offre fonctionnelle afin que les collaborateurs trouvent une réponse à leurs besoins."
Construire les différents espaces
Une campagne d'observation de l'occupation des sites a été menée, "Une personne passe six fois par jour dans les différents bureaux et salles de réunion pour constater l'usage des postes de travail, décrit Jean-Baptiste Billy. Cela permet de réaliser une analyse très fine des besoins." Par ailleurs, des collaborateurs ont été interviewés, notamment les managers opérationnels qui ont évolué au sein de l'entreprise et ont connu différents postes. Enfin les instances représentatives du personnel ont également été consultées. "Avant la mise en place d'un projet immobilier, il faut une longue phase de préparation : si les fondations sont mauvaises, le projet ne tiendra pas", pointe Jean-Baptiste Billy.
Conduite du changement
C'est pourquoi une phase de conduite du changement a débuté dès la rentrée. "Ces nouveaux espaces, avant d'être de l'aménagement, sont du management. Les modes de travail doivent évoluer", souligne Jean-Baptiste Billy. Par exemple, le manager doit apprendre à la fois à être constamment avec ses équipes, mais à ne pas savoir tout le temps où elles se trouvent. Et chacun doit assimiler quelques règles : ranger ses affaires le soir ou quand son absence dépasse 3 heures car il n'existe plus de place attitrée, s'isoler pour passer ses appels téléphoniques... "La conduite du changement peut être longue. Il faut que le top management et surtout les managers opérationnels soient convaincus, car ce seront eux qui porteront le projet et sa réussite", pense Jean-Baptiste Billy.
Pour cela, la direction des programmes immobiliers travaille main dans la main avec la direction des ressources humaines, les instances représentatives du personnel et les managers. Si les salariés vont devoir s'adapter, les bénéfices apportés par le nouveau bâtiment devraient les combler. Car en plus des nouveaux aménagements qui, une fois appropriés, devraient permettre de mieux travailler, le nouveau site de Capgemini va offrir une véritable qualité acoustique. Et de nombreux services aux occupants. "Au-delà de la conciergerie, les salariés auront accès à cinq offres de restauration très diverses allant de la sandwicherie au restaurant en passant par la brasserie, à une salle de sport, un village détente, etc.", détaille Jean-Baptiste Billy. Des aménagements qui ont un coût. Mais dont Capgemini espère des retombées en termes de performance des équipes, d'image auprès des collaborateurs du monde entier et des clients, mais aussi et surtout en termes de recrutement. "Le secteur informatique est tendu ; nous souhaitons donc offrir des espaces pour mieux attirer et retenir les talents", rapporte Jean-Baptiste Billy.
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Vers le "building as a service"
"L'enjeu d'une entreprise est d'être adaptable. Le directeur immobilier doit donc relever le défi de la flexibilité et permettre de changer facilement d'outil", analyse Roman Coste, directeur associé de Kardham. La tendance n'est donc plus à l'achat, mais à la location.
"Les utilisateurs d'immobilier d'entreprise sont à 90 % locataires en région parisienne. En région, où plus de petites surfaces existent à la vente, la structure est plus 60 % de locataires et 40 % de propriétaires", rapporte Magali Marton, qui dirige la recherche chez Cushman & Wakefield. Au-delà du manque de flexibilité de l'acquisition, la raison de recourir à la location est également financière, l'immobilier d'entreprise étant très cher. Notamment en région parisienne : de l'ordre de 10 000 euros le m² à Paris intra-muros, d'après Cushman & Wakefield. "L'immobilier est très coûteux et par nature immobile. Or, quelle entreprise sait quels seront ses besoins dans 10 ans ?", questionne Frédéric Miquel, directeur associé Kardham.
Laurent Dequéant, directeur associé du cabinet Oresys, trouve d'ailleurs que même la location pourrait se montrer plus flexible et sortir du schéma 3/6/9 des baux commerciaux. L'immobilier est donc confié aux prestataires. C'est l'ère du "Building as a service": comme les photocopieurs ou les véhicules, on loue son immeuble et les services associés. Les espaces de co-working poussent la logique jusqu'au bout. "Ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ils proposent tous les services associés comme Internet et le ménage", décrit Christian Grellier, directeur R&D et open innovation de Bouygues Immobilier. "Surtout, comme pour les logiciels cloud, on est facturé à l'utilisation. La consommation des espaces de travail est ajustée aux besoins en temps réel : on ne paye que ce que l'on a consommé", résume Frédéric Miquel. Olivier Neuman, associé Parella, pense cependant que les espaces de co-working ne sont pas très intéressants d'un point de vue financier : "Le co-working est intéressant pour gérer les pics d'activité, notamment lors d'un projet. En revanche, dès l'atteinte d'une certaine taille d'équipe, cela peut s'avérer coûteux ; de plus cela ne renforce pas le sentiment d'appartenance à l'entreprise".
Et en termes d'aménagement, également, on recherche des solutions pouvant facilement se faire et se défaire. Car, en effet, qui sait de quoi demain sera fait ? De combien de salariés l'entreprise disposera ? Quelle sera leur manière de travailler ? Loïc Daniel, directeur général délégué Grand Paris Nexity Immobilier d'entreprise, invite à flexibiliser les usages. "Le restaurant d'entreprise peut par exemple être transformé en espace de travail en-dehors de heures de repas, l'auditorium partagé avec d'autres entreprises pour en mutualiser le coût..., énumère-t-il. Les espaces doivent être hybrides, moins mono-usage et pouvoir être transformés rapidement". Chez Bouygues Immobilier, on va plus loin : les immeubles sont conçus dès leur origine pour être facilement transformés. "Nous contruisions des bureaux "réversibles" qui peuvent être facilement transformés en logements si nécessaire", décrit Christian Grellier.