Améliorer sa performance achats grâce à une approche redesign to cost
Les directions achats ont tout intérêt à appliquer une stratégie de (re)design to cost - ou conception à prix objectif - pour diminuer les coûts de leurs produits ou services, tout en optimisant la valeur perçue de ceux-ci. Explications.
Je m'abonneMais pourquoi activer une approche VA/VE* (organisation du travail par produit ou par fonction) dans son secteur d'activité ? Pour les acheteurs, il s'agit de dépenser mieux, tout en optimisant la valeur perçue d'un produit ou d'un service. Dans les cosmétiques, par exemple, la démarche de redesign to cost permet de rationaliser le panel fournisseurs par technologie - ex : métal, plastique, carton, etc. -, de standardiser les produits ou, encore, d'augmenter le chiffre d'affaires par présentoir par un accroissement du nombre d'articles exposés sur celui-ci, notamment.
"Plus l'entreprise travaille en amont de la conception, plus il sera possible pour elle d'optimiser les coûts, explique Laurent Guerry, partner chez Olivier Wyman et animateur de la conférence d'EBG, organisée le mardi 7 octobre, afin d'aider les directions achats à tirer parti d'une stratégie de (re)design to cost - ou conception à prix objectif. L'enjeu est ainsi de passer d'une stratégie de redesign to cost (retravailler son offre, NDLR) à celle du design to cost (travailler en amont de la conception, NDLR)." Un processus qui demande de la maturité ou un plan d'entreprise bien défini, comme en ont témoigné quelques directeurs achats.
Dépenser mieux, sans rogner sur la qualité
"L'entreprise SEB a toujours mené une politique d'analyse de la valeur : c'est dans les gènes de l'entreprise", a précisé Hervé Montaigu, directeur achats du Groupe. Il y a deux ans, nous avons lancé un PCO, un programme de diminution des coûts de nos produits : une trentaine de pilotes de projets, issus des fonctions achats et marketing, ont travaillé sur des produits récents, parfois conçus trop vite, ou sur des équipements à forte valeur ajoutée, comme des centrales vapeur." Objectif : diminuer de 10% le prix de revient de nos produits. Avec cet effet simultané appréciable : créer de nouveaux modèles pour le marché des pays émergents. A l'instar de la friteuse Actifry, sur laquelle ont oeuvré, selon la méthode marathon - deux jours de brainstorming intensif pour proposer des solutions diminuant les coûts - des collaborateurs du marketing, des achats, ou, encore, de la qualité. Résultat : "Nous avons créé une nouvelle friteuse entrée de gamme, sans le couvercle transparent qui la caractérise, à destination des pays émergents, et un modèle haut-de gamme avec un moteur plus performant", a expliqué le directeur achats.
Optimiser les coûts en collaboration avec les fournisseurs
Travailler main dans la main avec ses fournisseurs concourt également à l'optimisation des dépenses. "Les ingénieurs conçoivent, et se posent la question des coûts après, sourit Jean-Cyprien Basse, directeur du Procurement Engineering d'Orange. Au sein de notre société, la réduction des coûts a été initiée sur le customer equipement : sur les box, en particulier, car l'entreprise bénéficie sur ces produits d'un réel pouvoir d'amélioration en relation étroite avec les fournisseurs", explique-t-il. "Avant d'être étendu à d'autres services des télécoms, le software et le réseau, notamment." La diminution des dépenses d'exploitation (OPEX) est ainsi particulièrement ciblée pour la réduction des coûts. Le process : évaluation quantitative ; calcul des coûts et d'un target price pour faciliter les négociations avec les fournisseurs ou, encore, optimisation des spécifications. "Nous avons obtenu un succès franc sur la renégociation d'un gros contrat de support sur le réseau, avec une diminution de 35% de la facture", se réjouit le directeur du Procurement Engineering.
Du côté de la Fnac, "le plan de performance 2015 initié par l'entreprise a permis de mobiliser les collaborateurs autour de la démarche de VA/VE", reconnaît Benoit Mainguy, directeur des Achats et du Plan de Performance de la chaîne de magasins français. L'action a été menée sur plusieurs fronts. Du côté de la sécurité, l'entreprise ambitionnait de réduire de 15% le coût du gardiennage. Pari réussi, grâce à une analyse détaillée des "zones de malveillance" et à un renforcement de la sécurité à des moments clés : fin d'année, weekend et soirée.
Pour améliorer la qualité de la livraison des produits commandés via le site Internet de la Fnac, tout en diminuant les coûts, "des binômes achats-logistique ont été constitués, explique le directeur Achats. Nous avons finalement retenu la solution proposée par notre fournisseur : une livraison interactive, afin que le client puisse valider sa présence au moment de la remise de la commande". Une démarche gagnante pour la Fnac, ses fournisseurs... mais, aussi, le client.
Mais le redesign to cost a ses limites. "Le redesign to cost n'est pas toujours payant, avoue Hervé Montaigu, notamment quand le produit a une durée de vie assez courte et qu'il n'est pas possible d'amortir les coûts de production dans ce laps de temps." Néanmoins, "lorsque l'opérationnel et les achats travaillent en cohésion, cela fonctionne", se veut optimiste Jean-Cyprien Basse. "La stratégie de changement repose sur l'humain, confirme Benoît Mainguy. L'enjeu est de réussir à créer un effet d'entraînement".