DossierAcheter français, mythe ou réalité ?
8 - La France, école d'excellence de l'innovation
"L'avantage d'acheter français réside dans l'innovation" Guy Elien de Clarans Consulting
" En résumé, pour des achats simples, les pays à bas coût font la différence. Pour des achats techniquement développés, il existe également un avantage concurrentiel français mais pas sur l'ensemble de la chaîne de valeur. L'avantage d'acheter français réside dans l'innovation", analyse Guy Elien de Clarans Consulting.
Pour appuyer ce propos, Nicolas Kourim prend l'exemple des États-Unis, " où le modèle économique en place depuis dix, quinze ans ne met plus le coût du produit comme prioritaire ".
Il explique : " Le produit de masse n'est plus d'actualité en raison de la volatilité du consommateur. Pour apporter de nouveaux services, il faut miser sur un cycle d'innovation pour restructurer la chaîne de valeur. Au final, c'est l'avantage concurrentiel de l'innovation qui ramène vers une expertise de proximité ". Pour ce faire, il alerte sur " le besoin d'investir d'urgence dans le développement de l'innovation en France ".
Chez le fleuron français de l'aérospatiale, " l'innovation et la qualité des produits et prestations sont des facteurs de succès qui permettent à des entreprises françaises de contribuer aux objectifs de performance des produits d'EADS/Airbus ", explique Albert Varenne, directeur de la stratégie et de la gouvernance des achats d'Airbus.
Aujourd'hui, l'entreprise est reconnue pour sa politique d'achats hexagonale. Actuellement, 50 % des sous-traitants d'Airbus sont en France.
À l'inverse, Boeing ne confie que 10 % de ses achats à des sous-traitants nord-américains. " La France arrive au premier rang des pays bénéficiaires de la politique d'achats d'EADS/Airbus et ce volume est en constante croissance. " L'entreprise accompagne certains de ses fournisseurs hexagonaux sur les marchés émergents " et leur ouvre des opportunités de développement à l'export ".
Travailler comme EADS/Airbus avec des fournisseurs locaux requiert une politique de sourcing précise et exhaustive. Cependant, avant de se projeter sur le développement nécessaire des TPE-PME, les acheteurs doivent s'attacher à réduire leurs délais de paiement pour éviter de bloquer la trésorerie des PME. Un retard qui engendre un trou de 11 à 12 milliards d'euros dans les caisses des PME.
Or, un quart des défaillances des PME sont imputées à la trésorerie. Les acheteurs ne scient-ils pas la branche sur laquelle ils sont assis ?
"Il faut tout miser sur l'innovation. L'effet "made in France" ne vient qu'en second"
Changement d'image des acheteurs
Si de nombreux éléments peuvent plaider en faveur d'une politique d'achats français, les acheteurs doivent eux-mêmes de leur côté fournir certains efforts. Mais leur rôle stratégique au sein de l'entreprise doit être mis en évidence afin que la volonté politique actuelle du ministre du Redressement productif prenne tout son sens.
" Tant que les directions générales et les directions administratives et financières perçoivent les acheteurs uniquement comme des pourvoyeurs de gains, ces derniers ne pourront pas faire du made in France ", prévient Léandra Muller-Segard. " L'acheteur doit être mis en valeur et apparaître comme le garde-fou du risque ". C'est là " un levier essentiel pour aller vers des achats plus locaux ".