DossierDe l'acheteur au leader for extended development (LED)
Après avoir asséché ses marchés fournisseurs en ayant réduit le nombre d'intervenants de premier rang pour être mieux servi avec un TCO moindre, l'acheteur doit contribuer à la renaissance économique durable de son écosystème, et pas uniquement à l'amélioration des marges de son entreprise.

Sommaire
- Au commencement...
- LCC et TCO, un mariage détonant...
- Développer un écosystème durable
- Pour vous aider...
- 1. Cartographier les besoins à l'échelle de l'écosystème global
- 2. Rechercher des partenaires et des technologies
- 3. Comprendre l'avenir de la chaîne de valeur dans sa globalité
- 4. Anticiper
- 5. Apprivoiser le changement
- Pour en savoir plus...
1 Au commencement...
- En 1976, l'auteur (Bernard Gracia, NDLR) créait avec Jean Grandy le MAI (Institut du management de l'achat industriel) de Bordeaux.
Les premières formations achats en France n'avaient pas pour objectif d'apprendre à acheter moins cher, mais d'apprendre à consommer moins, d'utiliser moins de matières (design to cost, analyse des risques, couvertures à termes...). Ce sont sans doute les causes de l'exception de la culture achats en France comparée au reste du monde...
- En 1990, l'EIPM (European institute of purchasing management) est créé.
À l'époque, les entreprises européennes, dans le sillage des consolidations stratégiques en cours (Renault-Volvo, Aérospatiale et ses débuts européens, etc.), commencent à penser à une politique d'achats commune au niveau européen. Il ne s'agissait plus uniquement de consommer moins, mais d'avoir une vraie culture achats commune aux différentes branches européennes, afin de diminuer les coûts en consolidant les achats.
L'auteur
Titulaire d'un MBA de l'Université du Texas (Austin), Bernard Gracia a dirigé le MAI (Institut du management de l'achat industriel) de Bordeaux dans les années quatre-vingt.
En 1990, il a rassemblé des entreprises telles qu'Alcatel, Nokia, Philips et Renault pour fonder the European institute of purchasing management (EIPM). Directeur de l'EIPM, il a lancé le premier programme de MBA spécialisé en stratégies achats en Europe.
La crise des matières premières de 1973 obligeait l'industrie française à consommer moins pour ne pas impacter les prix par des hausses !
2 LCC et TCO, un mariage détonant...
Ces différentes étapes ont conduit aussi à des consolidations des marchés, tant sur le plan géographique que sectoriel. Le monde rétrécit, travaillant 24 h / 24, 365 jours par an, avec beaucoup moins d'intervenants.
Les achats ont voulu avoir moins de prestataires de premier rang pour être mieux servis, avec un TCO moindre, en diminuant les coûts administratifs.
En adoptant de telles pratiques "à la mode", les achats ont souvent asséché les marchés fournisseurs, ce qui les conduit aujourd'hui à essayer de recréer des sources. Cette rareté fait que, désormais, la concurrence s'exerce à plein entre les supply chains, avec des goulots d'étranglement parfois au deuxième ou au troisième niveau.
En analysant cette brève histoire, il me semble important de dire qu'en 30 ans, les achats n'ont pas vraiment fait de révolution. Pour prendre une image gasconne, on ne laboure pas plus profond, on laboure plus de champs !
Si on utilise aujourd'hui les mêmes techniques qu'il y a 30 ans, on a sans doute, à l'heure actuelle, plus d'entreprises sensibilisées à l'impact stratégique de ces méthodes.
Depuis 2000, l'EIPM a développé ses filiales dans le monde pour suivre ses clients qui n'achètent plus uniquement en Europe pour produire globalement. Il s'agissait de payer moins cher (LCC) et de mieux servir la stratégie d'expansion commerciale de l'entreprise à travers le monde.
Comment doit évoluer cette fonction ?
En effet, dans ce monde global et étroit, l'acheteur devient l'interface entre les business partners internes (qui ne doivent plus être considérés comme les clients internes) et les business partners externes (qui sont plus que des fournisseurs).
Il va assurer l'intégration entre l'interne et l'externe afin de contribuer à de la création de valeur. Il va ainsi devenir un LED (leader for extended development). Son rôle en tant qu'interface sera d'aligner les stratégies achats sur les stratégies de l'entreprise. Ainsi, l'acheteur recherchera des innovations pour soutenir la stratégie de différenciation de l'entreprise. Il permettra de vendre mieux, donc de contribuer aux profits.
Il recherchera du prix et de la capacité pour soutenir la stratégie de parts de marchés de l'entreprise. Pour contribuer à la création de valeur, le LED doit s'appuyer sur quelques business partners externes et se faire reconnaître par eux comme le client à privilégier, auquel on attribuera en priorité la technologie ou la capacité ! Pour développer cette relation, le LED doit être :
- un commercial capable de vendre l'entreprise et non plus uniquement un spécialiste technique qui achète ;
- un leader d'équipe étendue et transverse et non plus simplement un manager ;
- un entrepreneur qui ose prendre des risques tout en les maîtrisant ;
- un communicant pour convaincre les différents partenaires et pas uniquement pour négocier.
Ces compétences sont nécessaires pour soutenir le développement des nouvelles relations fournisseurs. Elles ont par ailleurs évolué de façon assez nette par rapport à celles qui étaient recherchées pour les premières promotions des troisièmes cycles achats en 1976. Il s'agissait alors d'amener du potentiel de connaissance aux achats.
Les achats avaient alors essentiellement besoin de reconnaissance en attirant de nouveaux talents...
Aujourd'hui, l'acheteur n'a plus simplement à acheter un service, un produit, une solution, il doit acheter une relation fournisseurs.
3 Développer un écosystème durable
Le LED peut contribuer à une renaissance économique durable de son écosystème et pas uniquement à une amélioration des marges de son entreprise.
En effet, comme cela a déjà débuté aux États-Unis, l'acheteur va avoir un rôle sociétal en rapatriant dans son écosystème de proximité le business qu'il avait précédemment déporté dans des zones à bas coûts. En rapatriant ainsi localement ces achats, pas nécessairement pour un prix moindre mais pour une plus grande valeur pour l'entreprise (ces fournisseurs peuvent être aussi des clients), le LED permet à des secteurs industriels ou de services de se redéployer et de renaître !
Ce sont ces valeurs humaines, éthiques, sociétales, d'humilité et de justice qui vont permettre au LED d'être reconnu dans son écosystème (interne, externe) afin de pouvoir créer ensemble cette valeur.
Le développement d'un écosystème durable ne peut passer que par un partage des mêmes valeurs entre ses différents membres que sont les partenaires internes et externes. La création de la valeur repose bien sur un partage de valeurs communes.
Ceci nous fait dire à l'EIPM que demain, la devise des achats et du LED sera "des valeurs pour de la valeur".
Aujourd'hui, les compétences attendues changent car le rôle de l'acheteur évolue. Celui-ci participe au développement durable de son entreprise et se voit, désormais, impliqué dans les responsabilités sociétales appliquées à la profession.
4 Pour vous aider...
5 1. Cartographier les besoins à l'échelle de l'écosystème global
Les acheteurs doivent challenger les besoins de leurs partenaires de proximité régulièrement et les conseiller sur les implications de leurs décisions.
Ils doivent aussi écouter les réclamations de leurs partenaires, car éliminer ces réclamations est une bonne façon de créer de la valeur et de renforcer la confiance que ces derniers placent en eux.
Pour opérer un changement radical, les acheteurs doivent prendre en compte leur écosystème global et développer une meilleure compréhension de la valeur qu'ils peuvent apporter aux utilisateurs finals, aux intermédiaires et instances réglementaires, ainsi qu'aux autres décideurs.
6 2. Rechercher des partenaires et des technologies
Quand les acheteurs étudient les marchés fournisseurs, ils ont tendance à faire attention aux principaux concurrents et aux nouveaux entrants.
Introduire des changements radicaux demande une compréhension approfondie de ces marchés et des alternatives aux business models existants.
7 3. Comprendre l'avenir de la chaîne de valeur dans sa globalité
Quand ils partent en chasse de technologies innovantes et de business models différents, les acheteurs doivent faire plus que qualifier de nouveaux fournisseurs.
Ils doivent évaluer si les éventuels fournisseurs voient les avantages qu'ils auraient à travailler avec leur société, s'il y a une compatibilité en termes de méthodes de management et de culture d'entreprise, si les fournisseurs sont capables de soutenir la société et, enfin, s'ils sont susceptibles de s'engager à ses côtés.
8 4. Anticiper
Si un sentiment d'incertitude se développe, il faut garder ses options ouvertes. Au lieu de développer et de déployer un plan d'action directement, il est recommandé de construire des scénarios qui puissent être activés dès que les premiers signaux faibles émergent.
9 5. Apprivoiser le changement
Des changements radicaux nécessitent un management structuré. Cela va bien au-delà de la mise en oeuvre d'un ensemble logique d'actions.
Derrière chaque transformation réussie, il y a une vision. Les parties prenantes doivent comprendre pourquoi il faut s'éloigner du statu quo. Les raisons qui vous poussent à agir et les méthodes que vous comptez mettre en oeuvre doivent leur être présentées sans ambiguïtés.
Les acheteurs doivent élargir leurs champs de compétences afin d'approfondir et de développer leur compréhension de la valeur, mais également de leur écosystème. Focus sur les 5 clés pour passer du coût à la valeur.
10 Pour en savoir plus...
La fonction achats, clé de la stratégie des entreprises
Au coeur de la stratégie des entreprises, la fonction achats est encore parfois en quête de reconnaissance. Plus qu'une fonction support, elle doit désormais devenir un véritable business partner pour tous les services de l'entreprise.
Développer une politique d'achats durable et responsable
Les achats responsables, composante majeure de la performance économique des entreprises, progressent, que ce soit dans les gestes quotidiens au travers des équipements professionnels, de flotte automobile, ou dans le registre du voyages d'affaires. À la clé, la récompense suprême : le label "Relations fournisseur responsables".
Négocier en TCO, une règle d'or !
Si les acheteurs ont été formés à apprécier systématiquement un achat à l'aune de son TCO, les patrons de PME qui ont affaire à eux se plaignent de ne les entendre négocier que le prix. Rappel des bonnes pratiques à privilégier.
Quelles perspectives pour la supply chain de demain?
Selon une enquête réalisée par le cabinet KPMG, la réduction des coûts constitue toujours un point-clé de la relation industriel/fournisseur. Les entreprises misent toujours sur les achats dans les pays à bas coûts ainsi que sur la réduction de leur panel fournisseurs.
Pour en savoir plus sur la fonction achat et le rôle de l'acheteur nous vous invitions à consulter ces liens complémentaires.
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