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La stratégie achats de Airbus en période de croissance repose sur l'anticipation

Publié par Aude Guesnon le - mis à jour à
La stratégie achats de Airbus en période de croissance repose sur l'anticipation

"Nous sommes aujourd'hui beaucoup plus dans la prévention que dans la gestion de la difficulté car toute rupture sur la chaîne de fabrication prend une ampleur démentielle", répond notamment Albert Varenne, directeur de la stratégie achats de Airbus Industrie.

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Les commandes affluent chez Airbus industries qui croît régulièrement depuis vingt ans et qui fait, de plus en plus souvent la nique à son concurrent Boeing. Airbus Helicoptères vient d'engranger une commande de 2,5 milliards pour 70 hélicoptères achetés par la Pologne. Avianca vient de lui commander 100 avions A320neo. A l'occasion du dernier salon de l'aéronautique, Airbus avait enregistré 75 milliards d'euros de commandes pour 496 avions. La courbe de croissance poursuit sa route après une année 2013 record (1503 avions commandés) et une bonne année 2014 (avec 1456 commandes).

Comment les achats gèrent-ils cette croissance? La réponse avec Albert Varenne, directeur de la stratégie achats de Airbus Indsutries.

En 2014, Airbus avait enregistré plus de commandes que Boeing mais avait finalement livré moins d'avions. Avez-vous des difficultés à augmenter la cadence de production ?

Il ne s'agit pas d'un problème de performance. Nous sommes derrière Boeing en termes de livraisons d'avions sur le segment des longs courriers, tout simplement parce que le programme du 787 a été lancé avant le programme de l'A350 XW. C'est uniquement sur ce segment que l'écart se fait. Boeing a atteint son rythme de croisière et produit une centaine de 787 de plus par an que nous d'A350 XWB, programme concurrent d'Airbus dont nous démarrons les livraisons (nous livrons environ 15 avions A 350 XWB sur 2015). L'an passé, nous en avons livré le premier exemplaire; nous montons en cadence et atteindrons notre rythme de croissance d'ici à 2018 où nous espérons être à une cadence de 10 par mois. Nous rattraperons alors le niveau de production de Boeing.

Sur quoi repose votre stratégie achats en période de croissance?

La gestion des risques est devenue cruciale. Nous nous sommes beaucoup développés en termes d'organisation, de process et de compétences. Dès qu'un risque est identifié, nous appliquons un plan de réduction des risques. Nous sommes aujourd'hui beaucoup plus dans la prévention que dans la gestion de la difficulté car toute rupture sur la chaîne de fabrication prend une ampleur démentielle. Prenons l'exemple de l'A320. Nous livrons 2,5 appareils par jour. Si nous rencontrons une difficulté sur un avion, on a maximum 3 à 4 heures pour régler le souci, avant de voir arriver l'avion suivant. Nous n'avons plus le temps de réagir. Et si le problème perdure une semaine, on ne livrera pas 12 avions. On ne peut pas prendre ce risque. L'augmentation des cadences ne nous permet plus d'être dans la réaction: il nous faut être dans l'anticipation.

Sécuriser la supply chain est essentiel. Si nous détections une faiblesse chez un fournisseur stratégique - au niveau du groupe, nous avons 10 000 environ et 8500 sur Airbus -, nous allons engager une action de développement de sa performance ou bien créer, par exemple, une deuxième source d'approvisionnement.

Grâce à notre croissance, nous générons toujours plus d'activité chez nos fournisseurs, ce qui est une bonne nouvelle, mais cela impose un contrôle toujours plus professionnel de la chaîne d'approvisionnement, c'est pourquoi nous avons mis en place un processus d'identification et de gestion des risques liés aux éventuelles faiblesses de nos fournisseurs.

Lorsque survient un accident comme celui de l'A400, la supply chain, est-elle soumise à davantage de pression? Quel impact ce type d'événement a-t-il sur les achats?

Une investigation pour connaître les causes du tragique accident de l'A400M est en cours ce qui ne nous autorise pas à commenter plus en détails. Nous sommes régis par les autorités aériennes qui définissent les actions à mettre en place pour garantir la sécurité aérienne qui est une priorité pour tous, Airbus et fournisseurs y compris.

Lire la suite en page 2 : Le risque de croissance, la concentration des fournisseurs et la gestion de la ressources acheteurs


Comment gérez-vous le risque de croissance chez vos fournisseurs?

C'est une question qui revient de façon récurrente en France. Au total il ne fait aucun doute que les effets positifs de la croissance d'Airbus sur les fournisseurs de la filière aéronautique a généré beaucoup plus d'opportunités que de risques. La croissance est donc une tendance vertueuse, mais qui demande en effet d'accompagner nos fournisseurs dans leur développement et, ainsi, diminuer les risques de défaillanc.

Chez Airbus, nous avons une équipe de "field engineers" constituée de 90 personnes qui sont constamment auprès des fournisseurs chez qui nous avons identifié une difficulté ou un risque. Ils travaillent avec eux pour leur apporter soutien et méthodologie. Etre sur place leur permet aussi de mieux apprécier le risque et à nous, de mieux le gérer. Cette équipe est très contributive de la baisse des risques: nous solidifions les maillons faibles et renforçons l'ensemble de la chaîne.

Vous l'avez dit, nous avons une croissance continue depuis 20 ans; une croissance forte, et nous n'enregistrons pas de défaillance massive d'entreprises. Il n'y a pas plus de risque de rupture d'approvisionnement aujourd'hui qu'hier.

Certains de vos fournisseurs travaillent probablement pour Boeing. Cette concentration pose-t-elle problème?

Nous avons effectivement des fournisseurs communs, mais ce n'est pas une difficulté, bien au contraire. Si l'on prend l'exemple de l'A350 XWB face au 787 de Boeing qui a déjà atteint son rythme de croisière: nous ne sommes pas dans les mêmes phases industrielles et cela permet d'éviter que tous les problèmes arrivent en même temps. Si problème il y a, il est dilué par rapport à l'intégralité de l'activité. C'est plus facile à gérer pour le fournisseur. Le fait d'avoir un autre avionneur client donne plus de robustesse au fournisseur. C'est une bonne chose. Ces fournisseurs là n'ont pas un taux de dépendance trop élevé.

La croissance nous pousse à toujours plus consolider, à nous entourer de fournisseurs de plus en plus gros. Il y a de plus en plus de fusions et d'acquisitions. Pour nous, c'est sécurisant. Et nous n'avons pas à redouter de monopole puisque les loi anti-trust imposent des limites et permettent de protéger la concurrence

Pour faire face à la croissance d'Airbus, recrutez-vous des acheteurs?

Cette croissance a peu d'impact en termes de ressources. Chez Aibus, les achats sont scindés en deux domaines. Le domaine stratégie achats et le domaine supply chain qui passe commande. Cette seconde famille est un peu plus impactée car en période de croissance, il faut commander davantage, mais l'accroissement de charge de travail n'est pas proportionnel à la croissance de l'activité.

Nous formons nos acheteurs, Airbus a sa procurment academy qui assure la structuration et la diffusion des savoirs spécifiques à Airbus. C'est un métier que nous développons en interne car nous avons des problématiques supply chain très complexes. Je vous donne un exemple: dans l'automobile, par exemple, ils ont 2500 références sur un véhicule, qui est produit à 5 millions d'exemplaires par an. Sur l'A320, qui est produit à 500 exemplaires par ans, nous avons 250 000 références. C'est plus difficile à suivre, moins facile à automatiser... et plus difficile à amortir. La supply chain avion est vraiment particulière.

 
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