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Décideurs achats, comment rebondir dans de bonnes conditions ?

Publié par Camille George le - mis à jour à
Décideurs achats, comment rebondir dans de bonnes conditions ?

Savoir bien rebondir, c'est un métier qui s'apprend. De plus, la relative atonie du marché de l'emploi des décideurs achats plaide pour la prudence. Par-delà le CDI, d'autres choix comme le management de transition ou le conseil s'offrent toutefois à eux.

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Comment faire pour "rebondir" lorsqu'on est un décideur achats d'un certain niveau ? Si changer d'entreprise lorsqu'on est déjà en poste paraît assez aisé, trouver du travail lorsqu'on est au chômage l'est moins. Quels que soient ses qualifications, son expérience et le niveau de responsabilité qu'il ou elle a exercé, un(e) décideur(se) achats en rebond devra d'abord apprendre à chercher du travail, car ce "nouveau métier" l'occupera en moyenne pendant six mois à un an. Cela, même si les décideurs achats ont un véritable avantage par rapport à d'autres professions, comme les ingénieurs, par exemple ; ils savent vendre, et donc se vendre.

Si retrouver un CDI dans un marché de l'emploi des achats assez limité se révélera parfois complexe, il sera toujours possible de se tourner vers les solutions alternatives que sont le conseil, le management de transition, le portage salarial ou encore le temps partagé. Car il n'y a pas qu'une seule façon de rebondir, mais bien plusieurs !

L'emploi des décideurs achats : un marché de niche

Le marché des cadres devrait plutôt bien se porter, en 2016, avec 200 000 embauches prévues contre 180 000 en 2015, selon l'Apec. Les principaux moteurs de cette bonne conjoncture ? Les investissements, et dans une moindre mesure les remplacements des départs à la retraite. Quant aux secteurs moteurs de cette embellie, il s'agit d'abord des services, de l'informatique, de la recherche & développement, et du conseil. Avec, comme premiers bénéficiaires, les jeunes diplômés.

Mais qu'en est-il des achats ? Disons-le tout de suite, le marché de l'emploi des cadres dans le secteur des achats fait figure de niche. Mais une niche qui recrute un peu plus chaque année. Sur les tablettes de l'Apec, la fonction achats est agrégée à des postes comme la sécurité, la logistique ou la maintenance, ce qui représentait une manne de 12 000 opportunités d'emploi cadre en 2016. "Quant aux seuls métiers des achats, ils représentent un peu plus de 10 % de ce total", explique Pierre Lamblin, directeur des études et recherches de l'Apec. Le nombre des emplois de cadres dans la fonction achats croît donc doucement.

Une situation qui tranche avec les années 2000, où leur nombre avait explosé. "À cette époque, les achats sont devenus un pôle à part entière et il y a eu de nombreuses créations de poste, se souvient Anne-Charlotte Vaillant, la fondatrice du cabinet de recrutement Alhambra International Executive Search. Mais aujourd'hui, on note un tassement."

Depuis, les services achats de bon nombre d'entreprises ont été créés et les postes afférents sont souvent occupés. En fait, ce qui fait surnager la fonction achats malgré un contexte difficile, c'est qu'il s'agit d'une fonction permettant d'importants retours sur investissement, cruciaux en temps de crise. En d'autres termes, les décideurs achats font faire des économies aux entreprises, et peuvent même, durant les négociations d'embauche, faire valoir que ces économies paieront leur salaire.

Lire la suite page 2 - In & out

In & out

Car s'il y a bien une chose que savent faire les chercheurs d'emplois ayant occupé, ou occupant, un poste de décideur achats, c'est négocier. "Les acheteurs savent convaincre, donc leur problème n'est pas de savoir se vendre ou de négocier leur salaire, estime Anne-Charlotte Vaillant. Ils n'ont pas de difficultés majeures pour anticiper leur évolution professionnelle par rapport à des profils d'ingénieurs qui ne savent pas suffisamment se mettre en avant. Mais encore faut-il qu'il y ait de la place." Et les opportunités ne sont pas légion.

Mais attention, négocier des prix au cordeau avec un fournisseur et passer un entretien d'embauche sont deux choses bien différentes, même quand on sait se vendre. Et pour arriver jusqu'à la case entretien d'embauche, il y a un certain nombre d'étapes à franchir. Surtout lorsqu'on est en rebond, et non déjà en poste. "Il vaut mieux chercher un travail quand est déjà en poste, car on intéresse davantage les cabinets de chasseurs de têtes et les cabinets de recrutement, révèle Anne-Charlotte Vaillant. On apparaît comme moins en demande." Mais la vie en décide parfois autrement. Et lorsqu'on cherche du travail sans occuper de poste, mieux vaut se préparer à passer quelques mois intenses. "Lorsqu'on a été remercié ou qu'on a démissionné, c'est toujours un choc, et il faut en moyenne compter un ou deux mois pour s'en remettre moralement, puis commencer à chercher activement du travail", raconte un dirigeant achats qui, après une période de rebond d'un an, a retrouvé du travail dans le management de transition.

Car chercher un travail est un métier. Et un métier, cela s'apprend. Il faut réapprendre à faire un CV. Il faut réapprendre à chercher, s'inscrire sur les cvthèques, remettre à jour son profil LinkedIn, répondre aux annonces sans oublier celles présentes sur les réseaux sociaux, qui représentent aujourd'hui 5 % des embauches, contacter les cabinets de recrutement et de chasseurs de têtes, faire le tour de son réseau...

En coulisse

Un cabinet de recrutement, comment ça marche ?

Passons quelques instants de l'autre côté du miroir. Le travail de ces experts du recrutement est de, moyennant finance, trouver aux entreprises demandeuses leur prochain responsable des achats. Pour ce faire, les spécialistes se lancent sur plusieurs pistes. D'abord un sourcing à large spectre, c'est-à-dire la multidiffusion d'une offre d'emploi sur des supports tels que Cadremploi, Monster, les réseaux sociaux... Une tactique payante, puisque d'après l'Apec, un recrutement de cadre sur deux en France se fait grâce aux offres d'emploi. Le deuxième outil à leur disposition est le réseau professionnel. Entendez par là le bouche-à-oreille. "Grâce à nos réseaux de connaissances et aux réseaux sociaux de type LinkedIn, nous sommes en relation directe avec 5 000 à 6 000 décisionnaires de l'achat et de la supply chain qui peuvent relayer notre besoin", révèle Guy Duranceau, associé chez Org'HA. Viennent ensuite les cvthèques. "Nous "sourçons" les profils en fonction de plusieurs critères et mots-clés associés : expertises professionnelles, formation, expérience, disponibilité, prétentions salariales...", poursuit Guy Duranceau. La quatrième tactique est l'approche directe. Il s'agit pour ces spécialistes de puiser dans le vivier de profils qu'ils se sont constitué au fil des années. "Nous nous adressons directement à la personne qui a un profil en rapport direct avec le besoin du client, explique Guy Duranceau. C'est l'approche directe, qui donne les meilleurs résultats." Cette approche de l'embauche ne peut se faire que lorsque le cabinet dispose d'un réseau important et de nombreuses années d'expérience. Car il s'agit d'amadouer à la fois le client et le décideur achats qui cherche un travail ou pense à en changer. "Le plus important, c'est de fidéliser les clients sur la durée, révèle Ruxandra Ispas, CPO de SIG plc et managing partner du cabinet Reformance, afin de matcher les attentes des deux côtés, car passé un certain nombre d'années d'expérience, les décideurs achats ont eux aussi beaucoup d'attentes."

Lire la suite page 3 - L'épreuve de l'entretien

L'épreuve de l'entretien d'embauche

Puis il faut apprendre à passer des entretiens, s'exercer et, enfin, se jeter à l'eau. Pour cela, rien ne vaut l'expérience, même si l'Apec, les cabinets de recrutement et de chasseurs de têtes donnent des conseils utiles et avisés. "Les premiers entretiens d'embauche sont souvent des échecs, parce qu'on n'a pas l'habitude, prévient notre décideur achats anonyme. Donc ce n'est qu'au bout d'une dizaine d'essais qu'on maîtrise vraiment l'exercice et qu'on peut passer les différentes strates du processus d'embauche."

Ce laps de temps, qui voit le candidat répondre à une annonce et rencontrer les ressources humaines et les différents managers de l'entreprise qu'il vise pour enfin être embauché, dure en moyenne neuf semaines, selon l'Apec. Et plus le poste visé est haut placé dans la hiérarchie achats, plus les délais seront étirés. Car plus les attentes des deux parties seront élevées et plus les étapes seront nombreuses. "Pour retrouver un poste de direction stable en CDI, il faut compter sur 12 à 18 mois de recherche", estime notre cadre en rebond.

Pour raccourcir au maximum ce laps de temps, voici quelques conseils donnés par nos différents experts : être souple sur sa rémunération, sans trop la baisser car cela serait contre-productif ; être mobile, aussi, car les postes peuvent se trouver partout sur le territoire, voire à l'international. Avoir travaillé dans différents secteurs, voire avoir plusieurs cordes à son arc, comme les achats et la supply chain, par exemple, est un atout supplémentaire.

CDI ou CDD ?

"Un décideur achats de haut rang qui se retrouve sur le marché de l'emploi a devant lui plusieurs solutions s'il veut rester dans la fonction achats, estime un cadre senior du secteur achats. D'abord, retrouver un poste équivalent ; ensuite, faire du conseil ; et enfin, du management de transition." Nous l'avons vu, les postes en CDI ne sont actuellement pas légion dans les strates supérieures de la fonction achats. Par exemple, dans le secteur marchand, au premier semestre 2016, si les CDI représentaient 61 % du total, neuf recrutements sur dix portaient sur des CDD. Et là, la prééminence des décideurs achats déjà en poste ne s'applique plus, au contraire. Les entreprises qui recherchent un salarié en CDD pour un contrat court n'auront en général pas le temps d'attendre que le candidat en poste ait purgé sa période de préavis, qui peut être de trois à six mois. Les chercheurs d'emploi ont donc un avantage concurrentiel sur les décideurs achats déjà en poste.

Les décideurs achats en rebond peuvent aussi décider d'intégrer un cabinet de conseil en achats et devenir consultants. Pour des PME ou des ETI, il s'agira souvent de mettre en place le service achats. Une fois leur mission terminée, les consultants vogueront vers d'autres horizons, tandis qu'un directeur achats engagé en CDI prendra le relais.

En coulisse

Un cabinet de chasseurs de têtes, comment ça marche ?

Il existe de nombreuses légendes autour des cabinets de chasseurs de têtes. Mais au fond, chasseur de têtes, c'est d'abord un métier d'intermédiation entre une entreprise qui a un besoin, et un marché de l'emploi avec des candidats. "Les entreprises et les candidats sont nos clients, mais seules les entreprises nous paient, explique Xavière Thomazo, directrice associée, Sirca Executive Search. C'est la différence avec un cabinet d'outplacement, où ce sont les candidats qui paient le service." D'un côté, le chasseur de têtes doit comprendre le business de l'entreprise pour lui proposer les meilleurs candidats, ceux dont le talent, les compétences, l'expérience et surtout la motivation cadreront avec le business model de l'entreprise. De l'autre, il a un rôle d'ambassadeur auprès des candidats. Ceux-ci ont parfois besoin d'être convaincus, notamment lorsqu'ils sont en poste. À ce propos, on entend beaucoup dire qu'il faut être en poste pour être chassé, mais en fait, c'est du 50/50. "En cas d'embellie économique, il est vrai que les chassés seront plutôt en poste ; mais aujourd'hui, tout le monde traverse des périodes de chômage et parmi ces gens, il y a de très bons candidats, précise Xavière Thomazo. Il ne faut pas oublier qu'en ce moment, le laps de temps pour retrouver un emploi est compris entre 9 et 12 mois."

Mais comment, lorsqu'on est en rebond, faut-il s'y prendre pour se faire chasser ? "Parfois, si le chasseur est malin, il vous trouvera alors que vous en êtes en poste et pas du tout dans l'idée de changer de poste, a priori, analyse Xavière Thomazo. C'est le savoir-faire d'un cabinet de chasseurs de têtes, que de savoir dénicher des pépites. Nous appelons ça de la chasse pure." Ensuite, comme pour un cabinet de recrutement, c'est la visibilité que vous allez donner au marché de l'emploi qui jouera. Il s'agit donc de faire évoluer vos profils sur les réseaux sociaux, contacter les cabinets de recherche d'emploi, envoyer des CV, contacter votre réseau... Bref, de mener une recherche d'emploi classique.

Lire la suite page 4 - La tentation du conseil

La tentation du conseil

Les entreprises qui ne souhaitent pas avoir un service achats en interne peuvent aussi faire appel à ces cabinets sur le long terme. Ils deviennent alors des services achats externalisés. "En partenariat avec la société Altaris, cabinet de conseil en achats et expertise e-achats, nous proposons des solutions clés en main aux entreprises, en fonction de leur niveau de maturité achats, précise Alain Peyronnet, associé chez Org'HA. Nous commençons par mettre en place des prestations d'assistance technique, que nous allons structurer et rationaliser, et progressivement nous proposons des modèles organisationnels avec des engagements de résultats de plus en plus forts : plateaux achats et ensuite centres de services à valeur ajoutée."

Les petits cabinets de conseil sont aussi utilisés par les entreprises du Cac 40, mais pour des missions plus ciblées. "Dans le cas des grandes entreprises, les petits cabinets de conseil sont davantage utilisés pour des projets sur lesquels il y a besoin de renforts ou d'une expertise particulière", analyse Ruxandra Ispas, CPO de SIG plc et managing partner du cabinet Reformance. Un décideur achats qui participera à ces missions pourra tenter de convaincre le client de l'embaucher en lui faisant escompter un retour sur investissement rapide. Un bon acheteur peut en effet se rémunérer sur les gains qu'il obtient.

Devenir consultant n'est pas toujours du niveau d'un décideur achats senior. Dans ce cas, il devra plutôt viser de devenir associé dans son cabinet de conseil. "J'ai été contacté via mon réseau par une société de conseil qui recherchait son directeur du pôle achats, raconte un cadre senior qui a quitté la sécurité d'un CDI après 30 ans dans la fonction achats, dont un an à l'étranger. J'ai monté ma propre structure et je facturais tous les mois à la société de conseil pour laquelle je travaillais, l'objectif étant de devenir associé." Avec son expérience, il était à même de comprendre les besoins des clients, de vendre les bons produits, de constituer les bonnes équipes de consultants, de les piloter et, enfin, d'être garant de la qualité des livrables. "À ce niveau-là, vous n'êtes pas directement opérationnel. Être consultant, c'est un métier en soi, qui s'apprend, explique-t-il. Vous valorisez votre carnet d'adresses, votre expérience, votre crédibilité." Après avoir travaillé pour des entreprises du Cac 40 avec un gros niveau d'exigence, il arrêtera finalement son activité de consultant faute d'avoir atteint le niveau de salaire qu'il s'était fixé, pour se tourner vers le management de transition. "Pour retrouver un niveau de salaire correct, il faut être associé, et donc faire beaucoup de chiffre d'affaires. Difficile d'en vivre correctement et sereinement", conclut-il.

Lire la suite page 5 - La solution du management de transition

La solution du management de transition

Le management de transition est une sorte d'intérim pour les hauts cadres et les dirigeants. Un manager de transition dirigera donc une entreprise, une filiale, un département ou une branche. Selon la Fédération nationale du management de transition (FNMT), le marché français représente 157 millions d'euros, avec 18 % de croissance annuelle moyenne.

Il s'agit, pour le manager, d'amorcer de profonds changements, de restructurer, voire de préparer des plans de licenciements. Mais il peut aussi s'agir d'un simple intérim entre deux CDI. Selon la FNMT, 64 % des missions concernent la conduite de projet et la gestion du changement, 20 % le management relais, et seulement 16 % la gestion de crise "Un manager de transition peut occuper un poste de directeur des achats le temps que l'entreprise trouve son candidat idéal pour le poste", explique Anne-Charlotte Vaillant.

Pour un décideur achats senior ayant occupé des postes à fortes responsabilités, l'aventure peut être tentante. D'autant qu'en général, la rémunération est bonne. Oui mais voilà, les décideurs achats seront souvent cantonnés à ce qu'ils savent faire : des achats. Et la mission souvent "sous-dimensionnée" par rapport au profil recruté car l'entreprise qui recourt à un manager de transition mise sur la sécurité : il faut que le manager sache déjà faire et qu'il soit opérationnel immédiatement. Reste que les missions ne courent pas les rues. "Le temps peut être long entre le moment où on s'inscrit comme manager de transition et celui où on obtient une mission", prévient Ruxandra Ispas.

Portage salarial et temps partagé

Quand on est en rebond et senior, on a de plus en plus de difficultés à trouver un travail en CDI et même en CDD. Par contre, on a des facilités pour vendre son expertise et sa compétence en freelance, en particulier en portage salarial. Ce statut entièrement légalisé par une loi de 2015 - qui pouvait auparavant se confondre avec le délit de marchandage faute de clarification législative -, cumule les avantages du salariat et ceux des travailleurs indépendants.

En clair, un travailleur indépendant fera appel à une société de portage pour transformer ses émoluments, souvent des factures, en véritables salaires. Avec tout ce que cela signifie en termes de cotisations, de retraite, de droit au chômage et de protection. Moyennant un pourcentage de ses revenus, cependant. Attention, ce sera toujours au "porté", de trouver ses propres missions. Ce statut attire à la fois les cadres dirigeants en rebond et les entreprises clientes. "Nous travaillons beaucoup avec des consultants en portage salarial car ce statut est de plus en plus prisé par les entreprises", confirme Alain Peyronnet, associé chez Org'HA.

Nous l'avons vu, les temps sont parfois durs pour les décideurs achats qui souhaitent retrouver un CDI. Alors pourquoi ne pas en retrouver plusieurs ? La France regorge de start-up et de petites entreprises qui ont des besoins dans le secteur achats mais qui n'ont pas les moyens de se payer un directeur achats. De plus, si c'était le cas, ce dernier se tournerait les pouces les trois quarts du temps. Avec le temps partagé, un décideur achats expérimenté peut se faire embaucher par plusieurs entreprises et leur consacrer un peu de temps chaque semaine, voire chaque mois.

 
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