Le challenge de la digitalisation des achats au Crédit Agricole
En quoi la digitalisation d'une direction achats est-elle un levier de performance de l'entreprise? Quelles sont les étapes clés d'un tel chantier? Cas d'école du Crédit Agricole.
Je m'abonne"Digitaliser vos achats c'est vous construire un exosquelette pour doter votre direction achats d'acheteurs augmentés", explique Bruno Cracco, Managing Partner, au sein du cabinet de consultants en innovation Bengs, en préambule d'une matinée consacrée à "Doper sa performance grâce à la digitalisation des achats" le 15 février dernier.
La digitalisation des achats est un sujet en vogue. C'est le défi que s'est lancé le Crédit Agricole dès le mois de mars 2017 dans le cadre du plan d'entreprise baptisé "Ambition 2020 ". Un chantier de digitalisation qui s'inscrit dans le cadre plus global d'une contribution des achats à l'effort du groupe Crédit Agricole.
Passer à la version 8 d'Ivalua
La direction achats groupe date seulement de fin 2010. "Avant les achats n'étaient pas structurés et beaucoup de métiers faisaient des achats sans le savoir. Donc c'était quelque part une opportunité", détaille Maxime Genestier secrétaire général de la direction achats groupe du Crédit Agricole. Le CPO est désormais rattaché au directeur général adjoint du Crédit Agricole SA. Un poste de CPO rattaché auparavant à la DSI. Au final, "le groupe Crédit Agricole agit sur deux leviers, une gouvernance achats groupe renforcée pour accélérer les synergies et une solution digitale achats commune", souligne le secrétaire général.
Cette nouvelle solution digitale commune est réalisée de bout en bout et non pas uniquement sur une partie de la chaîne de valeur comme les appels d'offre, etc... Cela s'est fait en lien avec le passage à la version 8 d'Ivalua. Une opportunité que la DA a saisi pour embarquer l'ensemble des filiales concernées. "La v8 a d'abord été déployée en 2015-2016 au sein de la holding dont la spécificité est de compter beaucoup de directeurs généraux. "Une petite révolution" car peu de commandes possédaient leurs factures. Or, aujourd'hui, après 2 ans, plus de 90% des factures ont une commande associée", détaille Maxime Genestier du Crédit Agricole.
La DA a fait le choix de commencer par les plus grosses filiales. A l'issue d'un appel d'offres, elle retient le cabinet Bengs, cabinet de conseil qui se veut incubateur d'innovation et accompagne les entreprises dans la conduite du changement, pour l'accompagner dans ce chantier. Un cabinet est certifié Ivalua.
Du e-learning pour accompagner le changement
Comme dans toute conduite du changement un volet accompagnement des collaborateurs a été mis en place. Une formation en e-learning a été proposée avec 3 modules sur la conduite du changement pour la population des acheteurs, des valideurs et des prescripteurs.
Pour Sylvain Piccini, senior manager chez Bengs : "le co-pilotage se doit d'être agile et collectif. Par exemple, une filiale possédait un outil en interne spécialement conçu pour les prestations intellectuelles comme par exemple le fait de tracer les intervenants. Un outil qui n'existait pas dans Ivalua. En 2 mois, ce nouveau module a été intégré et mis en oeuvre dans Ivalua pour d'autres filiales".
Pour arbitrer au mieux le consensus, l'arbitrage est cadré. Ainsi, tous les mois une nouvelle entité est cadrée. Il s'agit de cadrer les écarts, de dresser une feuille de route, etc... A titre d'exemple, du côté d'Indosuez France, la direction communication a été la première à montrer son intérêt pour le projet. Les juristes ont ensuite emboîté le pas. Par contre, "le choix a été fait de ne développer Ivalua que sur le début de la chaîne de valeur soit que sur la partie source to-contract. L'outil a été pluggué avec la solution TriBank déjà utilisée en interne", explique Edgard Leuillieux, responsable achats immobilier moyens généraux Indosuez France.
Un an après, 10 filiales déployées
Aujourd'hui un an après le début du projet [NDLR : 1er mars 2017], 15 cadrages ont été réalisés, 10 entités sont en production source to-contract, 5 entités sont en cours de déploiement et 25% des dépenses sont couvertes.
L'objectif? "Au 2e trimestre 2019, il faudra équiper 30 entités [NDLR : 10 filiales et 20 caisses régionales] au minimum source to-contract et aller le plus loin possible en source-to-pay avec en tête l'idée d'aller vers le zéro papier. Il faudra aussi couvrir 65% des dépenses d'ici juin 2018", insiste le secrétaire général.
Il s'agit également de spécialiser les équipes internes sur l'évolution de la plate-forme car le risque est que la v8 d'Ivalua "vivote". Il faut donc continuer de faire évoluer cette dernière.
Parmi les autres objectifs affichés : celui de passer en-dessous de la barre des 10 jours les délais de paiement et 5 jours pour la signature électronique. Mais aussi 80% de gain sur la charge de traitement des factures.
Quels sont les facteurs clés de succès d'un tel projet? "Il faut un trinôme : un projet d'une telle envergure doit être initié par la direction achats groupe. Mais celui-ci doit aussi bénéficier d'un sponsor au niveau du comité de direction (DGA, DAF, ...). Enfin, il faut penser à nommer un chef de projet et créer un poste d'administrateur qui ne soit pas centralisé. Car quand le projet s'arrêtera, il faudra quelqu'un pour faire le relais", conclut Maxime Genestier.