La rémunération, outil de management
Le salaire est devenu un élément de management des entreprises. Comment déterminer la part variable de la rémunération des acheteurs? Sur quels objectifs? Toutes ces questions ont fait l'objet d'un débat au sein de l'EBG sur la rémunération et les carrières des acheteurs. Compte-rendu.
Je m'abonneLe salaire demeure-t-il le 1er facteur d’attraction d’une profession? La réponse est non. Cependant, la rémunération est un élément clé de la gestion des ressources humaines dans une entreprise. Si la partie fixe de la rémunération est gérée au niveau de la politique générale de la société, la partie variable fournit au management une marge de manœuvre pour valider ou non l’atteinte des objectifs par les collaborateurs. Quelles pratiques ont lieu dans les achats? Comment les benchmarker? Telles ont été les questions débattues lors d’une assemblée de l’EBG organisée le 13 décembre dernier sur le thème la rémunération et la trajectoire de carrière dans la fonction achats.
Une part variable de 10% en moyenne
Pierre-Yves Stinzy, directeur consultant chez staff consultants Imsa France, parle “d’hélvétisation de la fonction”, soit le fait que des grands groupes comme Procter & Gamble ou Colgate ont regroupé leurs achats en Suisse et ont bénéficié d’une spécificité fiscale. Avec notamment pour conséquence, une répercussion sur des salaires d'acheteurs élevés.
Autre phénomène, celui de “l’inflationnisme” des profils des jeunes acheteurs diplômés de 3e cycle. “Il y avait peu d’offres de jeunes acheteurs formés à l’époque. Ce qui a entraîné une bulle inflationniste des étudiants de 3e cycle avec des salaires anormalement élevés pour des jeunes acheteurs car très demandés et encore trop peu nombreux sur le marché du travail“, analyse Pierre-Yves Stinzy. Ainsi, aujourd’hui, cela entraîne des disparités dans certains grands groupes, où des acheteurs diplômés de 3e cycle sont mieux rémunérés que des polytechniciens du même âge. Cependant, prévient Pierre-Yves Stinzy, “ces jeunes acheteurs ont un salaire qui est plafonné plus tôt que celui des polytechniciens”.
Selon une étude citée par Celia Spanidis, consultante chez Oliver Wyman, cabinet de conseil en management et animatrice du débat, 85% des directions achats proposent une part variable. Et dans 40 à 50% des cas, cette part variable est en moyenne de 10%. À titre d’exemple, au sein de la marque de distribution Carrefour, cette part peut varier de 20 à 40%. Ce qui équivalait à une fourchette allant de 1,3 mois à 4, 3 mois en 2011.
Des objectifs tranverses aux métiers
Cette part variable dépend à la fois de l’atteinte d'objectifs individuels et d'objectifs collectifs. Ainsi, chez Carrefour, la part individuelle concerne 70% de la part variable tandis que le collectif en représente 30% pour un poste de manager. Plus la fonction augmente en responsabilité et plus la part d’objectifs collectifs augmente aux dépends des objectifs individuels. Chez DCNS, société spécialisée dans l’armement naval et l’énergie, la part variable va de 2 à 20%. Le collectif y est privilégié et représente plus de 50% du variable par rapport au collectif.
Pierre-Yves Stinzy précise: “il n’y a pas de spécificité sur la variabilité de la rémunération de la fonction. Celle-ci est calquée sur la culture de l’entreprise”. Il parle ainsi de “variables de management”, en d’autres termes de variabilité de la part variable.
Pour Sylvain Rousseau, directeur des achats et des relations fournisseurs de DCNS, “la structure de la fonction achats est la même que les autres fonctions. Seules les variables collectives sont spécifiques à chaque métier”. Il milite pour une utilisation “intelligente” du variable. Pourquoi ne pas fixer des objectifs transverses comme sur la satisfaction des besoins ou encore la qualité des conseils des acheteurs, etc.?
Chez Astrium, filiale d'EADS, dédiée aux systèmes et services spatiaux civils et militaires, ce système est mis en place depuis déjà deux ans. “Car les objectifs fixés en termes de délai, qualité ou le surcoût ne semblent pas possibles si les prescripteurs ne respectent pas les mêmes objectifs”, explique Vincent Desforges, Astrium head of Procurement Operations Support.
Celia Spanidis, d'Oliver Wyman résume, au final, la situation: “la rémunération n’est ni un élément d’attraction, ni de répulsion vis-à-vis de la fonction achat. La seule motivation qui fait la différence est la proposition de valeur du métier”.
Vers plus de mobilité interne
Valoriser le métier d’acheteur c'est donner une image de valeur ajoutée de la fonction. Cela passe par le fait d’accentuer la mobilité interne ou de pousser vers l’international. Et dans ce cas, la rémunération peut être un outil car, comme le précise Sylvain Rousseau de DCNS, “l’enjeu est avant tout de fixer la rémunération des acheteurs au même niveau que les fonctions à compétences équivalentes dans l'entreprise. Afin, d'ouvrir des portes à la mobilité interne”. Les directeurs achats de Carrefour, DCNS et EADS Astrium avouent une mobilité interne d’environ 10% au sein de leur service.
Autre challenge: le vieillissement de la fonction. L’âge moyen des achats est de 37 ans, selon Pierre-Yves Stinzy. Et la génération Y semble être le nouveau défi des managers de l’entreprise. Jean-Pierre Vignes, directeur des achats non marchands du groupe Carrefour l'avoue “après deux ans d’exercice, 95% des jeunes acheteurs veulent devenir managers. La solution? Les orienter vers des missions plus souples. Ainsi, récemment, nous avons confié à notre chef de projet IT la transformation de la politique des véhicules de l’entreprise”.
Une note d’espoir. Chez DCNS, la fonction achat est la quatrième fonction citée en interne en termes de souhait d’évolution. Une quatrième place honorable sur... les 28 fonctions que comporte l’entreprise.