[Tribune] Il est urgent d'arrêter de manager !
Pour mettre en place une entreprise libérée, les managers doivent accompagner en osant faire autrement, en manageant les moyens plus que les résultats. Hervé Aulner, directeur commercial au sein de La Poste, donne quelques pistes pour guider ses équipes et leur insuffler l'envie d'agir.
Je m'abonneJ'entends encore trop souvent des managers me dire : "mes équipes ne font pas ce que je leur demande pour atteindre les objectifs". Pourtant, bon nombre de collaborateurs savent faire, à différents niveaux de maîtrise, certes, mais ils savent faire ! Souvent, ces managers agissent de façon mécanique, sans chercher à évoluer et en perdant de vue l'objectif de leurs actes. Ils n'osent pas se remettre en question ou mener des actions avec leur équipe. Ils oublient qu'une équipe est un groupe de personnes ayant le même but ou devant accomplir un travail commun, une team ! Il faut nourrir ce but commun !
"Ce n'est pas le fait de porter le même maillot qui fait une équipe, c'est de transpirer ensemble"
"Ce n'est pas le fait de porter le même maillot qui fait une équipe, c'est de transpirer ensemble", a dit Aimé Jacquet. Alors arrêtez de manager, mais guidez, concentrez vos actions sur l'envie de faire et non plus sur les simples actions et/ou résultats ! C'est un véritable challenge qui nous remet en question, nous les "managers"... Je vous propose de manager l'envie grâce à l'aide de quatre postures. Ce sont quatre mesures de bon sens, mais les appliquons-nous vraiment ?
Accepter l'apport de compétences réciproques
Il est inutile d'attendre d'être un expert pour être un "coach"
Le premier frein que j'observe est le sentiment de ne pas pouvoir accompagner ou montrer l'exemple. Cela est dû à la crainte de ne pas apporter de valeur aux membres de l'équipe et, par extension, la crainte de baisser en crédibilité. Personne n'est un "sachant" dans l'absolu. Mais chacun, avec son expérience et son histoire, peut apporter à l'autre, pour que chacun s'enrichisse réciproquement. Le leitmotiv du manager doit être "Je sais faire des choses, tu sais faire des choses". Pour manager l'envie, il est important d'avoir cette humilité et de la partager pour "transpirer ensemble". Si vous partagez cette conviction, vous oserez accompagner chaque membre de votre équipe pour monter en compétences réciproquement et collectivement, en faisant accepter l'accompagnement, en étant explicite sur le sens et les enjeux... Il est inutile d'attendre d'être un expert pour être un "coach" car, dans l'absolu, personne ne l'est !
Considérer l'erreur comme le chemin de réussite
Que cela ne soit pas un voeu pieu ! Posons-nous la question de savoir si dans les faits nous acceptons vraiment l'erreur. Car changer de postures et de méthodes nécessite un apprentissage, que cela soit pour nos collaborateurs ou pour nous-même. Dans notre culture, l'erreur est plus souvent considérée comme un échec que comme une étape, un parcours normal de construction vers la réussite. Cela explique en partie qu'avoir véritablement cette posture n'est pas naturel... L'exemplarité ne consiste pas à être parfait, alors acceptons ce parcours parsemé d'erreurs !
Veillons à toujours faire des critiques constructives, basées sur des faits et sans jugement
En pratique, veillons à toujours faire des critiques constructives, basées sur des faits et sans jugement, tout en valorisant et encourageant les progrès. Par exemple, si les résultats ne sont pas conformes à l'attendu, ne dites pas "les résultats ne sont pas bons" mais plutôt "penses-tu que les résultats pourraient être meilleurs ?" en invitant à la réflexion sur la manière de les améliorer (20% de pourquoi et 80% de comment).
Mener des actes managériaux pour servir un but
Souvent, le management est centré sur un ensemble d'actes collectifs et individuels, avec parfois des moments dédiés à la valorisation. Nous pouvons accomplir l'ensemble des actes et constater peu de changements chez ses équipes. Pensons-nous à l'objectif de l'acte ? Prenons-nous du recul pour analyser les impacts ? Ces questions valent aussi en recadrage, car il est important de prendre en compte le but avant d'agir (veut-on sanctionner, inviter à un autre comportement, quel impact cela aura-t-il sur le collectif ?)
Alors, avant chaque action, il est important de se poser la question "quel est mon but, quel est l'indicateur de réussite de mon acte managérial ?". Ce questionnement aide à avoir le courage de se remettre en question, pour changer le fond ou la forme, pour être dans un processus d'amélioration continue. " On n'est jamais bon mais on progresse chaque jour. "
Nourrir l'envie
Croire en sa capacité de réussite est un élément essentiel de la motivation
Est-il possible qu'un étudiant passe d'une moyenne de 4 à 19 ? Non. En revanche , il est possible de construire un chemin de progression, qui va engendrer des micro-victoires, qui pourront être fêtées et démontrer au collaborateur qu'il est capable d'obtenir des succès. Car croire en sa capacité de réussite est un élément essentiel de la motivation à agir (sans parler de l'effet pygmalion). Il est également important de mettre en application les idées du psychologue Mihály Csíkszentmihályi, en dosant les objectifs relais à un bon niveau pour éviter l'ennui ou le stress.
Si l'on devait résumer la motivation en 3 niveaux, agir pour obtenir une récompense ou par crainte de sanction est une motivation de niveau 1 ; agir pour accomplir un but est une motivation de niveau 2 et agir par envie, une motivation de niveau 3. Alors, à chaque acte, qu'il soit de communication ou de management, il est important de prendre du recul pour savoir si nous sommes plus au niveau 2 et 3 qu'au niveau 1, en se posant la question "quel niveau je nourris ?".
L'exemplarité c'est aussi "mouiller le maillot avec son équipe"
Pour conclure, ces 4 postures sont des carburants de l'envie, à condition d'être lucide avec soi-même sur la mise en oeuvre réelle. On dit souvent que l'exemplarité est la base du management. N'oublions pas que l'exemplarité c'est aussi "mouiller le maillot avec son équipe", c'est faire ce que l'on dit de faire, ce que l'on attend. L'ennemi numéro 1 de l'exemplarité est le manque d'humilité et de sincérité relationnelle.
N'oublions pas d'être exemplaire, d'accompagner, de valoriser et de nourrir l'envie pour que notre envie soit contagieuse, c'est aussi cela, le leadership.
L'Auteur:
Hervé Aulner est directeur commercial au sein du groupe La Poste. En parallèle, ce manager est aussi chef de Centre sapeurs-pompiers volontaires depuis 2000. Il est nommé officier en 2014.
Il a décroché la deuxième place lors des Trophées Action Co 2014 pour son projet sur l'expérience client. En 2014 et 2015, il intègre le classement des 100 managers d'influence orchestré par Action Co (100 Sales Managers 2015).
Il est par ailleurs l'auteur du livre Le Manuel du chef (Éd. Maxima, 2013).
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