Peut-on vraiment hacker le management dans son entreprise ?
Les méthodes traditionnelles de management sont de plus en plus perçues comme obsolètes, et les entreprises n'arrivent pas toujours à changer leur culture. Quels sont les freins au changement et les caractéristiques à prendre en compte ? Ces questions ont été développées au Hackathon du Management.
Je m'abonneComment adapter le management aux attentes actuelles ? Cette question est plus que jamais d'actualité, pourtant les entreprises rencontrent toujours des difficultés à proposer un management véritablement centré sur l'humain. "Le management moderne a été inventé par des gars du Middle West il y a 150 ans, explique Frédéric Rey-Millet, dirigeant d'EthiKonsulting, qui a organisé le Hackathon du Management* les 19 et 20 septembre. A l'époque de Frédéric Taylor, le système économique passait de l'artisanat à l'industrie. Aujourd'hui, la nature du travail a changé, le management doit changer aussi, car le vieux logiciel est dépassé".
Un principe admis par les participants au Hackathon. "On sait depuis longtemps que le travail en équipe et l'humain permettent d'aller plus loin que la technique pure, explique Martine Leguennec, responsable de l'Observatoire social de la Banque de France. Mais la mise en place est difficile. Il y a d'abord une conversion personnelle à faire, pour changer son rapport au pouvoir. Mais souvent, l'entreprise fait également le contraire de ce qu'elle devrait faire : la gestion des ressources humaines est de plus en plus individualiste. Aligner les ressources humaines sur ce besoin de collectif est un véritable défi."
Le changement doit se faire dans un but précis
Mais que faut-il changer au juste ? Les participants évoquent le manque d'engagement des équipes, la rigidité de la mobilité interne, le manque de communication entre terrain et siège. Les deux sujets plébiscités par les managers interrogés en amont de l'événement ont été le management sans se prendre au sérieux, et l'alignement entre l'intention et l'action. "Le cerveau est l'organe qui déclenche l'action, explique le neurobiologiste Pierre-Marie LLedo. S'il n'y a pas d'action possible après une prise d'information, cela déclenche du stress, de l'angoisse, de la dépression".
Il faut se demander en quoi le changement va bénéficier concrètement aux collaborateurs ou aux managers".
Que ce soit le développement du potentiel d'équipe, l'introduction de l'adaptation et l'agilité, ou la mise en place du droit à l'erreur, le changement doit s'effectuer avec un but précis. "Le piège, c'est de changer pour améliorer l'entreprise, affirme Frédéric Rey-Millet. Mais vouloir changer un système entier ne fonctionne pas. Il faut se demander en quoi le changement va bénéficier concrètement aux collaborateurs ou aux managers".
Beaucoup d'entreprises prennent conscience de la nécessité de faire évoluer leurs méthodes. A la SNCF, l'arrivée de prestataires externes a par exemple participé à amorcer un changement de culture. Le secteur bancaire entreprend lui aussi des transformations. Erida Gervais est consultante en finance de marché pour le cabinet Novencia et a conseillé plusieurs banques. Elle estime que les organisations "essayent de changer les pratiques managériales et d'introduire plus d'agilité, mais dans les grandes entreprises, ce n'est pas toujours évident". Une des clés, selon elle, est de faire en sorte que les équipes se sentent valorisées, adhèrent au projet, mais un des principaux obstacles est le manque de temps pour développer cette cohésion, face au "marathon permanent" des projets. Pour elle, le manager n'est pas "juste là pour chapeauter un projet. Il doit vraiment être au coeur de son équipe, et pas simplement au-dessus d'elle. Son rôle est plutôt de rassembler les solutions proposées par chacun, et de connaître les différences de compétence de chacun". Elle remarque que les outils tels que les plateformes collaboratives ou les boites à idées commencent à bien fonctionner dans les entreprises qu'elle conseille.
Impliquer le terrain dans les réformes managériales
"Quand pendant 20 ans on ne demande pas leur avis aux gens, il leur faut du temps pour s'exprimer"
Mais quand une entreprise a institué une culture hiérarchique pendant des années, il est difficile de s'en défaire. "Nous sommes en train de réorganiser nos usines, explique Laure Delaby, responsable des ressources humaines chez le groupe de cosmétique Naos, et nous voudrions que les idées viennent du terrain. Mais quand pendant 20 ans on ne demande pas leur avis aux gens, il leur faut du temps pour s'exprimer". Changer la culture managériale est long et ne peut se faire en un jour. Des membres d'Orange Labs, la division Recherche et développement de l'opérateur de téléphonie, testent par exemple des initiatives sur de petites entités du groupe.
Certaines organisations ne voient toujours pas l'intérêt de remettre à plat leur management. Si 18 entreprises ont participé au Hackathon du Management, Frédéric Rey-Millet assure avoir essuyé 90% de refus. "Les gens ici ont de l'appétence pour les questions managériales, mais de nombreuses entreprises ont refusé de participer pour, selon moi, de faux prétextes : budget, timing..."
L'impulsion doit venir de la direction, mais la mise en application doit venir du terrain.
Mais le changement des pratiques managériales doit-il venir du haut ou du bas ? Pour Frédéric Rey-Millet, l'impulsion doit venir de la direction, mais la mise en application doit venir du terrain. "La Sécurité Sociale belge a révolutionné ses équipes pendant trois ans avant d'en parler au ministère, et celui-ci n'a accepté ses changements que parce qu'il en voyait déjà les résultats. Les expérimentations doivent se faire au niveau local, sans que la direction ne soit tenue au courant dans un premier temps."
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