Marc Sauvage, président de la Cdaf : " La Cdaf doit devenir une organisation encore plus influente "
Neuf mois après que Marc Sauvage a officiellement pris les rênes de la Cdaf, il était temps de faire le point sur les grands chantiers et orientations stratégiques de la Cdaf dans les années à venir avec celui qui est aussi le directeur des achats et des affaires juridiques de la région Centre.
Je m'abonneEn passant de directeur achats adhérent à celui de président, en quoi votre regard sur l'association et sa mission a-t-il changé ?
Marc Sauvage : j'ai intégré le conseil d'administration de la Cdaf l'été dernier et j'en ai pris les rênes à la fin de l'année dernière. D'un point de vue opérationnel, j'ai passé 24 ans au sein du groupe Bouygues (construction puis télécommunications) et je suis dans les achats depuis 2007. Après avoir débuté par les achats de réseaux, j'ai pris en charge tous les achats de Bouygues Telecom en 2009, année où j'ai pris mon adhésion à la Cdaf. Quand on y arrive, on voit surtout les possibilités de networking et de forum où s'échangent des informations sur le métier. Une fois à l'intérieur, on prend toute la mesure des ramifications régionales de la Cdaf et du rôle de ces régions dans la gouvernance de l'association. L'ancrage national de la Cdaf est une de ses forces et c'est un des points qui la différencie d'autres clubs ou structures achats. Deux tiers de nos adhérents [NDLR : plus de 1800 adhérents au total dont 600 environ sur l'Ile-de-France] sont en régions.
La Cdaf est une marque qui possède une notoriété certaine et qui s'appuie à la fois sur cet ancrage national mais aussi sur une équipe solide de 4 permanents dont François Girard, le délégué général et 3 chargé(e)s de développement qui se répartissent les régions et les délégations et le travail relatif aux adhésions et aux manifestations. L'attractivité du réseau est forte naturellement, notamment grâce à son réseau et la Cdaf est aussi représentative de la profession en termes de taille et d'équilibre entre les secteurs public et privé et elle offre une couverture large des divers aspects de la profession d'acheteur. Le Club des Directeurs Achats est aussi à mes yeux un des piliers de la Cdaf en termes d'apports de contenus mais nos adhérents ne le savent pas suffisamment. Nous y avons abordé récemment le thème des achats Made in France et de la relocalisation et c'est important que les acheteurs se positionnent sur ce type de thématique. Quand on traite d'un sujet comme celui-là, nos adhérents doivent ensuite retrouver en ligne les contenus correspondants à ces séances de travail ou d'échanges. Tous les secteurs sont représentés aussi bien dans le public que dans le privé et mon élection est aussi un signe fort d'ouverture plus large vers le secteur public.
En interne, je tiens à donner plus de responsabilités et plus de poids aux régions, notamment en restaurant le comité directeur où les régions peuvent venir s'exprimer. Responsabiliser plus les régions, cela veut dire aussi leur demander de s'engager sur des actions concrètes. Chaque région a une base d'adhérents à gérer. Elle a des objectifs quantitatifs de conquête d'adhérents à remplir et des objectifs qualitatifs de services à délivrer à ses adhérents tels qu'organiser des manifestations, faire des signatures de charte en région, animer des GEB, etc.
En quoi vous inscrivez-vous dans une continuité et en quoi souhaitez-vous imprimer votre propre marque à la Cdaf ?
Pour moi, il ne s'agit pas de rompre avec le passé mais de s'appuyer sur cet héritage pour construire de nouveaux projets. En tant qu'ancien directeur des achats d'un groupe privé et nouveau directeur achats d'une structure publique, je pense pouvoir faire la synthèse de la diversité du métier d'acheteur avec le conseil d'administration. Mon souhait est de coller au plus près aux attentes des directions achats aujourd'hui. La Cdaf se doit d'être un lieu d'échange et une plateforme de contenus. Pour cela, il nous faut être plus à l'écoute de nos pairs.
Lire aussi : Spaser : les acheteurs publics en ordre de marche
En prenant les rênes de la Cdaf, avez-vous pris le temps de cette écoute justement ?
Nous avons beaucoup débattu au sein du conseil d'administration des attentes des régions et de l'équipe en centrale à Paris. J'ai fait le tour de mon réseau personnel de directeurs achats pour leur demander ce que représentait pour eux la Cdaf et quelles étaient leurs attentes vis-à-vis d'elle.
Quelles sont les orientations stratégiques et chantiers-clés de la Cdaf ?
Une de nos ambitions est de développer et de rendre plus facilement accessibles à nos adhérents les contenus existants mais aussi d'en développer de nouveaux. Nous souhaitons ainsi les fidéliser et leur donner envie de revenir encore plus souvent à la Cdaf. Ce sera un des chantiers du comité stratégique que nous avons mis en place au sein de notre association et qui est animé par Jean Bouverot, chef de la mission achats et responsable ministériel des achats du Ministère de la défense. Nous voulons aussi mieux promouvoir notre action auprès de nos adhérents et de toutes nos parties prenantes.
Si vous deviez citer 3 points forts et 3 points à améliorer pour la Cdaf, quels seraient-ils ?
Les points forts sont l'autorité et l'attractivité de la marque, la représentativité de la Cdaf et le contenu qu'elle apporte à ses adhérents. Parmi les points à améliorer, je mentionnerais l'image qui est à redynamiser, le renforcement du rôle de la Cdaf en tant que passerelle entre les achats responsables sur le terrain et les aspects business et performance économique et la mise en valeur de tout ce que nous produisons aujourd'hui en termes de contenus. Les directions achats, par ailleurs, s'expriment assez peu sur des prévisions, des indices, la captation de l'innovation, leur vision de l'évolution des marchés : la Cdaf peut constituer un relais de parole intéressant à cet égard. Notamment vis-à-vis de fédérations portant la parole de fournisseurs.
Lire aussi : Les achats, fer de lance des politiques publiques ?
Comment allez-vous orchestrer concrètement cette évolution ?
Cela passe par plus de proximité avec les directions générales et aussi par un renforcement des contenus et la mise à disposition des acheteurs d'outils idoines pour y parvenir. Aujourd'hui, quand on adhère à la Cdaf, il faut qu'on puisse y trouver du contenu (études, outils, référentiels, publications, etc.). Nous venons à ce propos de sortir une revue Excellence Achats axée sur la recherche Achats. Notre problématique aujourd'hui est de passer du statut d'organisation de référence à celui d'organisation influente afin d'être plus entendus des directions générales et des autres fonctions de l'entreprise en général. Nous ne sommes pas inexistants loin de là dans les entreprises mais nous devons franchir un seuil de plus pour nous positionner à un échelon plus stratégique.
Le contenu semble être un enjeu stratégique. Quels autres projets avez-vous en termes de communication ?
Nous allons retravailler la charte graphique de notre logo et revoir notre site internet pour le rendre plus convivial et agréable à consulter. Cela veut dire aussi qu'en termes de budget, il nous faudra être plus ambitieux pour initier un cercle vertueux : un site plus attractif avec plus de contenus attirera plus d'adhérents. Il faut entrer dans une dynamique de conquête et de reconquête. La notion de réseau aujourd'hui est nécessaire mais pas suffisante. Le nouvel adhérent doit pouvoir se connecter sur le site et y trouver de la communication, des éléments de recherche, des indicateurs, des clauses contractuelles types, des livrables sur l'évolution de la profession d'acheteur, sur la recherche achats...
Les GEB (groupes d'études et de benchmark) constituent aussi une des spécificités de la Cdaf. Ils existent depuis très longtemps. En plus des GEB couvrant des familles d'achats (services bancaires, télécommunications, transport, sécurité, etc.) en particulier, nous avons des GEB plus transversaux comme le GEB Achats publics par exemple. Nous avons toute la matière nécessaire, à nous de mieux la mettre en avant. A terme, nous aimerions aussi avoir notre propre évènement annuel du type conférence annuelle avec des tables rondes, en dehors des Trophée des Achats qui ont plus pour but de valoriser des initiatives et des actions remarquables de services achats. Le comité stratégique doit produire des recommandations à ce sujet aussi. Cet évènement ouvert à tous les acheteurs viendrait compléter utilement le club des directeurs achats, le club des managers achats et les trophées.
Le label relations fournisseurs responsables fait naturellement partie des chantiers-clés de la Cdaf ?
Avec 400 signatures aujourd'hui (NDLR : Vivendi l'a signé le 8 juillet dernier), on ne peut plus dire que c'est un épiphénomène. Au contraire, c'est un vrai succès et les entreprises qui y adhérent le font par conviction. Avec le label, nous ne sommes plus dans la promesse mais dans la mesure de ce qui a été fait et la différence est de taille. On signe la Charte et on l'applique. Cela crédibilise le contenu de la Charte et la démarche des signataires qui évaluent de facto leur capacité à faire des achats responsables en mesurant des indicateurs concrets (délais de paiement, respect de la propriété intellectuelle, etc.). La labellisation s'accompagne de la mise en place de plans de progrès, si nécessaire.
Comment se fait ensuite le contrôle des entreprises labellisées ?
Il est fait tous les ans. Le label peut être retiré et au bout d'une période de 3 ans, l'entreprise est réauditée. Cela oblige les entreprises labellisées à être irréprochables et à surveiller en interne les défauts de traitement ou manque de cohérence des données collectées au niveau des ERP par exemple. C'est une question de crédibilité.
Quid des achats responsables ?
Concernant les enjeux-clés de notre métier, les achats responsables constituent un dossier de fond sur lequel la Cdaf a déjà pris des positions fortes et des engagements fermes. Je tiens à rendre hommage à ce sujet au travail accompli par mon prédécesseur Pierre Pelouzet. Les achats responsables représentent le garde-fou des acheteurs mais la reconnaissance ultime de l'acheteur se trouve dans la performance économique de l'entreprise et dans la recherche de l'innovation. A nous aussi à la Cdaf d'apporter une nouvelle vision, une nouvelle dimension sur ce dossier de la contribution des acheteurs à la performance économique et à la stratégie d'entreprise.
Il y a aussi une dimension de filière derrière l'engagement à respecter la Charte. Où en sont les accords de branche à cet égard ?
Nous sommes en effet en train de décliner la Charte dans les filières et nous avons franchi le pas avec le secteur de la communication (CoMMedia). Dominique Scalia qui en est le président, a demandé à ses adhérents de s'auto-évaluer sur l'application de la Charte. Nous comptons poursuivre la déclinaison opérationnelle de la Charte dans d'autres branches et filières telles que le numérique, la plasturgie, l'agroalimentaire,.... Et les directeurs achats sont tout à fait légitimes pour faire vivre cette notion de filière au sein de leurs entreprises. Dans le cadre de ces accords de branche, il y a notamment des travaux qui sont menés pour établir des clauses types utilisables dans les outils contractuels réglementant les rapports entre fournisseurs et donneurs d'ordre, la propriété intellectuelle étant une des thématiques majeures abordées dans ce cadre. Ce type de document, comme des clauses types d'achats de prestations intellectuelles par exemple, c'est typiquement le genre de contenus que nous voulons à terme mettre à la disposition de nos adhérents sur le site de la Cdaf.
Quel modus vivendi souhaitez-vous instaurer avec d'autres organismes tels que l'ObsAR ou Pacte PME ?
Nous travaillons sur la lisibilité de notre action et cela inclut évidemment notre positionnement et notre collaboration avec les organisations collègues telles que celles que vous venez de nommer. La Cdaf est un des membres fondateurs de l'ObsAR, le but étant d'élargir la dimension des achats responsables notamment en incluant dans notre initiative des directions du développement durable. Nous réfléchissons ensemble à rendre notre action plus lisible vis-à-vis de nos adhérents respectifs. Pacte PME est un partenaire important. On doit renforcer la visibilité des liens que nous avons avec eux. Nos adhérents peuvent avoir un accès aux actions de Pacte PME via la Cdaf.
Vis-à-vis du Medef et de la CGPME, quelle est votre position ?
Jean-Pierre Rouffet, directeur achats de Legrand et membre du conseil d'administration de la Cdaf, siège déjà à la commission du Medef mais naturellement je tiens à renforcer les liens avec ces organismes. C'est essentiel pour la Cdaf.
Quelles réflexions menez-vous également sur les actions à mener avec les établissements de formation des futurs acheteurs ?
Plusieurs écoles sont adhérentes de la Cdaf. Nous ne faisons plus de formation puisque Cdaf Formations a été revendue à l'Eipm. Il n'y a donc aucune concurrence entre nous et les écoles. Nous faisons régulièrement intervenir les écoles à la fois pour leur faire remonter les besoins en formation des acheteurs et partager avec eux notre vision du métier (" du cost killer au soft skiller "). Récemment, nous sommes intervenus à Audencia School of Management dans le cadre de l'Ipsera, organisme de recherche international sur les achats.
Créer des ponts avec les autres associations d'acheteurs à l'échelon européen fait-il partie de vos ambitions ?
Oui bien sûr. Les directeurs achats membres de la Cdaf ont des postes qui ont de fait une dimension internationale. Beaucoup de grands groupes français installent aussi leurs directions achats à l'étranger comme Schneider Electric à Hong Kong ou Degrémont à Shanghai. Donc sortir du seul contexte hexagonal, s'ouvrir aux bonnes pratiques venues d'ailleurs voire créer un réseau international, tout cela fait partie de nos réflexions actuelles. Nous avons des homologues internationaux dont nous ne nous sommes jamais vraiment rapprochés et nous avons des choses à faire dans ce domaine.
Décision Achats : Merci pour cet entretien.
- Continuer à être l'organisation de référence des achats, interlocuteur légitime des acteurs de l'économie,
- Positionner la fonction sur le management des ressources externes et des écosystèmes,
- Poursuivre les actions engagées autour du déploiement de bonnes pratiques achats,
- Capitaliser sur la force de son Réseau et apporter du service et du contenu
La Cdaf compte près de 2 000 adhérents, acheteurs managers et directeurs achats. Première association dans le monde des achats en France, elle compte parmi ses membres la plupart des entreprises du SBF 120, totalisant plus de 250 Mds d'euros d'achats, dans tous les secteurs d'activité de l'économie. Dans sa logique d'ouverture et de développement des filières, la Cdaf compte également de nombreux dirigeants de PME et TPE, ainsi que des entités publiques, Etat et collectivités territoriales.