Les secrets de management de l'ancienne leader de la Patrouille de France
Première femme leader de la Patrouille de France, Virginie Guyot se consacre désormais au conseil aux entreprises. Elle y partage son expérience de ce métier de l'extrême où l'individu est au service du collectif.
Je m'abonne La douceur de sa voix n'a d'égal que son engagement. Virginie Guyot, quarante ans, ancienne pilote de chasse de l'armée de l'air, a été la première femme à intégrer la Patrouille de France avant d'en assurer le commandement: une première mondiale. Elle a vite fait de balayer cette question, par humilité mais aussi en mode "et alors?". Même si elle se souvient de son quotidien, pas si lointain, à la base aérienne 701 de Salon-de-Provence: "On est chaque jour confronté à des situations extrêmes." C'est pour cette raison que la Patrouille a mis en place un système très intéressant de recrutement. "On est neuf pilotes; huit, plus un remplaçant. Chaque année, tout le monde change de poste: trois partent et trois nouveaux arrivent."
Toute notre énergie est mise au service du collectif. D'ailleurs, la Patrouille de France est connue dans le monde entier mais qui peut citer un nom de pilote? C'est très significatif.
Il y a bien sûr une sélection en amont parmi ces volontaires, pilotes de chasse de l'armée de l'air qui doivent détenir la qualification de chef de patrouille et afficher au moins 1500 heures de vol sur avion à réaction pour postuler. La plupart ont d'ailleurs une expérience de conflit, l'Afghanistan en ce qui la concerne.
Ensuite, leur grand oral, c'est une journée à Salon, avec deux vols d'entraînement en place arrière. "Cela permet de voir ce qui les attend. Ils passent ensuite un entretien avec toute l'équipe en place." Pour Virginie Guyot, il est important d'avoir la main sur la sélection: "La confiance est hyper importante. Tous les jours, on met notre vie entre les mains de notre coéquipier et vice-versa!" Car ce dont la Patrouille a besoin, "c'est de gens avec qui on peut performer dans la durée, dans les bons comme dans les mauvais moments". Pour cela, il faut, au-delà des compétences techniques, une motivation sans faille et des qualités humaines sur lesquelles l'équipe se penche "de manière très collaborative".
Objectif commun
Puis la patrouille coopte son leader, qui est forcément un officier de carrière et doit avoir été charognard. "C'est un poste-clé, qui suit le leader de très près... et reçoit du kérosène et des fumigènes pendant le vol." Ainsi constituée, l'équipe (leader, intérieurs, charognard, extérieurs, solos et remplaçant) partage un objectif commun: se mettre au service du pays pour faire de la Patrouille de France la plus belle vitrine de l'armée de l'air. "Toute notre énergie est vraiment mise au service du collectif. D'ailleurs, la Patrouille de France est connue dans le monde entier mais qui peut citer un nom de pilote? C'est très significatif", juge Virginie Guyot.
Le mauvais côté, "c'est l'aspect frustrant de ce turnover. On vit de façon très intense. C'est dur de partir. Mais cela nous pousse un peu plus à donner le meilleur de nous-mêmes pendant un an". La patrouille acrobatique partage en effet son temps entre saisons hivernale et estivale. La première est dévolue à l'entraînement: "On vole tous les jours à des endroits différents, pour éviter les excès de confiance et les baisses d'exigence."
L'été est consacré aux manifestations aériennes, 14 juillet et autres passages au-dessus du ciel du Stade de France, cette année... Virginie Guyot compare d'ailleurs volontiers la Patrouille à l'équipe de France: "Il faut avoir une hygiène de vie irréprochable, car il n'est pas question de partir en vol à 50% de ses capacités." Il est donc important de connaître ses limites. L'entraînement sportif est quotidien et obligatoire, renforçant encore la cohésion. "Tous les matins, on a une séance de musculation avant les vols. En fin de journée, c'est une heure, une heure et demie de sport collectif. Cela permet d'éprouver la vie d'équipe dans un milieu autre, et constitue un excellent sas de décompression."
Cohésion
Autre temps fort de partage, le stage en montagne: "Pendant une ou deux semaines, pas de vols! On a quelques petites obligations de représentation, le reste du temps est consacré à différents sports d'hiver (ski, parapente, raquettes...). Tous ensemble, quel que soit notre niveau. Cela permet de se dépasser autrement, et de nous rassembler." Des liens très forts qui sont maintenus ensuite. "On fait tous partie de l'association des anciens pilotes, et on se retrouve chaque année à Salon. Une tradition à laquelle personne n'a envie de couper." Surtout qu'à ces rassemblements participent des anciens qui ont piloté dans les années soixante. "C'est un honneur. On apprend énormément d'eux et cela développe le sentiment d'appartenance à une communauté."
Après un passage par l'état-major, elle a quitté l'armée de l'air en 2015. "Une décision mûrie, pour des raisons à la fois personnelles et professionnelles." Car une telle vie, "où le temps partiel n'existe pas", exige aussi beaucoup du conjoint qui assume le quotidien, reconnaît Virginie Guyot. "J'ai pas mal donné, fait tout ce que je rêvais d'y faire. J'avais besoin de me recentrer sur ma famille, et que mon mari, officier de gendarmerie, puisse lui aussi s'épanouir professionnellement." Des regrets? Voler lui manque indubitablement: "On a du mal à s'en passer, parce que c'est magique, même quand on le fait tous les jours dans un cadre professionnel. C'est une passion dévorante. D'ailleurs, il y en a qui volent le week-end pour le plaisir!" Mais elle se félicite de son choix: "C'est intéressant d'avoir plusieurs vies. J'explore différentes façons de servir mon pays. J'ai monté ma structure de conseil, je donne des conférences, je m'investis dans le monde associatif, ce que je ne pouvais pas faire avant."
Mais elle prévient: "Il n'est pas exclu que j'y retourne un jour!"
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