Désapprendre pour se réinventer et gagner des parts de marché en se développant ?
Spécialiste de l'innovation, Eric Dosquet, d'ailleurs Chief Innovation Officer au sein d'Avanade explique pourquoi nous ne pouvons pas faire autrement que d'évoluer. Pour autant pour que cette évolution réussisse en entreprise, il entrevoit 5 critères indispensables.
Je m'abonneL'humanité est une perpétuelle réinvention. Nos corps, produits de milliards d'années d'évolution, se renouvellent en permanence orchestrés par nos ADN, influencés par un environnement toujours plus malmené et " augmentés " par une technologie plus performante.
Cette réinvention permanente, vers une finalité ou une causalité qui nous échappent encore, n'est possible qu'au prix du deuil des paradigmes passés. Cette vérité universelle se vérifie partout. Dans la santé, par exemple, aux gris-gris ont succédés les saignées, puis l'hygiénisme et les antibiotiques avant que la thérapie génique ou les vertus des ondes n'apportent leur contribution à nos quotidiens.
Tout ce qui n'évolue pas à vocation à disparaître résumait Darwin. Cet évolutionnisme trouve sa rémanence dans une réalité économique. Qui se souvient de la compagnie des Indes orientales, des automobiles Panhard-Levassor ou des avions Voisins, entreprises pourtant pionnières à l'heure des nouvelles conquêtes ou soutenues par une puissance étatique de tout premier plan ?
Ainsi, créer n'est pas une finalité mais un commencement qui appelle une nécessaire remise en question, une impérieuse obligation de se réajuster. En un sens, d'oser désapprendre. Nos nouveaux défis sont la réalité mixte, l'intelligence artificielle ou la robotique. A cette aune, nos anciens conditionnements deviennent obsolètes, il nous faut en apprendre de nouveaux.
Le management en environnement incertain appelle une certaine humilité. Gageure quand il s'agit d'incarner une certaine vision, évidence pourtant quand il s'agit de fédérer une intelligence collective.
Le nécessaire renouvellement mis en évidence ne peut devenir possible que par l'exemple du leader qui saura encourager la mise en place d'un cadre idoine et dont on peut définir les contours comme suit :
- Co-construire la vision
La vision appelle un élan, une envie, une inspiration.
Cette vision doit être accessible et appropriable par les membres de l'équipe agile afin qu'elle se matérialise au quotidien et constitue un carburant fort, y compris dans les tâches les plus difficiles. Une des clefs de cette appropriation est la co-construction, c'est-à-dire l'élaboration commune et partagée par l'équipe. Le meilleur levier reste l'émotion plutôt que la raison - le " why " de Simon Sinek. En effet, la vision appelle un élan, une envie, une inspiration. C'est une sémantique propre aux leaders, aux inspirateurs, aux prophètes, ceux qui marquent une nouvelle ère, une nouvelle (r)évolution à large échelle. L'inspiration se nourrira des hommes mais aussi des innovations. Comment envisager une organisation à l'ère de l'intelligence artificielle, par exemple.
- Nourrir la collaboration
Le leader est celui qui est capable de comprendre les mécanismes internes du groupe, ceux qui fonctionnent bien, ceux qui nécessitent un ajustage. C'est ici que le leader agit au service de l'équipe, de manière décentralisée, par touches, par influence.
La collaboration est consubstantielle de la vision. Il s'agit d'une marche bipédique où une suite de déséquilibres permet d'aller de l'avant à un rythme plus ou moins rapide, voire en sprint. Les nouveaux outils collaboratifs que sont Office 365, Skype ou Team permettent une nouvelle fluidité, de nouvelles formes d'efficacité.
- Promouvoir la performance
Promouvoir la performance c'est aussi désapprendre le management par la hiérarchie
Le rôle du leader est d'identifier les potentiels de chacune des parties constituantes de l'équipe afin de promouvoir les plus efficaces, maintenir l'émulation par l'exemple. Sont également promues ici, la confiance portée et l'attribution de nouvelles compétences par " délégation de pouvoir ". En un sens, promouvoir la performance c'est aussi désapprendre le management par la hiérarchie, aplatir la pyramide organisationnelle et " tuer le père " dans une acceptation sociale.
- Le droit à l'erreur
Drame de notre inconscient collectif, la mentalité française abhorre les perdants sans comprendre qu'il n'y a pas de victoires sans défaites. Et pourtant, nos figures tutélaires ont connu leurs moments faibles. Bonaparte est revenu à pied d'Egypte, De Gaule a perdu plus d'une bataille et, plus anecdotiquement, Zidane a dû partir sur un coup de tête.
Personne ne peut réussir sans échouer. Désapprendre l'expérience de l'échec et l'accepter pour peu qu'il soit rapide et documenté permet de refermer définitivement une option qui méritait d'être explorée. Oser désapprendre, c'est s'offrir l'opportunité de progresser.
- " Employee first "
A la fois solution et problème, le management par les KPI apporte une vue certes précise des résultats mais s'éloigne d'une compréhension des réalités impalpables. Désapprendre son management, c'est aussi se réapproprier l'humain, oublier le quantitatif pour en comprendre le qualitatif, en un mot : réussir.
" A company is a people " explique Richard Branson. L'employé est devenu une ressource et parfois même un actionnaire. On parlera de capital humain à l'heure où la mobilité et les sollicitations des collaborateurs se fait toujours plus grande.
" Pour que rien ne change, il faut que tout change "
La brutalité des changements techniques, sociétaux et économiques a précipité les formes d'organisations les plus rigides. Désapprendre les règles d'un monde qui change n'est plus une défiance mais une intelligence, celle d'une adaptation darwinienne qui a fait d'un organisme monocellulaire un explorateur des confins de l'espace. L'entreprise, entité sociale vivante, n'échappe pas à la règle faisant sienne la devise du Guépard de Visconti " pour que rien ne change, il faut que tout change ".
L'auteur:
Eric Dosquet, Chief Innovation Officer d'Avanade, intégrateur mondial de solutions Microsoft, a précédemment co-fondé un accélérateur (Athene Partners, 2010) et un incubateur IoT et robotique (Well, 2014). Co-auteur de plusieurs livres sur l'IoT, le marketing mobile et l'innovation, il est administrateur indépendant de start-up en France, en Suisse et aux États-Unis.
Classé dans le top 20 des influenceurs de l'IoT en France, Eric est diplômé de Paris-Dauphine et HEC.
En complément:
Transformation digitale : quels freins pour les directions commerciales ?
[Interview] Navi Radjou: "Arrêtez de vendre plus, soyez frugal !"
Tout comprendre du phénomène de l'entreprise libérée
Passez au management 3.0 (c'est urgent !)