75% des entreprises françaises sont passées à la facturation électronique
Depuis le 1er janvier, la facture électronique est devenue obligatoire pour les grandes entreprises dans leurs échanges avec l'administration. Si 75% déclarent l'utiliser, elles sont toutefois une minorité à respecter les exigences règlementaires. C'est le résultat d'une étude menée par GS1 France.
Je m'abonneSur 483 entreprises interrogées, 75% disent utiliser le format électronique pour leurs échanges de factures, entrantes et sortantes. Le papier reste toutefois le premier moyen de facturer, avec 94% des factures entrantes et 89% des factures sortantes, suivi du PDF et de l'EDI (échange de données informatisé). Les ETI et les grands comptes déclarent faire davantage de facturation électronique (80%) que les TPE / PME (60%).
Pour ces entreprises, le recours à la facturation électronique se justifie par une volonté de gagner à la fois du temps et de l'argent, de rendre plus fluides leurs processus mais aussi de se conformer à la loi. Sur ce dernier point, une ordonnance du 24 juin 2014 a établi un calendrier de mise en application de l'obligation du recours à la facturation électronique pour tous les fournisseurs de l'administration française. Ainsi depuis le 1er janvier 2017 les grandes entreprises et personnes publiques doivent être en mesure d'émettre des factures par voie électronique. Au 1er janvier 2018 l'obligation s'imposera aux entreprises de taille intermédiaire, au 1er janvier 2019 aux petites et moyennes entreprises et au 1er janvier 2020 aux microentreprises.
La facturation électronique, pour quels bénéfices?
Pour les factures entrantes, la productivité (48%), la réduction des litiges (47%) et la réduction des délais de traitement (47%) sont les premiers bénéfices cités par les entreprises. Pour les factures sortantes, la productivité (49%), la fluidité des processus dans l'entreprise (48%) et la réduction des délais de traitement (42%) sont placés en tête des bénéfices constatés suite à la mise en place de la facturation électronique.
Toutefois, pour environ 50% des répondants, la gestion du changement (46%), le manque de formations adaptées (48%) et les exigences règlementaires (51%) sont des freins à la mise en place de la facturation (factures entrantes). Pour les factures sortantes, c'est d'abord le coût du projet (48%), le manque de compétences internes (46%) et de formations adaptées (45%) qui refroidit les entreprises.
D'ici 2018, 82% des entreprises sondées déclarent vouloir généraliser le processus de facturation électronique (100% des répondants au-delà des 5 ans).
Seulement 30% respectent les exigences réglementaires
30% des entreprises interrogées disent respecter les exigences liées à l'établissement des factures électroniques.
Le Code général des impôts impose trois modes de transmission, au choix des entreprises:
- la signature électronique avancée fondée sur un certificat qualifié (on la voit peu surtout par rapport à l'EDI dans la grande distribution, la pharmacie et l'automobile)
- l'EDI complet ou échange de données informatisé, avec des obligations en termes d'historique des échanges et de liste des partenaires commerciaux. Il est directement intégré dans le process comptable et permet de générer les données de facturation afin qu'elles soient intégrées, chez l'émetteur et le récepteur. C'est un mode lourd qui nécessite une mise en conformité des deux bouts de la chaîne.
- pour les factures papier et électronique non conformes (PDF envoyés par mail, factures mises à disposition sur des portails sécurisés, EDI ou signature incomplet ou non qualifié...), l'obligation de mettre en place des contrôles documentés et permanents permettant d'établir une piste d'audit fiable entre la facture émise ou reçue et la livraison des biens ou prestations.
"La piste d'audit a perturbé les entreprises" note Marion Taylor, avocate au cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre. Ces contrôles organisés et permanents choisis par l'entreprise et mis en oeuvre sous sa responsabilité sont destinés à garantir l'authenticité, l'intégrité et la lisibilité des factures, à maîtriser le fonctionnement du système d'émission, transmission et réception, et à garantir que les factures correspondent à une opération effectivement réalisée. "Ils doivent permettre de vérifier le lien entre un paiement et un document d'origine relié à un fournisseur" précise Marion Taylor. Les entreprises doivent présenter un document retraçant l'intégralité des contrôles en cas d'audit. Il y faut décrire tous les contrôles effectués, manuels ou électroniques... "Si l'entreprise n'arrive pas à les démontrer, elle se voit rejeter l'intégralité de ses droits à déduction de la TVA. Face à cette menace, il faut se préparer, écrire quelque chose et le faire vivre. Il est impératif de faire des tests" conseille la professionnelle.
Le PDF au coeur des débats
D'après l'étude, le PDF avec signature électronique est le format le plus utilisé en facturation électronique. Or, au départ, tout le monde n'était pas d'accord sur la définition de la facturation électronique. La directive européenne transposée dans le CGI parlait des factures "émises et reçues sous une forme électronique quelle qu'elle soit". Ce texte a été sensiblement modifié au moment de son intégration dans les commentaires de l'administration fiscale qui a ajouté "des factures créées, émises et reçues". Une distinction subsiste entre le PDF natif, intégralement généré sous format électronique et envoyé sans rupture, et le PDF converti, créé à partir d'un fichier papier scanné, que l'administration fiscale ne considère pas comme un fichier électronique. Problème: les entreprises, confrontées à une certaine volumétrie des factures, sont souvent dans l'incapacité de dire si c'est un "vrai" ou un "faux" PDF.
L'administration fiscale semble toutefois s'assouplir sur ce point, notamment face à des fournisseurs étrangers pour qui les PDF sont des factures électroniques, natifs ou convertis. "L'enjeu est bien la préservation des droits à déduction de TVA portés sur la facture. Il faut être en possession d'un document original, là est la difficulté" rappelle Marion Taylor.
La standardisation en cours aux niveaux européen et français
Aujourd'hui, les petites entreprises restent en marge des déploiements EDI, qui requièrent des équipements lourds. La Commission européenne a dressé le constat de l'insuffisance de l'harmonisation, même après la publication de la directive imposant la facture électronique en réception BtoG dans tous les États membres. Elle a ainsi mandaté le Comité européen de normalisation pour travailler à la normalisation de la facture électronique sur un modèle sémantique, c'est-à-dire accorder les États membres sur le contenu, les éléments d'une facture. Un travail de définition a été entrepris et une liste de syntaxes a été arrêtée, qui devront être acceptées par les entreprises publiques. En France, ces factures adressées au secteur public passeront par la solution Chorus Portail Pro 2017.
La Factur-x, un nouveau format pour réconcilier toutes les tailles d'entreprise
80% des volumes sont faits avec 20% des fournisseurs. Comment accompagner les 80% restants dans l'accès à la facture électronique, sur un marché guidé par les grands acheteurs? Le Forum national de la facture électronique travaille à la création d'un format dit mixte, ou Factur-x, qui devrait permettre de déployer la facture électronique avec les TPE et les PME. La Factur-x associe deux formats, une facture PDF lisible pour l'être humain, et des données XML structurées exploitables par les SI, afin d'aider à l'automatisation de l'implémentation des données contenues dedans. "L'EDI est un outil robuste pour les grandes entreprises qui cherchent à massifier et gagner en productivité dans leurs échanges de factures mais l'enjeu concerne l'ensemble des autres entreprises clientes ou fournisseurs, qui doivent aussi tirer parti de cette technologie. Il faut varier les deux approches, garder le contrôle visuel et pouvoir faire des traitements automatiques. Pour embarquer les nouveaux fournisseurs et notamment les plus petits, la Factur-x permet de franchir ce cap" explique Émilie Sion, chef de projet chez GS1 France.
Accélérer son développement dans l'intérêt des PME
Les travaux du FNFE-MPE, du CEN et de l'Afnor ont pour objectif d'accélérer l'adoption et le déploiement de la facturation électronique. Afin de rationaliser l'échange des factures, la technologie XML n'a pas été retenue de manière obligatoire mais plutôt optionnelle. L'objectif de la norme est de déterminer l'ensemble des données métiers avec leur définition dans une facture intersectorielle, avec l'ensemble des informations définies pour que les deux développeurs puissent l'implémenter de la même façon sans se parler. La norme sémantique définit les business termes d'une facture et a ainsi vocation à s'étendre ou à s'astreindre selon les spécificités de certains pays (TVA en deux monnaies dans certains pays).
"L'objectif de la facture électronique est d'accélérer les délais de paiement ou diminuer les retards. Il faut donc accélérer les traitements et faire en sorte que les SI puissent traiter les factures. Pour ce faire, ils ont besoin de connaître les informations contenues dans les factures. Il faut donc définir un moyen commun et connu de tous par lequel il n'y aurait pas besoin de se parler" précise Xavier Barras, directeur des opérations chez GS1 France. Ainsi, les entreprises pourront disposer d'un seul outil de facturation permettant de partager leurs factures avec l'ensemble de leurs partenaires, sans avoir à faire d'intégration client par client. Avec une telle facilité de déploiement, elles seront plus à même de faire jouer la concurrence, de baisser leurs coûts en limitant la gestion des formats, de réduire les délais de traitement, et d'obtenir in fine un meilleur recouvrement.
Retour d'expérience - Saint-Gobain Distribution Bâtiment
Saint-Gobain Distribution Bâtiment a mis en place l'EDI il y a 20 ans. Ainsi, ce sont près de 21 millions de lignes de commandes qui passent en EDI et 3 millions de factures reçues en EDI, soit 75% de leur flux. "300 de nos fournisseurs pratiquent l'EDI sur plus de 5.000, c'est un très petit nombre mais c'est beaucoup en proportion de factures. Aujourd'hui on est arrivé au bout de ce qu'on pouvait faire en EDI: il reste des fournisseurs récalcitrants qui ont des volumes significatifs supérieurs à 1500 factures/an sur l'ensemble du groupe" explique Pierre Bonsack, chef de projet EDI chez Saint-Gobain Distribution Bâtiment.
Les factures sortantes sont à destination de clients artisans ou de TPE. 900.000 factures sont expédiées chaque mois. "C'est un flux conséquent qu'on espère pouvoir déployer plus que ce qu'on fait aujourd'hui. On fait de l'EDI avec des grands comptes mais peu de factures sortantes sont passées en EDI" poursuit Pierre Bonsack.
Une partie des factures papier sont scannées dans un flux de traitement électronique. Elles sont passées dans un OCR pour la reconnaissance de caractère afin de les intégrer dans le SI. Le chef de projet reconnaît que les factures scannées et PDF représentent peu de gains de productivité. "Il faudrait pouvoir intégrer ces données sans passer par la reconnaissance de caractères. La solution naturelle est le format Factur-x sur lequel on compte beaucoup. Nous espérons que les éditeurs vont proposer des solutions à leurs clients puisque sans outil, intégrer ces factures mixtes manuellement risque d'être difficile" avoue-t-il.
Pour Pierre Bonsack, la difficulté inhérente à l'EDI est la précision que le format requiert. Il attend donc de la facture mixte de pouvoir compléter à la main si une donnée est manquante et de pouvoir continuer à traiter une facture sans que le code soit bloquant. "Ce format va être facilitateur pour intégrer les factures des fournisseurs approximatifs" conclut-il.
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