La relation acheteur/fournisseur au coeur des dernières Rencontres Décision Achats
Réinventer la collaboration acheteur/fournisseur en empruntant d'autres voies que le cost killing : telle fut la problématique débattue lors des dernières Rencontres Décision Achats. Compte rendu.
Je m'abonneQuid des nouvelles frontières dans la relation acheteur-fournisseur ? Un enjeu de taille qui fut au coeur des dernières Rencontres Décision Achats, organisées à Paris le 12 février dernier. Car si les intérêts des donneurs d'ordres et ceux de leurs prestataires se sont longtemps opposés dogmatiquement, la crise pousse désormais ces derniers au pragmatisme. Quid des initiatives innovantes en la matière ? Quels en sont les avantages ? Quelle pérennité ont-elles ? Pour comprendre comment les acheteurs et les fournisseurs réinventent leurs pratiques relationnelles et marchandes, ces Rencontres se sont articulées autour de trois thématiques phare : la valeur fournisseurs, l'externalisation des achats et les pratiques de soutien aux chaines de sous-traitance. Compte rendu.
- La valeur fournisseur, votre atout maître
Loin d'être un concept flou, la valeur fournisseur s'impose comme un actif immatériel essentiel pour booster votre performance achats. Retour sur un tel sujet complexe débattu en préambule de ces Rencontres.
Comment exprimer la valeur fournisseurs ? Quels outils pour bien la mesurer et in fine la faire fructifier ? Autant de questions débattues lors de la première table ronde de cette journée en présence notamment de Laurent Jehanin, président d'Input2 (International Purchasing Think Tank) et ancien directeur des achats de Snecma puis Safran. " La valeur fournisseur devient stratégique dès lors qu'elle commence à faire défaut au sein des organisations. Car c'est un actif immatériel 100 % incontournable pour booster la performance achats sur le long terme ", a indiqué ce dernier, en rappelant qu'il n'existe pas de valeur fournisseurs sans le recours en amont à de bons sous-traitants ! " En effet, une telle valeur émane d'abord des partenaires clés dont le savoir-faire est irremplaçable", a complété ce dernier. Mais pour bien capter une telle valeur, encore faut-il permettre à vos fournisseurs de s'adapter, mieux encore, s'intégrer en amont à vos processus et systèmes d'informations. " Car en effet, la valeur fournisseur c'est aussi la collecte et l'exploitation informatique de données et flux d'infos stratégiques à propos de leurs domaines d'excellence, les projets éventuels à mettre en place notamment en terme de co-innovation, etc. ", a développé Pierre Joudiou, président d'Oxalys Technologies, éditeur de logiciels e-achats.
Un parti adopté par la direction achats de Bouygues Construction. " Pour travailler de manière intégrée avec nos partenaires, nous misons depuis plusieurs années déjà sur un outil d'e-procurement favorisant le recours à des catalogues électroniques propres à dématérialiser les données produits et services d'un fournisseur", a relaté Paul Martin, responsable SI achats/approvisionnement chez Bouygues Construction. Et pour personnaliser au maximum une telle relation fournisseurs, l'acteur du BTP s'appuie désormais sur de nouveaux modules de " Punch Out " directement compatibles avec les plates-formes de certains partenaires étoffant ainsi l'offre de catalogues négociés accessibles depuis l'outil. " Un projet déployé en partenariat avec Oxalys Technologies auprès de trois de nos fournisseurs clés ", a précisé Paul Martin. De quoi permettre une gestion électronique plus optimisée des catalogues produits et renforcer, in fine, l'efficacité de la relation acheteurs-fournisseurs, au travers une plus grande proximité et connaissance mutuelle.
" A terme, certaines entreprises pourraient pousser la démarche plus loin encore, en tentant par exemple d'exprimer comptablement la richesse d'une telle collaboration. Et ce, en comptabilisant dans les bilans financiers, les diverses données fournisseurs stratégiques ", a anticipé Pierre Martin. Ce qui supposerait la mise en place d'indicateurs pour mesurer la performance d'une telle collaboration. " Des indicateurs complexes à mettre en oeuvre puisqu'ils doivent déjà se décliner selon le secteur d'activité de l'entreprise, sa politique achats, ses objectifs opérationnels..., a indiqué Laurent Jehanin, preuve qu'il n'existe pas une seule et unique valeur fournisseur, mais bien plusieurs variant selon une multitude de critères à commencer par la typologie des besoins des clients internes ! ".
Comment externaliser les achats indirects ?
Optimiser son panel fournisseur, recentrer les acheteurs sur des tâches à valeur ajoutée : autant de gains générés par le BPO approvisionnement. Un projet encore méconnu qui fut au coeur de la seconde table ronde de cette journée. Décryptage.
Fournitures de bureau, dépenses voyages ou encore de formation : et si vous externalisiez la gestion de vos achats indirects à un expert ? Telle est la vocation du BPO approvisionnement, thématique au coeur de la seconde table ronde de cette journée et encore trop peu connue des acheteurs. " En effet, l'externalisation est une démarche davantage répandue dans d'autres fonctions support de l'entreprise, RH, DSI..., qu'au sein des achats qui n'osent parfois pas franchir le cap. Pourtant, ils ont tout intérêt à surfer sur une telle pratique qui a bon nombre d'arguments en sa faveur : rationaliser le panel fournisseur et surtout recentrer les acheteurs sur leur coeur de métier ! ", a lancé Ludovic Beribos, associé chez Epsa, cabinet de conseil en optimisation des couts. Des gains d'autant plus flagrants en cas de projet d'externalisation des achats indirects dits de catégorie C : des familles peu stratégiques, certes, de faible montant et peu récurrentes, mais très chronophages en terme de gestion. " Si elles couvrent seulement 5 à 10 % des dépenses, elles captent souvent les 2/3 du panel fournisseurs ! ", a confirmé Anne-Laure Gogeon, associée chez Epsa.
Et c'est pour offrir aux acheteurs une solution d'externalisation clé en main, qu'Epsa s'est associé en 2013 avec American Express, expert en solutions monétiques. " Grâce à nos deux expertises complémentaires, nous pouvons proposer un BPO appro qui va du sourcing au paiement. Et ce, via une solution packagée, transparente et totalement intégrée à la plateforme online d'Epsa BuyPro sous forme de carte d'achat virtuelle ", a détaillé Laurent Playez, directeur commercial BtoB d'American Express.De quoi offrir une valeur différenciante aux entreprises qui sont dans une démarche d'optimisation de la gestion des achats de classe C. D'autant que les gains à la clé se conjugueraient au pluriel. " Tout d'abord d'ordre financier, grâce au respect des délais de paiement et la réduction des coûts de transaction favorisant l'autofinancement de la solution d'externalisation. Sans oublier une plus grande sécurité des paiements et des flux et une meilleure visibilité et contrôle grâce au reporting et à l'intégration des données ", a énuméré Ludovic Beribos. Somme toute, une solution simple et efficace qui pourrait renforcer, in fine, votre performance achats.
Soutenir les fournisseurs : les achats en première ligne !
Tel était le thème de la dernière table ronde de ces Rencontres qui a passé au crible les initiatives multiples, notamment d'ordre financier, pour permettre aux acheteurs de préserver leurs chaines fournisseurs. Focus.
Soutenir ses fournisseurs stratégiques, oui mais comment ? Telle est la question débattue lors de la dernière table ronde de cette journée qui visait à décrypter les alternatives à la portée des acheteurs pour préserver leurs chaines de fournisseurs. Une préoccupation croissante au sein des directions achats les plus matures. "La prise de conscience remonte à 2009 avec l'adoption de la charte des relations fournisseurs responsables qui fixe dix grands principes comme impliquer les grands donneurs d'ordres dans leur filière ou veiller à leur responsabilité territoriale", a rappelé François Girard, Délégué Ile-De-France à la Cdaf, Compagnie des acheteurs de France. Elaborée par la Médiation des relations inter-entreprises, la charte des relations fournisseurs responsables a été déjà signée par... 540 entreprises ! Parmi lesquelles moult grands comptes, " à l'instar d'EDF actuellement en cours d'évaluation pour l'obtention du label relations fournisseurs responsables", a rappelé Jean-Christophe Hang, délégué performance & système d'informations, à la Direction achats d'EDF, et intervenant à la table ronde. S'il existe des leviers multiples pour soutenir ses fournisseurs : " leur accorder de la visibilité sur le long terme, prendre en charge leurs achats de matières premières, mettre en place des accords sectoriels de bonnes pratiques comme la Cdaf en a conclu durant les dernières années, etc. " a lancé François Girard, c'est sans compter d'autres mécanismes 100 % financiers.
A l'instar du reverse factoring (affacturage inversé) privilégié par EDF. " Un projet déployé dès 2011 à l'initiative de notre groupe pour mieux maîtriser notre BFR tout en permettant, in fine, à nos fournisseurs de recouvrer plus rapidement leurs créances ", a relaté Jean-Christophe Hang, en rappelant que la phase d'implémentation du projet a duré 18 mois. Le principe d'une telle démarche plus compétitive financièrement que l'affacturage classique, d'après le responsable d'EDF : optimiser de A à Z le process de facturation, grâce à une société d'affacturage chargée du financement des créances des fournisseurs d'EDF, permettant ainsi à ces derniers d'être immédiatement rémunérés. Un process d'ores et déjà adopté par 400 fournisseurs des 40 000 du groupe. Résultat, ces derniers sont payés plus tôt, avec un délai de paiement passé de 60 jours à 23 jours. " Ainsi, nous les aidons à améliorer leur trésorerie tout en optimisant notre BFR ", a résumé Jean-Christophe Hang, en ayant fait part d'autres avantages de taille, comme un contrôle des facturations facilité et une maîtrise renforcée des risques de fraude. Alors, directeur achats, prêt à passer en mode reverse factoring ?