Quels contrats pour quels types d'innovation?
Négocier un contrat d'innovation avec une start-up requiert agilité et souplesse au risque de perdre un avantage concurrentiel dans un marché sous tension. Quels contrats pour quels types d'innovation? Tel était le débat organisé par le club des prestations intellectuelles le 26 janvier dernier.
Je m'abonneOpen innovation, start-ups, ... "chacun possède sa propre définition de l'innovation comme de celle des achats d'innovation" explique Hubert Delatte, en charge des achats d'innovation chez l'équipementier automobile Faurecia, et d'ajouter "les achats innovation ont essentiellement un rôle de connexion entre l'interne (la R&D, le marketing, la qualité, les achats) et l'externe".
Quels contrats pour quels types d'innovation? Tel était le débat organisé par le club des prestations intellectuelles le 26 janvier dernier.
Afin de bien comprendre les enjeux de ce type de contrats, Maître Franklin Brousse dresse une matrice des modèles de contrats des achats innovants [cf. tableau ci-dessous]
Pour Bernard Monnier, Président de MIM (Monnier Innovation Management), l'acheteur a un vrai rôle à jouer et doit être considéré comme "un GPS : soit un gestionnaire de partenariats stratégiques".
"En innovation, comme pour tout autre domaine, avant d'écrire un contrat, la première chose à faire, est de bien définir ce que l'on veut : uniquement un brevet (licence ou achat), un support technique (contrat développement/recherche ou embauche d'un spécialiste technique) ou une véritable co-innovation (contrat de co-innovation, dit contrat agile suivant la dénomination de Maître Brousse)", continue Hubert Delatte de Faurecia.
Pour lui, la clé pour les contrats agiles en terme de co-innovation est de "tout d'abord, bien définir en interne son partenariat : définition du Projet. Qui fait quoi? Qui paye quoi? Quel partage du gâteau? Puis de négocier ces conditions pour trouver un accord.. Ces réflexions sont les mêmes que l'on travaille avec un grand groupe ou avec une start-up".
Plusieurs scenarios sont possibles pour bien travailler avec une start-up. "En période d'investigation, soit il s'agit d'une signature contre rémunération d'un contrat de recherche/développement classique avec définition de la propriété intellectuelle potentielle, licence de la PI existante et future, ou prise de participation. Pour aller plus loin dans le projet, on peut prendre des parts plus importantes dans la start-up. Car plus tôt on se positionne, moins cela coûte ; mais, les risques sont plus importants. Il est aussi possible de monter une joint-venture. Ou encore laisser acquérir la start-up par une société du domaine considéré, plus solide, avec laquelle nous allons développer un contrat de co-innovation", poursuit Hubert Delatte.
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Plus de souplesse des contrats
Pour Maître Brousse, "établir un contrat avec une grosse société ou une start-up n'est pas la même chose". Ce qui diffère? Les clauses juridiques et les exigences. Même si les conditions de sortie et la PI sont souvent similaires. "Le niveau d'exigence est souvent plus bas avec une start-up car elle ne possède pas souvent un juriste en interne". Tout cela est influencé par le "time to market". Ainsi, "tout doit aller très vite avec l'innovation et la mise sur le marché doit être rapide.
La solution? "Le nerf de la guerre est donc d'aller très vite et donc de ne pas contractualiser. Il faut savoir être souple! Et ce qui tue de nombreux projets c'est justement des problèmes d'organisation sur le sujet entre les juristes et les acheteurs. Ainsi, dès que les fondements de partenariats sont posés, il faut signer très rapidement sinon il existe une vraie mise en péril des projets d'innovation. Et donc ne pas contractualiser pendant 1 an c'est risquer de perdre un avantage concurrentiel!", insiste l'avocat.
Un mois de délai
Ainsi, il prescrit 1 mois comme durée raisonnable pour négocier avec les start-up sur la partie contractuelle. Les problèmes sont liés à des clauses de style, des clauses standard ou encore la divulgation de données personnelles. Or, même si rien n'est stipulé sur le sujet dans le contrat, la Cnil protège ces données.
Hubert Delatte dresse le chemin à suivre en co-innovation :"Tout d'abord définir très simplement son projet d'innovation, (2 à 4 ligne) et ses objectifs (complété éventuellement dans un cahier des charges sommaire en annexe : besoins fonctionnels et contraintes connues) Puis si le mode co-innovation reste le plus adapté, après s'être accordé sur la définition et les objectifs du Projet avec son futur partenaire, définir l'action et la charge financière de chacune des parties,définir un partage simple et clair des résultats potentiels (y compris la propriété intellectuelle à venir, tout en évitant la copropriété, chaque partie devenant propriétaire de ce qui est lié à son coeur de métier), avant de conclure par la signature d'un contrat qui reprends les éléments précédents.(de plus si engagement d'achat de sous-systèmes ou pièces, les conditions commerciales et qualitatives, doivent être définies). Les deux parties se sentant alors mutuellement protégées, pourront bien travailler ensemble en toute confiance sur une longue période".
Pour Hubert Delatte, l'acheteur travaille généralement sur le court terme. "Pour trouver des idées innovantes chez vos fournisseurs, il faut savoir de temps en temps sortir des objectifs " savings " du moment ; cela ne va vous prendre que 1% de votre temps. L'acheteur doit devenir un businessman et avoir une vision globale de l'entreprise. Avant d'ajouter : "Il vaut mieux travailler sans contrat qu'avec un mauvais contrat". Mais attention s'il y a livraison de prestations, avec application du droit français, les conditions générales de vente sont de plus en plus fortes. Et en l'absence de contrats, les conditions du prestataire s'appliquent.
Quel sera l'impact de la réforme du droit des contrats (entrée en vigueur au plus tard au 1er janvier 2017)?
Cette réforme signera la fin des conditions générales d'achats imposées et des clauses excessives pour les achats innovants. "Il s'agit d'une consécration de solutions jurisprudentielles déjà en vigueur avec une introduction de dispositions relatives à la phase précontractuelle" pour Maître Brousse. Cette réforme amènera à un rééquilibrage entre les obligations des parties avec une possible intervention judiciaire en cas de remise en cause de celui-ci. Et à la disparition des contrats déséquilibrés.