[Gestion des risques] "Le donneur d'ordre devient contrôleur du respect du code du travail"
En cas de travail dissimulé de la part d'un de ses prestataires, le donneur d'ordre encourt un risque pénal. Xavier Marchand, avocat spécialiste de la gestion des contrats et des risques, revient sur la nécessité de recueillir différents documents et informations afin de se protéger.
Je m'abonne- Dans un cadre contractuel, quels sont les documents que les entreprises ont l'obligation de recueillir?
Le code du travail indique que, lorsqu'une entreprise confie à un prestataire une mission dont le montant annuel dépasse 5.000 euros, elle doit se faire remettre les documents qui prouvent que le prestataire est en situation légale. C'est ce qu'on appelle le devoir de vigilance. Ce dernier aura, en principe, été rempli si ont été collectées: la fiche d'identité du prestataire (Kbis) et l'attestation de vigilance selon laquelle l'entreprise est à jour dans ses cotisations Urssaf. Ces documents doivent être recueillis au plus tard à la signature et tous les six mois.
- La loi engage également les entreprises à lutter contre le travail dissimulé...
Le donneur d'ordre doit en effet vérifier que le prestataire n'a pas recours au travail dissimulé. Il doit encore s'assurer que le personnel est bien déclaré et que les travailleurs étrangers détachés de manière temporaire sont correctement logés et traités selon le code du travail français en matière d'horaires de travail et de paiement des heures supplémentaires. Le donneur d'ordre doit également faire attention au délit de marchandage: des sous-traitants réguliers, dépendants et qui n'apportent pas de spécificités en termes de savoir-faire peuvent être considérés comme liés par un contrat de travail au prestataire. Il s'agit là encore de travail dissimulé. Il faut donc s'assurer de la cohérence économique et technique de l'opération à tous les niveaux, entreprise principale comme sous-traitants. Le donneur d'ordre devient en quelque sorte contrôleur du respect par le prestataire et ses sous-traitants du code du travail.
- Quels sont les risques encourus par le donneur d'ordre s'il ne collecte pas ces informations?
Si les documents ne sont pas collectés ou s'ils ne sont pas à jour, le donneur d'ordre peut être amené à payer en lieu et place du prestataire les salaires et cotisations non payées. Ces règles sont par ailleurs sévèrement sanctionnées pénalement. La collecte de ces documents légaux n'est cependant pas sans inconvénient car cette opération pose la question de la sécurité des données collectées. En effet, la loi sur la sécurité numérique prévoit que les personnes qui collectent des données engagent leur responsabilité pénale quant à la sécurité des données collectées. Le donneur d'ordre doit donc collecter mais encore protéger le fruit de cette collecte.
- Quels conseils donnez-vous à vos clients pour se prémunir contre ces risques?
La mise en place de procédures simples mais obligatoires en interne est vivement recommandée. Ainsi, nous conseillons à nos clients d'adopter le système des trois enveloppes: une pour les documents administratifs (K-bis, attestation de vigilance, attestation d'assurance) et les conditions administratives signées (charte éthique et conditions générales régularisées), une pour la prestation technique (avec un contrôle que l'ensemble des besoins exprimés a reçu une réponse claire et sans ambiguïté), la dernière pour l'offre financière. Chacune de ces enveloppes n'est ouverte que si la précédente est complète, le tout étant vérifié par un tableau Excel à cocher pour s'assurer que tous les documents sont bien collectés. Un tel process permet de se protéger notamment en justifiant auprès de l'inspection du travail que les procédures sont sérieuses.
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