Faut-il externaliser la gestion de sa flotte automobile ?
Si l'externalisation gagne du terrain au sein des flottes, la gestion internalisée n'a pas dit son dernier mot, épaulée par des outils de plus en plus puissants. Un choix guidé par la recherche de performance, mais aussi par l'organisation propre à chaque entreprise.
Je m'abonne Optimisation de la fiscalité, négociation des tarifs des véhicules, suivi des contrats avec de multiples prestataires... la gestion d'une flotte automobile nécessite des compétences de plus en plus pointues et du temps à y consacrer. Deux obstacles que les entreprises préfèrent parfois contourner en faisant appel aux services d'un gestionnaire de flotte ou "fleeter".
Les loueurs longue durée l'ont bien compris en proposant cette prestation associée à un contrat de LLD : au troisième trimestre 2015, le nombre de véhicules gérés par eux en fleet management a ainsi franchi le cap des 300 000 (plus 7 % en un an). Comme l'explique Barbara Gay, directrice du consulting d'Arval France, "le fleet management s'adresse à toutes les tailles d'entreprises car il permet aux dirigeants de se décharger des tâches opérationnelles". Pour s'adapter à toutes les situations, de la PME à la grande entreprise multisite voire multinationale, ce loueur a décliné une gamme de prestations baptisées "Arval Outsourcing Solutions". Le module "Core" décharge l'entreprise de la gestion de ses véhicules et de ses conducteurs (prise de commandes, maintenance, assurance...), alors que la prestation "Advanced" optimise la performance (adaptation des budgets par rapport aux pratiques des utilisateurs, prise en compte des contraintes de l'entreprise, notamment RSE, travail sur le comportement des conducteurs...). Selon les degrés d'externalisation et la taille de la flotte, les gains varient, mais Arval peut obtenir 5 à 7 % rien que sur les tâches de gestion courante.
Maîtriser ses coûts
Face aux offres des loueurs longue durée, les fleeters jouent les "pure players". Pour Édouard Rance, président du gestionnaire de flotte ERCG, "maîtriser les coûts d'une flotte importante implique une mise en concurrence, donc le recours à de multiples fournisseurs. Pour chaque nouvelle commande de véhicules, nous référençons deux à trois loueurs pour choisir le moins-disant."
Lire aussi : Nouvelles mobilités : Who's the boss ?
Ni intermédiaires ni courtiers, les fleeters font valoir leur indépendance, à l'image ERCG, puisque les clients paient directement leurs fournisseurs et rémunèrent le gestionnaire de flotte par ailleurs. Si cette mise en concurrence génère des économies sur des grands parcs (300 à 600 véhicules dans le coeur de cible chez ERCG, par exemple), elle s'avère moins déterminante pour les petites flottes.
Pourtant le recours à un fleeter a du sens dans la mesure où les coûts réels de ces flottes sont souvent méconnus, donc peu maîtrisés. D'où la segmentation des offres, comme chez ERCG où, à côté de la délégation complète (facturée 28 euros par mois et par véhicule pour une quarantaine d'unités en parc), l'utilisation du logiciel maison est accessible moyennent deux euros par véhicule mensuellement. Selon le degré de performance initiale et le niveau de délégation, les économies peuvent représenter entre 5 et 25 %. Attention cependant à considérer les gains affichés par les fleeters comme un "one shot" : ils sont obtenus en début de contrat, l'enjeu consistant à les maintenir les années suivantes.
Lire aussi : Compliance et achats responsables - Comment naviguer entre réglementation et création de valeur ?
Gagner en efficacité
Autre vertu du fleet management, apporter un conseil et une expertise dont l'entreprise ne dispose pas toujours en interne. "Nous avons des benchmarks et des contacts qui nous permettent d'aller plus vite que le client et de lui apporter des économies tangibles qui couvrent nos honoraires", affirme Théophane Courau, président de Fatec Group, un gestionnaire de flotte qui facture en moyenne 25 euros mensuels pour un VL et 40 euros pour un véhicule industriel.
Par ailleurs, la souplesse du fleeter reste un atout pour s'adapter à l'organisation et aux outils existants dans l'entreprise. "Nous pouvons relier notre propre logiciel à celui du client en créant des connecteurs informatiques", explique Théophane Courau. Pour réussir, l'externalisation implique une réponse adaptée à chaque cas : "Nous avons même une prestation limitée à l'entrée et à la sortie des véhicules dans le parc, qui laisse au client la gestion de ses commandes et sa car policy", ajoute-t-il.
Même souplesse requise concernant les niveaux de prestations : certains clients, après avoir confié à leur prestataire la gestion de leurs véhicules uniquement, peuvent décider de déléguer également celle de leurs conducteurs. Par ailleurs, le fleet management évolue pour proposer de nouveaux services, comme chez Ubeeqo. En complément des tâches de gestion (facturées 9 à 13 euros par mois et par véhicule), ce fleeter propose une approche fondée sur la mobilité globale des salariés. "Nous sommes dans une optique de réduction de la gestion de flotte", évoque Emmanuel Nedelec, directeur France-Benelux d'Ubeeqo. Plutôt que de choisir dans la car policy de l'entreprise une voiture de fonction à laquelle il peut prétendre, le collaborateur opte pour un plus petit modèle avec un "crédit mobilité" qui lui permet de prendre le train, les transports en commun ou de louer une grande berline pour partir en vacances.
Muscler sa gestion interne
Pourtant, le recours au fleet management ne s'impose pas toujours. Soit parce que la taille de l'entreprise ne le justifie pas, soit parce qu'elle possède des moyens internes. Ce choix réclame des outils informatiques performants. Avec 350 000 véhicules gérés, Winflotte propose un logiciel capable de maîtriser les contrats fournisseurs, notamment par des jeux de croisement de données et d'alertes, et de gérer les conducteurs. "Il y a un ou deux ans, nous avons également lancé une prestation d'externalisation", indique Simon Blanchard, ingénieur commercial chez Winflotte. D'autant que le choix d'investir dans un logiciel ou de recourir à un fleeter n'est pas antinomique. Rien n'empêche en effet de gérer certaines prestations avec l'outil en interne et d'en déléguer d'autres, ou encore de tout gérer soi-même puis de faire appel à un gestionnaire de flotte. "Le client peut gérer l'entretien avec Car Fleet et faire appel au plateau technique d'un fleeter pour valider les devis d'un garagiste", explique Patrick de Vaumas, responsable commercial de Gac Technology, éditeur de Car Fleet.
Dans tous les cas, la force du logiciel réside dans sa capacité à rapatrier de grandes quantités de données (y compris des ERP de l'entreprise) puis à les croiser selon un historique et des critères qui peuvent être paramétrés, tout comme les alertes. Ainsi, Car Fleet peut, en fonction des relevés kilométriques, suggérer au gestionnaire de flotte de demander un avenant au contrat avec une loi de roulage corrigée ou l'application de la grille fluidité. L'outil permet des gains en performance de l'ordre de 2 à 6 % moyennant un abonnement de 2 à 5 euros par mois assorti de frais de mise en service (6 000 à 12 000 euros). Enfin, le choix d'externaliser ou pas n'est pas seulement financier : au-delà de 300 véhicules, l'entreprise souhaitant conserver la gestion de son parc doit y consacrer au moins un équivalent temps plein.
Zoom - Suez : un logiciel et des hommes pour tout gérer en interne
Chez Suez (ex-Sita), le métier de la gestion des déchets repose sur un parc de 20 000 véhicules (VP, VS, VUL, poids lourds) et engins. "Nous utilisons Winflotte depuis 2001 et nous avons, en 2014, fusionné nos 20 bases régionales en une base unique nationale. Elle comprend tout l'historique de nos matériels présents actuellement ou sortis depuis 2001", explique Jean-Philippe Gaye, coordinateur de la gestion de flotte.
L'entreprise a préféré la gérer en interne parce qu'elle dispose de personnels formés : des administrateurs régionaux et près de 200 utilisateurs qui ont accès à certaines fonctions du logiciel selon leur profil. Ainsi, chaque atelier gère et suit les prestations concernant ses véhicules et engins. À l'échelon national, Jean-Philippe Gaye assure le pilotage du parc avec le logiciel pour un coût de l'ordre de 10 euros par véhicule et par an : "Tous les six mois, j'effectue un inventaire et une analyse de l'intégralité du parc ; des outils d'aide à la décision pour, par exemple, piloter le parc, renouveler les matériels et anticiper les dépenses."
Lire aussi : Les nouveaux contours de la travel policy
L'ergonomie constitue également une aide à la prise de décision. "En ce qui concerne le suivi des contrats, le logiciel Winflotte possède une fenêtre spécifique qui permet au gestionnaire de visualiser très facilement la bonne adéquation de ceux-ci." Enfin, Winflotte a intégré à la demande de Suez une GMAO (gestion des matériels assistée par ordinateur) capable notamment d'alerter les chefs d'atelier sur les vérifications périodiques à effectuer. Du sur-mesure.
Zoom - LCL demande plus à son fleeter
Pour gérer 2 000 véhicules en parc fournis par deux loueurs, LCL disposait de trois spécialistes internes, jusqu'à leur départ à la retraite, il y a trois ans. "Notre outil interne de suivi de parc était également devenu obsolète", précise José Messeri, responsable des moyens généraux et de la logistique. Privée des compétences nécessaires, la banque s'est tournée vers un fleeter. "Le suivi d'une flotte se complexifie et nécessite un pilotage fin", estime José Messeri . "Dans ces conditions, un logiciel seul n'est pas suffisant, il faut une compétence."
À l'issue d'un appel d'offres, son choix se porte sur Fatec Group pour plusieurs raisons : une expérience des grandes flottes, la performance et la convivialité des outils, la présence d'un plateau technique interne dédié à l'entretien des véhicules. Le fleeter intervient dès la commande des véhicules (où il a fait gagner un à deux points à l'entreprise sur un volume de 600 renouvellements annuels). "Fatec Group a intégré nos procédures de validation avant chaque commande de véhicule", souligne José Messeri. Le fleeter passe également les factures au crible pour détecter d'éventuelles anomalies, il contrôle les lois de roulage et veille au respect des grilles de fluidité par les loueurs, il gère les pneumatiques... Aujourd'hui, l'externalisation apporte à LCL confort et optimisation. Ce qui ne l'empêche pas de remettre en concurrence son prestataire tous les trois ans, son contrat prévoyant la restitution des données traitées.