Facility management : quels niveaux de délégation choisir?
Se recentrer sur son coeur d'activité, en choisissant de confier les tâches dites secondaires à un tiers, est une stratégie plus que largement suivie pour asseoir sa compétitivité. Les meilleurs exemples sont ceux qui parviennent à garder la mainmise sur la connaissance et le suivi...
Je m'abonneExternaliser les prestations les moins créatrices de valeur est un concept apparu à la fin des années 1980 aux États-Unis. Depuis, il s'est largement exporté en Europe, drivé le plus souvent par la rationalisation des coûts. "Aujourd'hui, ce n'est plus le seul argument. Dorénavant, les entreprises appréhendent davantage le facility management comme un moyen de créer de la valeur ajoutée au niveau des performances, du pilotage, de l'innovation et de la qualité de service", énonce en préambule Élise Maury, directrice pôle global FM chez Engie Cofely. Quant à la liste des prestations qui peuvent être confiées à un tiers, elle ne fait que s'allonger avec la montée en gamme et en compétence des installations. "La complexification des systèmes et des équipements (informatiques, vidéosurveillance ... ) incite les entreprises à confier l'intégralité du facility management à un unique prestataire", renchérit Élise Maury. Il n'existe pas de modèle standard de pilotage FM. Cela doit plutôt répondre à une stratégie individuelle et évolutive. "Cela peut aller du suivi contractuel standard à un pilotage totalement délégué et centralisé par le prestataire, qui se substitue alors au client", indique Aurélie Fort, consultante achats building & facilities management chez Epsa Groupe. Le dernier niveau requérant un fort niveau d'expertise et de transparence, de nombreuses étapes intermédiaires doivent venir confirmer les orientations prises, et la montée en compétences du prestataire et des ressources allouées. Il ne faut pas vouloir aller trop vite au risque d'entraîner une perte de contrôle et de maîtrise qui seraient irréversibles. |
Marche après marche
En général, le champ des délégations s'élargit progressivement afin de massifier les achats et d'homogénéiser les pratiques. La performance énergétique et l'empreinte environnementale sont dans le viseur des directeurs achats.
"En adoptant une bonne gestion, on peut facilement parvenir à dégager jusqu'à 30 % d'économies d'énergie", concède Élise Maury. Il n'est plus rare de mettre en place un contrat de chauffage dans lequel client et prestataire s'entendent sur un degré de température souhaité dans les locaux.
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"En termes de coût total, le donneur d'ordres n'a plus qu'à gérer une unique facture mensuelle, confiant la charge de l'installation et la consommation d'énergie au FMer", avance Diego de Lestapis. La qualité de l'air des bâtiments ou encore le confort sonore ressenti par les usagers peuvent aussi s'inviter dans un contrat FM.
L'environnement et la qualité de vie au travail sont également des leviers sur lesquels il convient de s'attarder pour contribuer au bien-être des usagers et à la performance économique des entreprises.
"Il est dorénavant usuel de recourir au flex office, qui correspond aux nouvelles manières de travailler de la génération Y. Dans le même temps, cette réorganisation permet de diminuer jusqu'à 30 % le coût du poste de travail au mètre carré ", constate Élise Maury.
Dans tous les cas, l'important est de bien définir, au préalable, les indicateurs et les objectifs, en s'inscrivant dans une démarche d'amélioration continue pour ne pas figer la performance.
À la direction technique de veiller au suivi et au respect des éléments contractuels. "La fonction achats peut être intégrée trimestriellement dans la consolidation et l'analyse des RMA. Puis, lors du bilan annuel, qui constitue le moment opportun pour réaliser un état des lieux du marché, des innovations et des orientations stratégiques des parties prenantes", préconise Aurélie Fort.
Au fil du temps, le FMer peut se voir endosser une multitude de casquettes, selon les niveaux de pilotage. "S'il mesure, suit et contrôle les prestations dans un niveau 1, le FMer peut aller jusqu'à opérer des prescriptions de performances au travail dans un niveau 4 ", décrit Élise Maury.
Le pilotage et le management des prestations évoluent proportionnellement au niveau de délégations et aux environnements clients avec la flexibilité des espaces de travail, les nouveaux modes de fonctionnement, l'intégration des nouvelles technologies (digitalisation, smart building ... ).
"Cela cadre également avec la volonté de rationaliser les fournisseurs et les correspondants, qui impacte directement la charge administrative associée", conclut Aurélie Fort. Le FM devient bien plus transversal qu'il n'y paraît au départ.
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Au cas par cas
Tout dépend des besoins du client, de son organisation, de son secteur, de son mode de fonctionnement, de ses collaborateurs et de la maturité du modèle déjà en place. "Le facility management permet de s'appuyer sur des experts au bon moment, au juste nécessaire", rappelle Diego de Lestapis, associé Euklead. Dans le multi-technique, par exemple, il est un moyen d'assortir les équipes aux besoins réels. Et de ne plus avoir à opérer de veille sur les réglementations en vigueur (chauffage, VMC, ascenseur...).
Déléguer est une stratégie qui dépend principalement de la capacité de l'entreprise à lâcher prise, selon Diego de Lestapis. "Cela nécessite qu'elle ait entre les mains un état des lieux précis des installations concernées et de leur degré d'obsolescence." Une bonne maîtrise de l'information est l'une des clés de la réussite du projet. Elle sert, notamment, à identifier les prestations de service réalisées, et à évaluer leurs coûts directs et indirects."Attention à ne pas sous-estimer leurs coûts indirects ! Un contrat qui démarre mal risque d'être perdant-perdant", prévient Élise Maury.
L'idéal serait d'être équipé d'un logiciel de maintenance GMAO pour jouir d'un historique détaillé. Ou, à défaut, de se rapprocher d'un cabinet d'audit afin d'évaluer la performance actuelle et de mettre en exergue les enjeux à venir. Cela permet de déterminer au plus près les dépenses, qui peuvent être forfaitisées tout au long de l'année, comme d'anticiper les défaillances éventuelles pour calibrer au mieux le cahier des charges et la réponse des prestataires. "Le contrat de maintenance full service se prête davantage à un bâtiment neuf. Pour des immeubles anciens, préférer des contrats mixtes qui regroupent les tâches forfaitisées ainsi que les travaux encadrés au moyen d'un bordereau de prix", recommande Diego de Lestapis.
Nombreux sont ceux qui commencent par un site pilote pour se rassurer et tester la performance de la solution. Ou qui choisissent de ne confier à un ou plusieurs prestataires qu'une infime partie des services généraux pour démarrer. "Dans le tertiaire, il est fréquent que seul le multi service soit externalisé au départ, rejoint ensuite par les lots techniques dès lors que la politique s'avère fructueuse", illustre Diego de Lestapis. Quel que soit le niveau de délégation choisi, il est nécessaire de mettre en place le pilotage adéquat, qui doit être envisagé dès la phase amont. "Un pilotage efficace représente un coût non négligeable. Mais il permet généralement une refonte en profondeur des pratiques FM au service des utilisateurs finaux dans de nombreux domaines transverses (bâtiments, résidents, image, certifications et labels, actions H-QSSE, RSE...)", souligne Aurélie Fort.
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