DossierTélétravail, IRP et licenciement: l'avant/après Réforme du Code du travail
4 - Sécuriser les ruptures contractuelles en encadrant les coûts prévisibles
Barème indemnitaire obligatoire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, formulaire type de licenciement et modification de l'indemnité légale, un trio pour donner de la prévisibilité à l'employeur. Mais l'objectif n'est pas tenu... en l'état.
Un barème indemnitaire obligatoire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Jusqu'au 23 septembre 2017
Un tel barème obligatoire aura mis plusieurs années à voir le jour : une première tentative partiellement retoquée par le Conseil constitutionnel il y a deux ans (pour un motif dont le nouveau barème obligatoire tiendra compte) pour finalement aboutir à un barème indemnitaire indicatif mis en place en août 2015. Avec le nouveau barème obligatoire, ledit barème indicatif disparaît pour tout licenciement prononcé depuis le 24 septembre dernier.
Pour les licenciements prononcés depuis le 24 septembre dernier
Le nouveau barème varie en fonction de l'ancienneté des salariés (de 0 à 30 ans et plus) et de la taille de l'entreprise (+/- 11 salariés). La taille de l'entreprise ne jouera toutefois que pour les planchers indemnitaires variant de 0,5 à 3 mois de salaire. Quant aux plafonds liant le juge, objet de toutes les tensions, la taille de l'entreprise ne sera pas prise en compte pour éviter le risque de rupture d'égalité devant la loi, seule l'ancienneté du salarié compte. Les plafonds varieront de 1 à 20 mois de salaire.
Ainsi, si du fait de cet encadrement, le juge se voit privé de son plein pouvoir d'appréciation du préjudice subi par le salarié du fait de son licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse (également applicable en cas de résiliation judiciaire ou prise d'acte de la rupture), l'employeur doit ainsi pouvoir mieux anticiper son risque financier.
Notifier le licenciement via un formulaire type
nota bene: dans l'attente des décrets d'application attendus pour la fin d'année, un certain nombre de questions reste en suspens.
A l'instar des ruptures conventionnelles individuelles, voici une mesure qui devrait rassurer les employeurs. La nouvelle réglementation prévoit en effet la mise en place d'un modèle type de lettre pour notifier un licenciement pour motif personnel ou économique et qui mentionnera les droits et obligations de chaque partie. Des précisions sont attendues sur l'étendue de ces mentions obligatoires.
En outre, si l'employeur ne peut faire l'économie du motif du licenciement dans la lettre initiale, il pourra toutefois y apporter des précisions ultérieurement, soit de sa propre initiative, soit à la demande du salarié.
Modeste compensation au barème indemnitaire
La réforme favorise une meilleure accessibilité et valorise l'indemnité légale de licenciement... pour une partie seulement.
Due jusqu'à présent à compter d'un an d'ancienneté dans l'entreprise, le seuil d'éligibilité à l'indemnité légale de licenciement est abaissé à 8 mois ininterrompus au service du même employeur pour les licenciements prononcés depuis le 24 septembre dernier. S'ajoute à cette mesure une revalorisation du montant de cette indemnité de 25% pour les 9 premières années d'ancienneté.
Cette valorisation est applicable aux licenciements, ruptures conventionnelles et mises à la retraite prononcés ou conclus depuis le 27 septembre dernier.
Une déception évidente pour ceux qui espéraient une extension de cette valorisation aux deux tranches de l'indemnité.
Pour finir, il conviendra d'être vigilant quant à l'application des bons minima. Un certain nombre de conventions collectives de branche, dont les dispositions indemnitaires étaient auparavant plus favorables que l'indemnité légale, se retrouvent en effet moins favorables et donc non applicables.
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Projection : Et si ce premier volet de réforme devait finalement ouvrir la porte à un chantier de bien plus grande envergure ? Chantier pouvant passer notamment par un abandon des 35h, avoué ou pas, via la place prépondérante donnée aux accords collectifs d'entreprise - d'ailleurs aujourd'hui plus nécessairement " négociés " au sens strict du terme - et par un éventail de dispositifs, dits de flexibilité, toujours plus large à la disposition des employeurs.
Alors que les ordonnances n'ont pas encore force législative, le deuxième volet de la réforme engagée par le Gouvernement, non moins ambitieux, est d'ailleurs déjà en cours avec en ligne de mire une refonte profonde de l'apprentissage, la formation professionnelle et l'assurance chômage prévue pour l'été 2018, qui sera suivie de près par les thèmes de la santé, la retraite et l'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise.
L'auteur
Frédérique Sallée, avocat-associé du cabinet Delcade, conseille depuis près de 15 ans, les entreprises françaises et groupes internationaux sur leurs problématiques de droit social. Frédérique a acquis une solide expérience en matière de restructuration d'entreprises mais aussi dans des domaines spécifiques aux enjeux sociaux et financiers souvent critiques - opérations de fusions-acquisitions, transferts d'activité, départs négociés de dirigeants - et plus généralement dans la gestion quotidienne des relations du travail individuelles et collectives.