Illettrisme : les salariés du secteur de la propreté mieux formés, pour un ménage mieux fait
Le secteur de la propreté investit dans la lutte contre l'illettrisme de ses salariés. En jeu : un gain d'efficacité, mais, également, une démarche vertueuse qui séduit les entreprises clientes friandes de RSE. Explications à l'occasion de la journée de l'alphabétisation.
Je m'abonneBrancher une alarme, doser des produits éco-labellisés, se déplacer avec un plan, déchiffrer un pictogramme, lire des consignes de sécurité ou un post-it laissé en évidence sur un bureau... Autant de missions professionnelles quotidiennes, auxquelles les salariés en situation d'illettrisme, ou d'analphabétisme, ne peuvent répondre. Tout comme 7% de la population française, en 2011, selon l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme.
Pour faire face à ce problème, les grands acteurs de la propreté se sont mobilisés. L'Opcalia (Organisme paritaire collecteur agréé du secteur de la propreté) investit quatre millions d'euros par an dans des programmes de formations sur-mesure à destination des salariés volontaires du secteur de la propreté. Ainsi, depuis deux ans, les entreprises du secteur proposent une formation ultra-concrète baptisée "Clé en main" à leurs salariés (lire encadré ci-dessous). Objectifs : réapprendre le b.a.-ba de la lecture et de l'écriture... et gagner en efficacité. Soit un point non-négligeable pour toute entreprise qui a recours à un service de propreté. Et au-delà de l'amélioration de la prestation ménage achetée, il existe un gain pour toute société très investie dans une démarche RSE, qui attend aussi de ses partenaires qu'ils adhèrent à sa conduite vertueuse.
Des agents lettrés plus performants
" Nous sommes engagés depuis plus de vingt ans dans la lutte contre l'illettrisme", explique Jean-Marc Ducept, secrétaire général de l'organisme certificateur de la propreté, "car les enjeux sont de taille : 90% des salariés du secteur sont des agents de service à bas ou très bas niveaux de qualification et 70% n'ont aucun diplôme. Pourtant, la lecture et l'écriture deviennent des compétences indispensables pour exercer leur métier." Depuis dix ans, 8000 personnes ont sauté le pas en apprenant, notamment, à lire et à écrire par ce biais.
Une fois formé, l'agent de service n'a, par exemple, plus besoin de gaspiller son énergie à trouver des astuces pour cacher son illettrisme. En renouant avec le savoir, il gagne en performance et en autonomie. Il peut laisser un message à son employeur, remplir, seul, son chariot de nettoyage ou, encore, comprendre les dosages. Autre atout : le salarié, contact privilégié du client de son entreprise, peut désormais établir une véritable "relation client" avec lui. " Si le client a des demandes exceptionnelles, l'agent peut en référer directement à son inspecteur et ainsi gagner du temps ", commente le secrétaire général.
Les grands acteurs de la propreté en sont pleinement conscients: " Former ses salariés est devenu un véritable avantage concurrentiel, souligne Jean-Marc Ducept. L'employeur gagne en termes de productivité, de rentabilité et de responsabilité sociétale."
Encadré - Le savoir "clé en main"
Le programme "Clé en main" a vu le jour en 2012, en remplacement d'une formation plus basique. À raison de deux demi-journées par semaine, les salariés troquent, ainsi, leur matériel de nettoyage contre celui de l'écolier. Sans frais supplémentaires, ni pour eux, ni pour l'entreprise : l'Opca propreté prend en charge la totalité du coût de la formation, ainsi qu'une partie du salaire pendant les heures où les salariés sont en formation. Sans oublier l'ensemble des démarches administratives d'inscription et d'organisation.
250 heures par an sont requises pour réapprendre les savoirs généraux -lecture, écriture, calcul et repère dans l'espace-temps-, mais aussi les attitudes et comportements au travail, l'univers réglementaire ou les outils numériques. À l'instar du module sur les troubles musculaires squelettiques, l'apprentissage repose, avant tout, sur des situations vécues dans la sphère professionnelle. Étiquettes de produits, cahiers de liaison ou, encore, panneaux de sécurité servent ainsi de supports pédagogiques aux 55 organismes de formation agréés par l'Opca. La formation permet l'obtention d'un certificat "Maîtrise des compétences clés de la propreté".