[Avis d'expert] Digital Workplace : enjeux et facteurs clés de succès
La tendance est au Digital Workplace. D'après Google Trends, son intérêt a été multiplié par 5 en 5 ans et de nombreux événements lui sont dédiés. Mais, derrière l'expression très " marketée ", que se cache-t-il réellement ? De simples outils bureautiques, du travail collaboratif...
Je m'abonneL'intranet est mort, longue vie au Digital Workplace
Beaucoup de questions se posent au sujet le Digital Workplace (DWP), que l'on traduit par espace numérique de travail, et les réponses actuelles restent encore floues, d'autant que le DWP est en réalité un sujet complexe, à la croisée des outils, des hommes et des organisations.
Nous avons tous déjà rédigé un mail, échangé des documents entre collègues, navigué sur l'intranet de notre société, etc. C'était ça, notre espace de travail numérique. Sauf qu'avec l'évolution de nos outils et de nos organisations, notre communication est devenue plus rythmée, plus diversifiée, plus instantanée. Il a donc été nécessaire de trouver de nouveaux outils pour nous aider à travailler ensemble : partage massif de documents, communication instantanée et groupée, espaces collaboratifs, agendas partagés, outils de gestion de tâches : notre espace de travail a été atomisé. Une tendance qui s'est encore renforcée avec l'adoption massive des méthodes agiles, donnant lieu à l'utilisation d'une large palette d'applications dédiées.
Cette constellation d'outils non maîtrisée n'est pas sans conséquences : un collaborateur passe en moyenne 20% de son temps à rechercher de l'information en interne et 30% à gérer ses emails (McKinsey, 2016). Une réalité dangereuse dans un contexte où le temps est devenu la ressource rare de notre quotidien.
Il a donc fallu repenser cet espace de travail pour en harmoniser les fonctionnalités afin que chacun puisse en tirer de la valeur ajoutée à l'utilisation. C'est ainsi que les grands acteurs ont modifié leur stratégie pour ne plus vendre d'applications uniques mais des suites bureautiques agrégeant de nombreux outils interconnectés entre eux. Nous pouvons citer Google Suite et Office 365, les deux principaux éditeurs du marché ou encore Atlassian pour les suites plus orientées développement agile.
Mais est-ce vraiment la solution à tous nos maux ? Une suite bureautique éditée par un géant du numérique ? Hélas non, et ce, pour au moins trois raisons :
- L'évolution technologique : elle est trop rapide, nous ne savons pas de quels outils nous aurons besoin demain, étant donné que la plupart des outils d'aujourd'hui n'existaient pas il y a 10 ans.
- La disparité des organisations et des usages : chaque entreprise est différente et une suite d'outils packagée ne peut satisfaire pour chaque contexte, l'ensemble des besoins.
- L'interopérabilité : une suite éditée par un acteur leader ne sera jamais complètement interopérable avec une application d'un autre grand acteur, pour de simples raisons de concurrence.
Ainsi, nous faisons le constat qu'il n'existe pas (et qu'il n'existera sûrement jamais) de solution unique pour un espace de travail ouvert, collaboratif et personnalisé. Il faudra composer avec plusieurs solutions tout en s'assurant de leur sécurité, de leur interopérabilité et de leur cohérence. Le Digital Workplace ne se définit donc non pas comme une suite d'applications mais comme une unification et une harmonisation des outils numériques utilisés dans une organisation.
Centralisation, Capitalisation, Mobilité
Comme évoqué plus haut, le premier enjeu du Digital Workplace concerne la centralisation des outils et la nécessité d'harmoniser les pratiques afin d'interconnecter au mieux les applications et donc, les utilisateurs. Mais ce n'est pas tout. En 2020, la moitié des actifs seront des millenials et nous observerons un départ massif des "baby boomers" soit une perte des savoirs accumulés.
Avec les outils numériques, il est ainsi prioritaire de capitaliser ces savoirs au sein d'applications de gestion de la connaissance (de type Wiki, par exemple). Pour autant ce n'est pas en accumulant des informations qu'on facilite leur compréhension et leur accessibilité. Le Digital Workplace (DWP) a donc ici pour rôle de mieux capitaliser ces connaissances et d'en faciliter l'accès et la compréhension par tous.
Enfin, l'évolution des modes de travail a donné naissance à une mobilité toujours plus accrue : Télétravail, BYOD (Bring Your Own Device), COPE (Corporate Owned, Personally Enabled). Un besoin de mobilité qui doit être suivi et soutenu par l'espace de travail de l'utilisateur : partout, à tout moment. Un enjeu qui entraîne de nombreuses contraintes pour la sécurité de la DSI : accès à distance, authentification forte, etc.
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Comment réussir son projet Digital Workplace ?
Tout d'abord, il faut bien comprendre que le DWP repose sur des solutions grand public, paramétrables mais très peu personnalisables. Fini le cahier des charges, il s'agit désormais d'adapter les solutions à chaque contexte. Votre atout ? Une démarche orientée utilisateurs, basée sur de la recherche et sur des ateliers de test.
Ensuite, l'espace de travail est un sujet très délicat pour les utilisateurs, il s'agit de mettre en musique toutes les composantes de son travail quotidien. Une solide démarche de conduite du changement, dès l'amont et tout au long du projet, vous permettra de lever les obstacles et de convaincre les plus réticents.
Enfin pour maximiser le retour sur investissement du projet, il faudra mettre en place une gouvernance claire, diffusée et partagée des données et de l'administration de la DWP. Ainsi vous serez non seulement conforme aux réglementations (type RGPD) mais vous permettrez une meilleure scalabilité (mise à l'échelle) de la solution à travers un espace ouvert et personnalisable à votre organisation, à chaque direction, à chaque métier et à chaque individu.
En conclusion, le DWP n'est pas une "révolution" mais une évolution naturelle de nos outils de travail, qui doivent s'adapter aux nouveaux usages. Loin d'être une simple tendance, l'espace de travail numérique est et restera une composante essentielle des organisations.
Pour en savoir plus
Robin Paulet, a rejoint mc2i Groupe, cabinet de conseil en systèmes d'information et en organisation, en 2017. Il est notamment intervenu dans le secteur bancaire sur des programmes de gestion de la relation client. Actuellement en mission pour un acteur public majeur où il pilote un portefeuille de projets digitaux.