Recherche

DossierFormation continue : répondre aux nouveaux besoins de la fonction achats

Comme l'a démontré la 4e étude Deloitte sur les achats, plus de la moitié des directions achats estiment qu'elles ne sont pas dotées des compétences achats nécessaires. La fonction ayant fortement évolué, la formation se met au diapason des nouvelles compétences recherchées par les entreprises.

Publié par le
Lecture
15 min
  • Imprimer
Formation continue : répondre aux nouveaux besoins de la fonction achats
© Fotolia

1 Les parcours d'excellence

Depuis plus de dix ans, les écoles sont notées par le cabinet d'orientation SMBG, qui classe les meilleures formations master et MBA de France.

Au palmarès, six grandes écoles et deux universités se distinguent dans la catégorie achats : Kedge Business School (master achats internationaux et innovation - MAI de Bordeaux), Centrale Supélec (mastère spécialisé purchasing manager in technology and industry - MS PMTI), IAE de Grenoble (master professionnel Desma), Essec (mastère spécialisé gestion achats internationaux), EM Lyon Business School (mastère spécialisé acheteur manager international), ESCP Europe (mastère spécialisé management stratégique des achats et de la supply chain) et ESG MBA (spécialisé en management des achats). Côté universités : le pôle Léonard de Vinci (MBA spécialisé responsable des achats) et l'Université de Strasbourg (master 2 achat international).

Selon les responsables de ces cursus, il y a généralement deux catégories de personnes qui suivent ces formations : des acheteurs ou responsables achats déjà en poste et qui souhaitent monter en compétence, et parfois un, voire deux directeurs achats, ainsi que des gens n'ayant jamais fait d'achats de leur vie et venant d'horizons très variés (R&D, supply chain, marketing...). "Demain, cette double compétence sera très recherchée", annonce Natacha Trehan, la responsable du Desma (IAE de Grenoble).



Magali Testard (Deloitte)

"Une formation purement achats ne suffit plus"

Selon les résultats de la 4e édition de l'enquête mondiale Deloitte sur les directions achats publiés en avril dernier, si "les directeurs achats jouent plus que jamais un rôle-clé dans la compétitivité de l'entreprise", 57% des directions achats interrogées estiment qu'elles ne sont pas dotées des compétences achats nécessaires pour faire face au vent de la concurrence.

"Ce 57% est tiré par l'Asie Pacifique à 81%, l'Amérique du Nord à 64% et ­l'Europe­ à 50%", précise Magali Testard, associée conseil responsable achats et supply chain chez Deloitte. "Les achats participent de plus en plus à la post-acquisition, à la post-fusion, etc., explique-t-elle. Pluridisciplinaires, ils sont de plus en plus dans la stratégie et doivent travailler davantage dans la collaboration. Ils sont un business partner qui travaille avec des business partners et doivent donc être très proactifs, dans le relationnel et très orientés soft skills. Et là, il y a un vrai manque de formation. Si le cursus de formation évolue, dans les entreprises encore trop peu d'acheteurs ont suivi des ­formations achats et rares sont ceux capables d'avoir une vision à 360° pour travailler sur les enjeux de l'entreprise."

Mixer les modules achats avec d'autres formations

Magali Testard, qui a elle-même suivi le master "gestion des achats internationaux" de ­l'Essec (en formation continue) à la suite d'une école de commerce, ajoute que la fonction étant de plus en plus intégrée en amont dans les cercles de décision, "une formation purement achats ne suffit plus". Selon elle, "les écoles et universités devraient envisager de mixer certains modules achats avec d'autres formations afin d'enrichir les contenus et donc, in fine, les futurs acheteurs."

Face à l'évolution fulgurante de la fonction achats ces dernières années, les écoles et les universités revoient régulièrement leurs programmes de formation pour maintenir leur attractivité.

2 Les pratiques d'avenir

Comme l'explique Natacha Trehan, responsable du Desma (IAE de Grenoble), "les copier-coller du passé et les logiques de 'best practices' appartiennent au passé. Il faut aller vers des approches holistiques ainsi que des approches de 'creative problem solving', d'où l'importance d'introduire des démarches de créativité au sein des masters de formation continue."

Le Desma est, d'ailleurs, le premier master en France à avoir introduit un module de "creative problem solving" au sein de sa formation continue. À noter, également, que l'IAE de Grenoble bénéficie des retombées directes des recherches du Cerag (Centre d'études et de recherches appliquées à la gestion, l'un des rares laboratoires universitaires en gestion rattachés au CNRS), qu'il transforme ensuite en outils opérationnels.

3 Mieux communiquer et écouter

Autre aspect fortement développé : les "soft skills". Certaines formations, à l'instar de celle du MAI de Bordeaux, misent de plus en plus sur le développement des qualités humaines des futurs diplômés afin qu'ils sachent mieux communiquer, écouter et gérer leurs équipes. Enfin, les formations mettent quasiment toutes l'accent sur une vision beaucoup plus internationale du métier d'acheteur.

Autre point fort de ces institutions, et non des moindres, les liens étroits tissés avec la profession, qui font bénéficier les personnes en formation de leurs interventions directes sur des sujets porteurs. À l'IAE de Grenoble, par exemple, le comité pédagogique est composé de 50% de directeurs achats et 50% d'enseignants-chercheurs. "Chaque année, ce comité réfléchit à l'évolution de la fonction et la manière d'actualiser les connaissances. À la rentrée prochaine, par exemple, nous allons beaucoup travailler sur la place des achats dans l'économie circulaire et l'économie de la fonctionnalité", poursuit Natacha Trehan.


Gordon Crichton (MAI Bordeaux)

"Convaincre les directeurs achats de travailler sur les soft skills"

Pour le patron du MAI de Bordeaux - rebaptisé Management des achats et de l'innovation en 2014 -, la clé de la réussite réside, aujourd'hui, dans le développement des "softs skills".

Or, selon lui, "en France, on ne mise pas assez sur ces nouveaux modèles de leadership basés sur les comportements émotionnels. On a des difficultés à convaincre les directeurs achats de travailler sur les soft skills. Dans la mesure, explique-t-il, où la fonction achats est de plus en plus intégrée en amont pour faire partie du 'big picture' au côté de la R & D ou du marketing, le développement des compétences relationnelles est la clé de la réussite des projets.

Vieux modèle basé sur le pouvoir

Le modèle de leadership qui existe dans les entreprises, aujourd'hui, est un vieux modèle basé sur le pouvoir. Un système que les Anglo-Saxons nomment 'commande and control', système que ne supporteront pas les générations Y et Z, car elles ont pris l'habitude de faire les choses par elles-mêmes."

La spécificité du MAI de Bordeaux, essentiellement à destination du middle management, réside donc dans la large place consacrée aux "soft skills" -presque la moitié de l'année de formation. L'objectif affiché par Gordon Crichton est qu'"ils innervent totalement la formation".

La formation continue mise de plus en plus sur des analyses de cas pratiques, avec l'introduction de modules de "creative problem solving" et le développement des "soft skills".

4 Natacha Trehan (Desma) : "Le nerf de la guerre sera la dimension entrepreneuriale"


"Les acheteurs doivent, aujourd'hui, réfléchir 'out of the box', car les copier-coller et les logiques de 'best practices' appartiennent définitivement au passé.

Nous avons travaillé avec un de nos enseignants, qui est responsable du module des 'soft skills', Dominique Rondot, qui a créé en France la méthode de négociation cocréative -directement applicable dans des situations tendues avec un fournisseur- et qui aide à trouver une solution en dehors des situations classiques. Cette approche est donc enseignée au Desma.

5 Dénicher les nouvelles technologies, identifier les start-up inovantes

Cette approche est expliquée dans un article dédié sur Decision-achats.fr (La négociation co-créative, une nouvelle voie pour renouer avec la performance achats). Mais, selon moi, le nerf de la guerre, demain, pour les acheteurs, sera la dimension entrepreneuriale de leur profil.

Il faut qu'ils soient capables d'être des business developers, de dénicher une nouvelle technologie, identifier des pépites et start-up innovantes et, pourquoi pas, pour que leur entreprise les rachète.

De nouvelles approches grâce auxquelles ils contribueront directement au business model de leurs entreprises."

Interrogée par Décision Achats, la responsable du Desma (IAE de Grenoble) n'y va pas par quatre chemins : selon elle, la fonction a mué et les acheteurs doivent devenir des business developers.

6 Des formations plus business

"L'acheteur doit sentir le vent de la concurrence", estime Benjamin Pierre, de l'Institut Léonard de Vinci. Il doit donc se doter d'une véritable vision business.

"Pour moi, la fonction achats doit se rapprocher de l'innovation et du marketing pour être plus près du business et moins le nez dans des tableurs Excel, comme c'était le cas il y a 20 ans", explique également Olivier Wajnsztok, président de l'association des anciens du MAI de Bordeaux et directeur associé du cabinet de conseil AgileBuyer. La spécificité du MAI de Bordeaux réside, d'ailleurs, dans l'appréhension du binôme marketing/achats. L'objectif affiché par le patron du master, Gordon Crichton, est de "former des business drivers".

7 Stratégies achats transversales

À l'Essec, on forme aussi des managers achats capables de mettre en musique des stratégies, comme l'explique Patrice Pourchet, directeur pédagogique de la gamme achats de l'Essec Executive Education : "Aujourd'hui, les entreprises sont globalisées et recherchent donc des gens capables de mettre en oeuvre des stratégies achats très transversales qui tiennent la route".

Destinées au middle management et aux futurs dirigeants achats, les formations de l'Essec proposent des modules de spécialisation au management des métiers achats, également disponibles en anglais. Au menu : explication et imprégnation des meilleures pratiques managériales, en intégrant, notamment, tout ce qui relève de l'open innovation, de la transformation digitale et de la construction de nouveaux modèles économiques, dont l'intermédiation (Uber, Blablacar...) ainsi que la capacité à créer et à animer des réseaux. Objectif : poser le rôle des achats dans ces transformations dans le but de construire de nouvelles approches.

L'Essec a choisi également de miser sur l'approche interculturelle en capitalisant, notamment, sur son campus de Singapour. "Comprendre comment les différences interculturelles jouent un rôle dans les comportements des acteurs, c'est donner aux managers achats les clés pour mieux appréhender la diversité du monde et en faire un effet de levier aux achats", affirme Patrice Pourchet (Essec Business School).

8 Cours de géopolitique

L'interculturalité, le master "responsable des achats" du pôle universitaire Léonard de Vinci (désormais titre niveau 1 - bac + 5 - inscrit au RNCP) a choisi également de la développer à la rentrée. Vingt-et-une heures seront dédiées à un cours sur les États-Unis avec un intervenant parlant couramment le suédois, le danois et l'anglais, et sur l'Asie et le Moyen-Orient avec un intervenant indien. Ces cours sont totalement dispensés en anglais.

Des cours de géopolitique aideront aussi les acheteurs à comprendre comment les grands ­bouleversements peuvent également impacter la stratégie achats. Benjamin Pierre a souhaité, en outre, que 6 heures de formation soient consacrées au transport international ainsi qu'à la réglementation douanière. Il ajoute que la spécificité de ce master réside dans l'organisation de nombreuses visites d'entreprises pour, explique-t-il, "aller à la rencontre des services achats ou des services logistiques. Les étudiants qui suivent la formation en 'part time' vont pouvoir réaliser un diagnostic de leur propre structure d'achats ou d'une structure extérieure avec préconisation d'actions. Le but étant d'être très opérationnel".

La "Purchasing academy" du groupe Seb

Une académie à vocation mondiale

Et pourquoi ne pas suivre la formation continue conçue par sa propre entreprise ?
Certains groupes proposent, aujourd'hui, à leurs collaborateurs des cursus maison pour les faire monter en compétence.
Le groupe Seb, par exemple, a créé sa propre "Purchasing academy", une académie à vocation mondiale qui se met en place dans quatre endroits dans le monde (Brésil, France, deux sites en Chine) et dans trois langues (français, anglais, chinois) pour les 300 collaborateurs du groupe qui travaillent dans les achats.

60 managers achats de toutes les entités du groupe
Lors de la 8e édition de la "Purchasing week", organisée par la direction des achats du groupe Seb fin mai dernier, plus de 60 managers achats de toutes les entités mondiales du groupe s'étaient donné rendez-vous pour discuter développement des compétences.
Une occasion en or, comme l'explique Hervé Montaigu, le directeur des achats du groupe. "Nous avons profité du fait que tous les mondiaux étaient présents pour faire cinq cycles de formation en parallèle autour de sujets tels que 'legal et finance', 'négociation', 'management des fournisseurs clés', 'construction d'une stratégie achats' et une nouvelle initiative lancée cette année, intitulée 'post-training', module qui s'adresse à 12 personnes ayant suivi des formations il y a un ou deux ans, pour avoir un retour d'expérience et savoir comment elles leur sont utiles au quotidien."


Certaines écoles, qui développent l'interculturalité dans tous les sens du terme, estiment que l'acheteur doit se doter d'une vision business globale, pour devenir un "business driver" capable d'implémenter des stratégies.

9 Du côté des cabinets spécialisés

Le catalogue de Demos, par exemple, se compose d'environ 70 formations purement achats et 90 avec la supply chain. Elles forment aux métiers des achats via des cycles longs (proposés en blended learning) ou parcours professionnels certifiants. "Nous avons aussi une offre complète de formations sur les outils achats : cahier des charges fonctionnel, négociation, marketing achats...", explique Marie-Pierre Blanc Kerignard, chef de produits chez Demos.

Deux nouveaux modules viendront enrichir l'offre, cette année : la transformation digitale et la création de valeur (innovation). Des négociations sont en cours pour faire inscrire les formations certifiantes au CPF (compte personnel de formation, qui a remplacé le DIF au 1er janvier 2015).

La Cegos propose, de son côté, des formations en achats-logistique, management ou gestion de projets. Karine Charretier, responsable des achats FF&E à la direction des achats du groupe Accor, a suivi l'une de ces formations.

Nouveaux concepts de salles de réunion ou de chambres, elle travaille régulièrement en équipe projet. L'objectif qu'elle s'est fixé, en choisissant la formation interentreprises de la Cegos, intitulée "formation complète au management de projet" (84 heures de cours, cinq modules, répartis sur 12 jours et étalés sur six mois ainsi que sept modules d'e-learning) : "Mieux appréhender la gestion générale d'un projet, aussi bien sur les aspects techniques (hard skills) que managériaux (soft skills)."

Une formation dispensée en petit groupe (5/7 personnes), qui existe aussi avec un module diplômant et qui nécessite la rédaction d'un mémoire et le suivi à distance avec un tutorat.

Demos propose aussi son master "management des opérations et qualité/spécialisé management des achats", qui s'étale sur douze mois (460 heures/ 12 500 €) et s'adresse aux futurs directeurs achats.

10 Formation inter ou intraentreprises

À l'instar de la Cegos et de Demos, la Cdaf Formation, qui existe depuis 60 ans, propose aussi bien des formations inter qu'intraentreprises et deux formations certifiantes inscrites au RNCP via l'Esap -École supérieure des acheteurs professionnels : un titre de niveau 2 "Esap- acheteur leader" (8 000 diplômés depuis 45 ans), 420 heures de formation très complète et un titre de niveau 1 (donc équivalent master 2) "Esap - manager des achats internationaux", qui vient compléter le côté opérationnel du titre "acheteur leader" avec une dimension plus stratégique.

"Je pense que notre rythme de formation continue est l'un des plus intéressants en France, car nos apprenants viennent environ deux fois par mois en centre de formation les jeudis, vendredis et samedis. Ce qui signifie que, sur une année de formation, le temps de présence en entreprise avoisine les 80 %, ce qui est un grand avantage pour convaincre la hiérarchie de les laisser partir en formation, même si ça leur demande un effort personnel conséquent", explique Inès Duprat, directrice adjointe Cdaf Formation.


Certains cabinets de conseil privés proposent des modules achats à la carte, diplômants, certifiants ou non, et qui s'adaptent plutôt bien à l'emploi du temps des acheteurs, puisqu'ils s'étalent, pour la plupart, sur deux ou trois jours.

11 Franck Barrailler (Inpi) : "J'ai officialisé mon expérience dans les achats"


12 Quelle formation avez-vous suivie ?

J'ai suivi le MBA ingénierie et management des achats de l'Institut Léonard de Vinci en part time (trois jours de formation par mois pendant un an), lorsque j'étais responsable du pôle achats de l'Agence nationale de l'habitat (Anah).
J'ai initié cette démarche et financé la moitié de la formation. Les disciplines qui m'ont été enseignées : sourcing, négociation, performance, communication achats, ­externalisation, achats internationaux et achats industriels.

13 Quel bilan en tirez-vous ?

Un bilan très positif, qui me permet aujourd'hui de développer une culture des achats privés -étant juriste marchés publics de formation-, de maîtriser les stratégies achats et les outils d'aide à la décision, de piloter la restructuration de fonctions achats et d'avoir une culture économique.
Avec ce diplôme, j'ai "officialisé" ma pratique et mon expérience dans les achats. Cette expérience m'a aussi valu de développer un réseau composé­ à la fois d'experts, de directeurs achats et de condisciples.

14 Avez-vous fait suivre des formations aux membres de votre équipe ?

J'ai repris le service marchés publics de l'Inpi en janvier 2014 pour le transformer en service achats.
L'accompagnement du changement en termes de formation a été fait sur trois axes : la formation des acheteurs sur leurs nouvelles activités (définition du besoin, sourcing, négociation et ­performance pendant toute l'année 2014 avec des formations interentreprises), le coaching des acheteurs (avec le cabinet CKS Public spécialisé en achats publics et privés) sur les nouvelles activités pour développer leur expertise de manière plus ciblée (définition des besoins sur une demi-journée de coaching et négociation sur la même durée), et des formations obligatoires pour les prescripteurs sur demande de la direction générale, soit 130 personnes prescriptrices à l'achat formées à la définition du besoin et à la négociation.

En trois questions, Franck Barrailler (responsable achats Inpi) revient sur son MBA ingénierie et management des achats décroché à l'Institut Léonard de Vinci.

Sur le même thème

Voir tous les articles Talents

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page