Crédit mobilité : la fin du 100 % voiture dans les flottes
Une voiture de catégorie inférieure, associée à un budget mobilité pour le reste des déplacements, est le principe du "crédit mobilité " proposé par certaines sociétés à leurs collaborateurs. Une formule qui en appelle d'autres pour réduire la place du véhicule de fonction dans les flottes.
Je m'abonneSelon l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), plus de 75 % des déplacements domicile-travail se font en automobile, avec un taux d'occupation du véhicule proche de 1. De même, près de 50 % des émissions de CO2 des entreprises sont liées aux déplacements professionnels en voiture. Enfin, selon une étude publiée par le ministère du Travail, la durée moyenne du trajet aller-retour domicile-travail s'est accrue de 25 % en 17 ans. Les Français mettent ainsi en moyenne 50 minutes par jour pour aller au travail et en revenir, contre 40 minutes en 1998.
Cette situation où les lieux de travail sont de plus en plus éloignés et le recours à l'automobile de plus en plus nécessaire pousse les entreprises à rechercher d'autres formules d'attribution de voitures de fonction.
L'Observatoire du véhicule d'entreprise (OVE) recense trois types de déplacements professionnels. D'abord, des déplacements urbains ou périurbains qui sont réalisés en transport en commun, en taxi ou en véhicule d'entreprise. Ensuite, les déplacements extra-urbains de porte à porte en voiture particulière, en train ou en avion. "Dans cette catégorie, on perçoit depuis 2008 une tendance pour les entreprises à rechercher une réduction du poids de ce poste transports, indique Bernard Fourniou, président de l'OVE. La politique de déplacement a ainsi évolué dans la plupart des entreprises ; la règle de la première classe dans le train a disparu, la visioconférence se développe, de nombreuses entreprises s'orientent vers le télétravail et les collaborateurs analysent désormais beaucoup plus la nécessité de leurs déplacements."
Enfin, selon le président de l'OVE, "le troisième type de déplacement s'effectue en véhicule de fonction ou en véhicule commercial et, là, la voiture reste privilégiée. Ici, la mobilité est choisie et la voiture l'emporte d'autant plus qu'elle est dotée désormais d'équipements d'aide aux déplacements et d'outils de connectivité, faisant de l'automobile un véritable bureau mobile."
Reste qu'une voie semble ouverte pour de nouvelles formes de mobilité. D'autant que dans les entreprises situées dans les grandes métropoles, les collaborateurs les plus jeunes ne marquent plus forcément le même intérêt à l'égard de la voiture de fonction.
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Des formules de "cash or car"...
En France, depuis plusieurs années, Ubeeqo (groupe Europcar), spécialisée dans l'autopartage en entreprise, propose une solution de crédit mobilité. Avec cette formule, le collaborateur qui utilise une voiture de fonction peut échanger son véhicule pour un modèle plus petit et plus adapté à un usage quotidien tout en bénéficiant alors d'un crédit mobilité afin de financer ses déplacements privés en train, taxi, location de voiture, etc.
Comme le souligne Emmanuel Nedelec, directeur général d'Ubeeqo en France, "cette solution convient à des personnes qui préfèrent rouler dans de petits modèles de voitures. Et dans les entreprises, ce crédit mobilité prend un véritable sens lorsqu'il est couplé avec un véhicule en autopartage". Quant au calcul de cette enveloppe budgétaire, il s'effectue en comparant le TCO de l'ancien modèle au regard du véhicule plus petit choisi par le collaborateur. L'écart entre les deux TCO constitue le crédit mobilité qui lui est attribué. Aujourd'hui, plus de 15 entreprises, parmi lesquelles LVMH, Danone, L'Oréal, Vivendi ou Primagaz, proposent cette solution de crédit mobilité à leurs collaborateurs.
Reste qu'il n'existe pas encore en France de cadre fiscal permettant aux entreprises de proposer à leurs collaborateurs une alternative aux véhicules de fonction sous forme, par exemple, d'un chèque mobilité. Or, une telle possibilité permettrait d'apporter à de nombreux salariés qui vivent et travaillent en centre-ville un avantage plus pertinent qu'une voiture statutaire, et ainsi contribuer, de façon modeste mais directe, à réduire le parc automobile, estime Ubeeqo.
C'est pourtant la voie suivie en Belgique où, à partir du 1er janvier prochain, les collaborateurs disposant d'une voiture de fonction pourront l'échanger contre du "cash" sans pour autant payer plus d'impôts. Selon le site économique belge lecho.be, le gouvernement va autoriser un système de budget mobilité appelé "cash for car" permettant d'offrir une plus grande liberté de choix aux collaborateurs des entreprises, tout en veillant à leur garantir une fiscalité qui tienne compte de leurs choix sur le plan de la mobilité et de l'environnement.
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...et des solutions de "cash for car" !
Le point de départ pour le calcul de ce budget mobilité attribué sera la valeur catalogue de la voiture en possession du collaborateur. Quel que soit l'âge du véhicule, cette valeur sera limitée aux six septièmes de la valeur et le montant réparti sur cinq ans. Le résultat sera équivalent au budget mobilité annuel. Si une partie du salaire est retenue comme compensation pour l'usage privé de la voiture, elle sera déduite de la valeur catalogue. Ce budget mobilité sera par ailleurs majoré de 20 % pour compenser l'abandon de la carte carburant. Enfin, la fiscalité continuera d'être calculée sur la base de l'avantage en nature que constitue la voiture.
Du côté des entreprises comme des collaborateurs, ceux-ci seront libres d'appliquer et de choisir ou pas cette opportunité en sachant que le mouvement sera progressif puisqu'une entreprise ne devrait pas autoriser ses employés à restituer une voiture en location longue durée avant l'échéance, sauf à accepter de payer des indemnités pour rupture de contrat à son loueur.
Pour l'heure, les enquêtes réalisées ne font pas état d'un engouement important de la part des salariés pour saisir cette opportunité, et en particulier pour les gros rouleurs qui parcourent près de 30 000 km par an. 50 % des personnes interrogées indiquent cependant envisager l'option du "cash", relève lecho.be, et selon un récent sondage organisé par le spécialiste en services RH Acerta auprès de 300 patrons et managers RH belges, 80 % d'entre eux ne croient pas que leurs employés soient intéressés. "Près de la moitié s'attendaient à ce qu'aucun employé ne renonce à sa voiture en échange d'un budget mobilité sous forme de cash. Et plus d'un tiers estiment qu'au maximum 10 % de leurs collaborateurs disposant d'une voiture de société accepteront l'offre d'échange", analyse Yannick Sarin, le directeur d'Acerta.
Le calcul du budget mobilité issu de l'abandon de sa voiture de fonction se traduirait ainsi par une somme annuelle de 7 500 euros pour l'utilisateur d'une Audi A4. Une Peugeot 308 donnerait lieu à un équivalent en salaire de 4 730 euros, une VW Golf s'échangerait contre un complément de salaire annuel de 4 216 euros tandis qu'une Tesla P75D apporterait un budget mobilité annuel de... 18 100 euros à son ancien utilisateur. Une formule à suivre.
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Crédit mobilité : une offre innovante car sans obligation
L'interview de Xavier BAZIN, Car fleet manager de Bristol-Myers Squibb
Le laboratoire Bristol-Myers Squibb a été l'un des tout premiers en France à adopter et à proposer le crédit mobilité auprès de ses collaborateurs. Xavier Bazin, car fleet manager pour la France, la Belgique et les Pays-Bas, nous explique les raisons de ce choix.
> Quelle est l'origine du crédit mobilité proposé chez Bristol-Myers Squibb ? À quels besoins son introduction répondait-elle à l'époque?
L'introduction du crédit mobilité chez Bristol-Myers Squibb remonte à trois ans lorsque le siège de l'entreprise, situé à Rueil-Malmaison, en région parisienne, était aussi à l'époque le siège européen du groupe. Des collaborateurs étrangers ne désirant pas conduire dans Paris nous ont poussés à rechercher des formules " cash or car " offrant une alternative à la voiture de fonction. Nous nous sommes alors tournés vers Ubeeqo qui proposait justement une formule de crédit mobilité. Une population de collaborateurs était intéressée par cette solution, d'autant qu'après étude, nous avons constaté que 50 % des collaborateurs de l'entreprise circulaient moins de 15 000 km par an et même que 20 % ne parcouraient pas plus de 10 000 km par an. Il y avait donc là une situation propice à l'introduction du crédit mobilité et lorsque nous l'avons proposée, cette alternative a intéressé immédiatement entre 10 à 20 % des collaborateurs du siège.
> Comment fonctionne le crédit mobilité chez Bristol-Myers Squibb ?
Nous proposons deux formules : soit une petite berline de fonction (à l'époque il s'agissait de Volvo V40) complétée par un budget de mobilité ; soit pas de véhicule de fonction du tout et un budget mobilité équivalent. La première année, 10 personnes ont souscrit à cette formule et la première personne à adhérer au programme était membre du comex et n'avait pas le permis de conduire. De fait, elle se sentait discriminée car elle ne bénéficiait donc pas de voiture de fonction.
Parmi les autres catégories de collaborateurs ayant souscrit à cette solution de budget de mobilité, on retrouve les différents cas de figure allant du collaborateur dont le conjoint bénéficie déjà d'un véhicule de fonction jusqu'aux salariés habitant le centre de Paris, pour lesquels les week-ends et vacances sont consacrés à voyager. Dans les deux cas, le crédit mobilité répond à leur préoccupation puisque cette formule, pour des dépenses liées seulement à la mobilité, permet de prendre l'avion, le train, le taxi ou d'acquérir un pass Navigo pour les transports en commun.
> Après trois ans de pratique, cette solution est-elle toujours adaptée ?
Cette offre continue d'être bien adaptée et elle est toujours perçue comme innovante car elle ne comporte pas d'obligation. Dans notre politique automobile, 10 à 20 % des collaborateurs sont éligibles à une voiture de fonction au sein de trois niveaux de hiérarchie, et il en va de même du crédit mobilité, lequel évolue en fonction de ces trois grades. Enfin, nous n'avons pas constaté d'alourdissement des coûts car nous proposons une offre de mobilité qui répond vraiment aux besoins de nos collaborateurs.
De nouvelles solutions de mobilité
À ce sujet, l'OVE constate que "les déplacements restent individuels même parmi les jeunes, lesquels pourtant ne cherchent pas à s'approprier un seul mode de déplacement". Bernard Fourniou met ainsi en avant l'âge moyen d'un acheteur de voiture aujourd'hui : 55 ans. Cela veut dire que les jeunes générations raisonnent de façon différente et considèrent un véhicule comme un service et un simple moyen de transport. "Aujourd'hui, de nouvelles formes de mobilité répondent à un souci de liberté, de temps et d'optimisation. Mais la voiture reste au centre et dans les entreprises elle est le seul modèle de déplacement réellement souple", note celui-ci.
De nouvelles formules de mobilité et d'attribution d'une voiture de fonction sont cependant attendues dans les flottes d'entreprises. Au Benelux, le loueur ALD Automotive propose ainsi de nouvelles offres de location avec des durées plus flexibles, plus courtes ou variables grâce au recours à des petites voitures de fonction qui peuvent être échangées le temps d'un week-end ou durant les vacances avec un modèle plus familial. "Autre solution que nous proposons surtout aux Pays-Bas, indique Carel Bal, le patron d'ALD au Benelux, les collaborateurs des entreprises peuvent disposer d'une carte de mobilité leur permettant d'utiliser tous les modes de transports pour leurs déplacements. Tous les coûts sont ainsi rassemblés et nous facturons le client pour l'ensemble de sa mobilité."
Par ailleurs, explique Carel Bal, "aux Pays-Bas, ALD Automotive propose plusieurs formules : ALD Free comprenant un budget mobilité, ALD Railease associant de la location longue durée avec un abonnement au train ou encore ALD Choice. Il s'agit là d'un showroom digital où le collaborateur de l'entreprise peut choisir son véhicule en LLD, mais peut aussi combiner le choix d'un véhicule plus petit avec un vélo ou une carte de mobilité."
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