[Tribune] Fabien Voisin (Inria) : "Sans volonté politique, point de maturité pour les achats publics"
Depuis 2001 et les réformes successives du code, la démarche achat s'introduit peu à peu dans la sphère publique. La création, au niveau de l'Etat, du service des achats de l'Etat (SAE), en passe de devenir une Direction des Achats de l'Etat, traduit et illustre cette évolution. Même si, tant au niveau des collectivités locales (d'ailleurs le directeur actuel du SAE était directeur des achats de la mairie de Paris) que de l'Etat et ses établissements, un mouvement de professionnalisation avait été engagé sans attendre la création du SAE.
La vraie différence entre les différentes organisations publiques est, comme dans le privé, liée à la taille et aux moyens des organisations. Une " petite " collectivité, comme une TPE ou une ETI, pourra difficilement mette en place une fonction achat et atteindre un haut niveau de maturité achat. Par contre, elle pourra faire en sorte que le code des marchés publics devienne un véritable outil de la confiance.
En effet, les contrôles se sont allégés, la règlementation s'assouplit au fil des réformes (même si l'on constate, avec surprise, certains retours en arrière sur le plan du formalisme dans le projet de décret) et l'approche économique des achats publics n'est plus un tabou (c'est même une obligation pour l'Etat et une nécessité pour les collectivités).
Car, comme pour le privé, c'est bien l'état des finances publiques qui joue le rôle d'accélérateur de la professionnalisation des achats publics.
Et l'on constate que la réglementation de la commande publique peut être considérée comme l'ADN des achats publics permettant de les distinguer des achats privés.
Pour une démarche achat efficace
En réalité, la démarche achat efficace est la même dans le privé et le public. En termes de pilotage, il est nécessaire d'établir une politique achat qui sera le fondement de la légitimité d'une fonction achat rénovée, séparée des directions juridiques, et lui fixera ses objectifs classiques (C/Q/D) ainsi que des objectifs plus spécifiques conformes aux politiques publiques en faveur du développement durable, de la responsabilité sociale et sociétale et du soutien à l'innovation.
Ensuite, la spécialité de chaque organisation lui permettra de distinguer des politiques spécifiques pour ses achats métiers (qui seront l'équivalent des achats de production réalisés parfois par ses établissements (les BU), lorsqu'il s'agit d'une organisation mutli-sites). Pour les établissements de recherche, cela revient à définir une politique spécifique pour les achats scientifiques.
Ces politiques achats, issues de la stratégie générale de chaque organisation et des politiques métiers pilotés par les différentes directions, se déclineront en stratégies particulières pour chaque famille d'achat. Ce qui permettra de faire émerger des expertises achats, associée pour chaque famille, aux expertises métiers et d'instaurer le plus en amont possible cet indispensable dialogue (au sens de "dia logos" : à travers la logique de) acheteur / prescripteur et de rétablir la confiance en interne. C'est le seul moyen d'identifier des gisements d'économies pérennes, en gardant à l'esprit que plus de 60% des gains économiques proviennent d'actions sur les politiques de consommations et d'utilisation, les actions sur les prix ayant un effet plus limité.
Au-delà des aspects stratégiques, l'évolution (la création ?) du métier d'acheteur public signifie une démarche achat similaire à celle du privé, à savoir la nécessité pour l'acheteur d'investir les différentes phases de l'achat et le dialogue avec le contrôle de gestion. Les phases ultra-amont (politique / stratégie), amont (marketing achat, sourcing et veille) qui sont celles qui génèrent les gains les plus importants, consultation et choix, suivi d'exécution et mesure de la performance.
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