Acheteur public : le couteau suisse des collectivités
Juriste, manager de l'acte d'achat : comment doit évoluer le profil des acheteurs pour accompagner les mutations de la commande publique? Et dans quel nouveau modèle d'organisation? Réponses à l'occasion du 6e forum des acheteurs publics organisé par la Gazette des communes.
Je m'abonneQuel est le profil idéal d'un acheteur public? Si les juristes ont longtemps été aux commandes des achats dans les collectivités en raison du poids des procédures, désormais les économistes s'y taillent une part de plus en plus belle. "Le sujet de l'achat public a longtemps été réservé aux juristes. On ne parlait alors que de procédures avec la personne ès qualité", confirme Martine Poirot, directrice générale des services au sein de la Communauté de Communes du Bassin de Pompey (région de Metz), à l'occasion d'une table-ronde lors du 6e forum des acheteurs publics organisé par la Gazette des communes.
Recherche mouton à 5 pattes
"Mais l'acheteur public d'aujourd'hui est au carrefour de 3 métiers (juridique, économique et technique). Il doit maîtriser la dimension juridique, avoir une vision économique et stratégique en gestion et finance tout en ayant un savoir-faire technique. C'est un peu le couteau suisse de nos collectivités", poursuit Martine Poirot de la CC du Bassin de Pompey. C'est pourquoi dès 2015, la Communauté de Communes a recruté un acheteur public issu d'une école de commerce dans le cadre de la création d'une cellule achat unique pour l'ensemble de ses 13 communes. Cet acheteur restant néanmoins hiérarchiquement rattaché à un juriste pour "une complémentarité et une vision différente de l'achat". Même sentiment pour Bruno Koebel, directeur adjoint du conseil, de la performance et des affaires juridiques au sein de la ville et eurométropole de Strasbourg qui voit en l'acheteur public une sorte "d'Huggy les bons tuyaux".
"Un état d'esprit"
Une sorte de mouton à 5 pattes qu'il semble difficile de recruter. S'il avoue que le profil idéal est celui d'une personne sortie d'une école de commerce avec des années d'expérience et de l'appétence pour les marchés publics, il avoue rechercher davantage un "état d'esprit", plus qu'une formation précise. "La personne doit être curieuse, énergique, apporteuse d'idées. Elle doit amener de la stratégie en s'intéressant à l'écosystème économique et environnemental de la commune, être capable d'aider les personnes à se réinterroger sur leurs pratiques et les amener vers de nouvelles solutions. Mais aussi savoir faire preuve d'humilité en ne se positionnant pas comme un expert à la place de l'expert. Bref, avoir une certaine intelligence humaine", énumère le directeur adjoint du conseil, de la performance et des affaires juridiques de Strasbourg. Et avoir toutes ses cordes à son arc... "Ce n'est plus un arc qu'on recherche, c'est une harpe", souligne-t-il.
Le profil d'acheteur public ne cesse de redéfinir ses contours et de se professionnaliser au rythme des réformes. Ce qui passe notamment par "une transformation de la culture des élus afin de leur faire comprendre la création de valeur apportée par le métier d'acheteur public", souligne Fabrice Picardi, directeur des achats, commande publique & juridique Conseil Régional Centre Val de Loire.
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Vers un nouveau modèle d'organisation achat
Une fois, les bons profils trouvés, comment faire fonctionner une organisation achats efficiente? Il existe deux solutions selon Bruno Koebel, directeur adjoint du conseil, de la performance et des affaires juridiques de Strasbourg : "soit spécialiser en centralisant les achats (type services généraux), soit irriguer en décentralisant les achats". Mais la vérité semble entre les deux. C'est ce qu'est en train de mettre en place la ville de Strasbourg en créant une coordination des achats centralisée chargée de la mise en oeuvre des bonnes pratiques (formation, schéma promotionnel des achats responsables, ...) au sein d'une direction conseil et performance, avec en parallèle un réseau d'acheteurs au sein des directions métiers.
Du côté de la région Centre Val de Loire, l'usager est mis au coeur de la réflexion et la création de valeur apportée par les achats, le credo de l'organisation. "Les achats sont une compétence clé parmi les autres. Ils ne sont pas une ressource annexe des directions opérationnelles. Autrement dit, les directions métiers ne sont pas mes clients, on travaille ensemble pour l'usager final", précise le directeur des achats, commande publique & juridique du Conseil Régional Centre Val de Loire. Cette création de valeur est déterminée par la direction opérationnelle et les achats travaillent dessus. Ainsi, les acheteurs dépendent de la direction des achats mais leurs objectifs sont définis par les directions opérationnelles dans une sorte de schéma de "management matriciel". A terme, une commission de pré-programmation "pour sensibiliser les élus à l'objectif de création de valeur pour l'usager" devrait être mise en place à la Région Centre Val de Loire. Car au final, l'achat public est là pour mettre en oeuvre les politiques publiques. Et c'est là un des plus grands défis : "croiser l'acte d'achat qui est transversal avec chacune des politiques publiques qui elles, sont verticales", conclut Bruno Koebel, directeur adjoint du conseil, de la performance et des affaires juridiques de Strasbourg.